Un détour par le 125
Une petite pluie fine
tombait sans réelle interruption depuis que j'étais levée. J'avais
donc résolu d'abandonner le projet vélo pour me rendre au métro.
Je devais, par ailleurs, aller porter mes emprunts à la bibliothèque
et je comptais bien flâner un moment entre les rayons afin de mettre
la main sur autre chose avant de me rendre au travail. Parce que oui,
j'emprunte des livres en plus d'en vendre quotidiennement. Je ne
travaille pas dans ce domaine sans raison.
Mais la rue Ontario
durant l'été, depuis trois ans au moins, en tout cas, c'est
l'horreur pour les piétons et usagers des transports en commun. Les
arrêts deviennent aléatoires et les hordes de camions bloquent la
vue empêchant de savoir si oui ou non un autobus est sur le point de
pointer son nez. Et la ligne 125 est probablement la moins fiable
qu'il m'ait été donné de fréquenter de toute ma vie. Bref,
j'étais arrivée un bon cinq minutes avant l'heure prévue de
passage et une dame attendait déjà l'autobus avec une poussette
dans laquelle souriait et babillait allègrement un petit garçon
d'environ six moi. Après tout, si sa maman était incommodée par la
pluie, lui était bien au sec et heureux comme tout d'être dehors.
Évidemment le fichu
autobus était arrivé avec 15 minutes de retard. Par conséquent,
non seulement la ligne s'était-elle singulièrement allongée, mais
en plus il était plein. La dame a la poussette m'avait précédée
dans l'engin, mais n'arrivait pas à aller plus loin que la station
de paiement. Non, ce n'était pas si plein, mais un couple de jeunes
vingtenaires était empilé l'un sur l'autre sur le premier banc et
un gros sac de sport prenait toute la place dans l'allée. Ils la
regardaient sa comprendre jusqu'à ce qu'elle demande :
« pouvez-vous déplacer votre sac svp?» Et le gars avait
répondu : « Ben, non, yé lourd». J'avais donc empoigné les
roues avant de la poussette pour permettre à la dame de lui faire
enjamber l'obstacle.
Sauf qu'il y en avait
d'autres : quatre autre poussettes, rien de moins. Nous avions
tant bien que mal réussi à caser sienne entre deux autres, elle
m'avait gratifiée d'un joli sourire, un peu penaud, tandis que les
ceux qui nous suivaient poussaient des soupirs exaspérés comme si
le contretemps de la poussette était, de loin, plus irritant que
celui du sac de sport avachi dans l'entrée tandis que je hochais la
tête, un peu découragée, en grimpant les deux marches qui menaient
à l'arrière de l'autobus.
Bien entendu, le retard
de l'autobus avait considérablement rogné mon temps de flanâge à
la bibliothèque, assez pour que je renonce complètement à m'y
mettre. Mais surtout assez pour que je me dise que désormais, les
jours de pluie, il vaudrait beaucoup mieux pour moi de prendre mon
mal en patience et de marcher jusqu'au métro plutôt que d'espérer
que la ligne 125 puisse me permettre de prendre un quelconque
raccourci.
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