jeudi, mai 25, 2017

Allumer des étoiles

Il me semble que j'avais quelque chose comme 11 ans, peut-être un peu plus. J'étais dans une allée d'épicerie quand j'ai entendu, pour la première fois Sunglasses at night. Je ne sais toujours pas très exactement ce qu'il y avait dans cette chanson, mais ça m'est tombé dessus comme une tonne de briques. Je commençais depuis quelques temps à m'intéresser à la musique pop, même si ce n'était pas une activité franchement recommandée à l'école que je fréquentais. Mais, les voisinage n'allait pas à la même école que moi et conséquemment je subissais son influence. C'était l'époque où il fallait choisir entre Michael Jackson et Boy George, celle ou une fille ne pouvait pas aimer Corey Hart et Brian Adams. Je préférais Boy George, je le trouvais différent et bien entendu, mon faible pour Corey Hart n'a fait que se développer de plus en plus, jusqu'à ce que ce penchant devienne une source d'amusement pour mon entourage.

Je n'avais été voir la tournée Boy in the Box, mes parents me trouvaient trop jeune pour un spectacle au Forum. Ils avaient sans doute raison. J'avais cependant été immensément déçue. Il n'était donc pas question que je manque le concert suivant. Je ne me rappelle plus du tout du prix des billets, je sais que la plupart de mes amis trouvaient que cet artiste était dépassé. Mais, ma cousine et moi on était convaincues que c'était LE spectacle à voir dans nos vies. Nous avions eu le droit d'y aller à condition qu'un adulte nous accompagne et c'est ma mère qui s'y était collée. Je me rappelle du spectacle, bien que vaguement. Néanmoins, je sais que j'en suis sortie revigorée, émerveillée et heureuse. Ceci étant dit, je crois que j'avais eu au moins autant de plaisir à préparer cette aventure avec ma cousine à en parler des heures et des heures au téléphone et à compter les dodos jusqu'au jour J.

C'était une sorte de rite de passage : la première grosse activité culturelle que je choisissais de faire en dépit de l'avis de tout un chacun, parce que j'en avais envie, parce que je voulais voir les étoiles s'allumer moi aussi. Pas celles du ciel, celle de mes yeux et de ceux de tous ces autres qui étaient présents ce soir-là. Je mettais le premier pas dans mon indépendance d'être humain. Une première étape dans l'affirmation de ma personnalité en développement. J'aurais pu ne plus du tout aimer l'artiste en vieillissant, il s'avère que cela arrive fréquemment de nos jour, mais comme je suis une indécrottable fidèle, je n'ai pas encore cesser de l'apprécier.

Ce sont les réflexions qui me viennent, quand je pense au massacre de Manchester. Je trouve odieux qu'on ait ciblé des jeunes filles en fleurs qui ne voulaient rien d'autre que d'avoir l'impression de faire partie, ne serait-ce que pour une seule seconde, de la vie de l'artiste qu'elles aimaient de tout leur cœur. Elles voulaient, elles aussi allumer des étoiles, devenir tranquillement une personne à part entière.

Assassiner des fleurs parce qu'on a peur de perdre un pouvoir qu'au fond on n'a pas vraiment.

Je saigne pour elles et pour toutes celles qui n'auront jamais la chance d'aller voir ce type de concert parce que la peur aura tisser des entraves à leur développement.

Libellés :