Champ gauche
Ceux qui me connaissent
savent à quel point j'aime la littérature jeunesse.
Particulièrement, les personnes avec lesquelles je travaille. Je
dirais qu'elles se trouvent souvent chanceuses de m'avoir dans les
alentours lorsque vient le temps de suggérer des livres pour les
tous petits. Soyons honnêtes, la plupart des jeunes adultes, donc du
personnel changeant du commerce de détail, ne s'intéresse que peu à
ce genre d'ouvrage. Sauf que moi, je les aime d'amour.
Je lis à peu près
toutes les nouveautés qui sortent en ce domaine, et j'en achète une
foule pour Zazou qui voit croître sa bibliothèque presque à toutes
les fois que je le vois. Il ne le sait pas encore, mais il possède
des albums qui sont beaucoup trop élaborés pour son âge. Mais
comme il aime les images, peu importe qu'il s'intéresse plus ou
moins à l'histoire, dans un avenir pas si lointain il aura de bonnes
histoires à se mettre sous la dent, des histoires dont il connaît
déjà les images et qu'il commente à sa manière depuis qu'on les
lui a mises entre les mains.
Comme j'ai une certaine
facilité à organiser ma mémoire de façon à ce que les
informations utiles reviennent à l'avant plan lorsque j'en ai
besoin, il m'arrive assez régulièrement d'avoir une idée un peu
saugrenue, un peu champ gauche qui pourrait convenir à la maman ou
au papa qui est devant moi et qui cherche désespérément une
manière d'aborder un problème récurrent avec l'enfant qui traverse
telle ou telle période.
Récemment, une dame est
entrée dans la succursale un peu hagarde, presque convaincue
d'avance que cette visite dans une librairie ne lui apporterait rien
de bon. Son plus jeune fils semblait ne plus avoir aucune envie de se
diriger vers la propreté malgré toutes les stratégies qu'elle et
le papa avaient mises en place pour y arriver. Ce que je comprenais
de l'histoire, c'était que le cheminement c'était fait de manière
normale pendant un moment mais que depuis quelque chose comme trois
mois, non seulement, il n'y avait plus de progression, mais qu'en
fait le petit était de moins en moins enclin à demander le pot,
surtout pour les cacas.
Je n'ai pas d'enfants,
mais j'avais entendu dire que pour certains bambin, il y avait comme
une épreuve de séparation d'avec le contenu de la couche, comme si
c'était une extension de lui-même. Alors plutôt que de lui
présenter un des sempiternel ouvrage sur les enfants qui commencent
à utiliser le pot, je lui avait suggéré un album sur le contenu
des couches. Plein de sortes de cacas caché dans des couches de
différents bébés animaux et que le personnage principal, trouve,
évidemment, supers intéressants. La maman, n'avait absolument pas
l'air convaincue par ma suggestion, mais l'avait achetée, juste pour
mettre toutes les chances de son côté.
Trois semaines plus tard,
elle est revenue dans le magasin, je l'ai accueille à son entrée,
comme j'accueille tous les clients en me disant que son visage me
disait vaguement quelque chose. C'est elle qui m'a remis en mémoire
cet achat récent en me disant tout de go : « Votre livre,
madame, a fait des miracles; mon fils est presque propre en seulement
trois semaines! Est-ce que je peux vous faire la bise? »
J'ai, bien entendu,
accepté, c'était si gentiment demandé. Et puis ce n'est pas tous
les jours qu'on a le droit à une reconnaissance aussi directe du
travail que l'on accompli.
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