Petite leçon d'espoir
Lorsque j'ai aménagé
dans cet appartement, je me plaisais à dire à tout venant que
j'habitais désormais à côté de chez les vrais Bougons. C'est une
véritable smala, nombreuse et bruyante. Leur balcon donnait sur le
trottoir et c'était devant celui-ci que se rassemblait le voisinage.
Le mobilier était constitué de la banquette arrière d'un véhicule
qui gisait entre deux immeubles complètement vidé. Ledit véhicule
semblait être le projet unique de la communauté, dans un garage à
ciel ouvert et tous venaient voir l'évolution de la bête. Ils
étaient partis une nuit de printemps, voiture comprise, pour je ne
sais trop quelle destination certainement pas très distante, puisque
je n'ai jamais cessé de croiser les membre de cette communauté
depuis le temps.
C'est un asiatique
d'environ mon âge qui s'était ensuite installé dans le logement.
Avec son fils, un tout jeune bambin qui selon mes estimations devait
avoir deux ou trois ans. À leur arrivée ici, ni l'un ni l'autre ne
parlait un mot de français et le papa ne baragouinait que quelques
mots d'anglais. Je ne sais pas de quelle origine exacte ils sont, je
ne suis pas très douée pour ces différences qui me semble si
subtile à moi, occidentale, m'enfin, ils communiquaient ensemble
dans un langage que je ne peux même pas imaginer commencer à
comprendre.
Il va sans dire que dans
secteur où je suis l'étrange, eux l'étaient d'autant plus. Les
gens les regardaient de travers, un peu inquiets. Ils ne faisaient
pourtant rien de mal. Je sais, pour avoir vu les travaux, que l'homme
a refait l'intérieur du logement de A à Z seul. Ça lui aura pris
des années, mais je suis prête à parier que les anciens locataires
ne reconnaîtrait absolument plus l'endroit, de l'intérieur
s'entend.
Aujourd'hui, l'homme ne
parle toujours pas français. Il s'y essaie tant bien que mal, sauf
que cette langue lui semble très ardue. Pour son fils cependant,
c'est une toute autre histoire. Je présume qu'il a fréquenté une
garderie en milieu francophone avant de débuter les classe à
l'école au coin de la rue, elle aussi francophone parce qu'il parle
le même français que moi. Je le sais parce qu'il vient souvent
jouer avec le petit hispanophone qui reste de l'autre côté de ma
porte. L'un derrière les barreaux de son balcon, l'autre devant. La
clôture, ne semble en rien les déranger dans leurs jeux, j'oserais
même avancer qu'elle sert bien souvent au déroulement de leurs
histoires.
Quelquefois aussi,
s'ajoute, un étage au dessus, les personnages de l'arabophone comme
autant de spiderman qui descendent au bout de leurs cordes s'ajouter
aux mêlées festives qu'ils savent créer.
Ce sont tous des enfants
de gens pauvres, que d'aucun pourrait juger à leur apparence, leurs
valeurs et autres petits détails de la vie aussi. Mais moi, ce que
j'ai constaté c'est que des petits garçons de toutes origines
savent trouver le moyen de jouer par delà les barrières physiques
ou imaginaires et qu'au fond, c'est exactement ça l'espoir de
l'humanité.
Libellés : Digressions