jeudi, mai 11, 2017

Pays candide

Lorsque j'ai changé de succursale à l'automne dernier, j'ai fait la connaissance avec une jeune personne avec laquelle j'ai tout de suite su que la collaboration serait féconde et stimulante. Je crois que nous avons rapidement compris que nos sens de l'humour étaient précisément compatibles. Il émane d'elle une telle candeur, une absence presque complète de la peur du ridicule qui ne pouvaient faire autrement que de m'amuser grandement, si ce n'est de me charmer carrément.

Si je me plais à écrire des histoires, elle a le chic de les raconter de vive voix. Son sujet de prédilection est incontestablement les aventures qui la mettent en scène lorsqu'elle s'est retrouvée dans une situation ridicule. Alors elle me les raconte spontanément, sachant que je serai un public de premier ordre pour ce genre d'anecdote.

Un midi qui suivait une matinée rude pour moi, le genre de matinée où j'avais eu maille à partir avec des clients mécontents pour des raisons diverses, elle avait entrepris de me raconter comment elle avait un jour décidé de suivre les indications d'un GPS pour aller de la région de Québec à celle de Sallaberry-de-Valleyfield et que d'une mauvaise indication à une autre, elle avait fait un petit détour par Terrebonne, avant de finalement arriver à destination. Le tout avec moult détails sur toutes les pensées qui avaient accompagné les diverses étapes de ce rocambolesque retour à la maison. J'avais ri à en avoir mal aux côtes et il vaut encore mieux aujourd'hui que je ne m'attarde pas trop à penser à cette aventure sans quoi j'ai le rire qui me reprend de manière assez intempestive. Il va sans dire qu'elle avait grandement contribué à changer l'humeur de ma journée.

C'est le type de personne qui, même dans ses mauvaises journées, prend systématiquement le pari de faire contre mauvais fortune bon cœur. Elle m'avisera, à l'avance, qu'elle ne sera pas au mieux de son efficacité, et si je peux de visu constater qu'elle est capable de multiplier les bourdes de manière assez ahurissante, aucune d'entre elles n'a d'effet désastreux si ce n'est un ralentissement évident de son rythme de travail. Ce qui est préférable à une attitude boudeuse ou agressive, selon moi.

Quelquefois, je crois qu'elle a le sentiment que je me moque un peu d'elle, tellement tout ce qu'elle me dit me fait rire. Jamais je n'oserais cependant, j'aurais beaucoup trop l'impression de saper une force vive dans son élan immatériel. Ceci dit, je suis tellement ricaneuse qu'il m'est souvent impossible de me retenir.

Je présume que, comme tout le monde, elle a ses heures de bouette lors desquelles elle n'est pas la jeune personne pétillante avec laquelle j'ai l'habitude de travailler, mais elle les garde à la maison. Ce qui fait qu'elle est devenue, pour moi, dans les six derniers mois un îlot de frâcheur, un petit pays candide auprès duquel il fait bon respirer.

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