dimanche, août 06, 2017

Technicolor

La soirée était fraîche, en tout cas, elle le semblait particulièrement après plusieurs journées consécutives lors desquelles le mercure et l'humidité se disputaient consciencieusement la première place dans l'exaspération collective. J'avais eu la mauvaise idée de me tromper en regardant l'horaire d'autobus dans un créneau qui n'était pas pré-enregistré dans mon téléphone avec le résultat que j'étais arrivée avec beaucoup trop d'avance au coin de rue ou j'attendais impatiemment le passage du prochain transport.

Sauf que je ne rate jamais une occasion d'observer mes congénères. Je ne fais même pas exprès, l'oeil de l'observatrice est toujours à l’affût. Dans la petite foule qui piétinait comme moi, il y avait deux femmes et une petite fille qui devait avoir environ 3 ans. Elle était pétillante de bonne humeur et sa seule présence faisait en sorte que mon temps de patience imposé passait avec une vitesse acceptable. Je n'avais pas l'intention de m'immiscer de quelconque manière dans leurs vies, mais bon, je ne pouvais faire autrement que de capter des mots, de ça, de là.

J'avais vite fait de comprendre qu'il s'agissait d'une famille qui revenait d'une fête d'enfant puisque la petite se tournait vers l'une et l'autre des adultes en les appelant « maman Micheline » ou « maman Louise » selon l'interlocutrice à laquelle elle s'adressait. J'étais contente de voir cette aisance avec laquelle toutes les trois vivaient publiquement leur réalité en espérant pour elles que cette apparence de bien être était une réalité quotidienne aussi tangible que l'image qu'elles m'en projetaient.

Une fois bien installée dans l'autobus, j'étais assise juste devant une jeune femme qui parlait au téléphone en espagnol à une vitesse folle, je n'avais aucune idée de ce qu'elle racontait, mais le ton de sa voix laissait entendre un taux de stress frôlant les azimuts des possibilités. Je la sentait nerveuse, comme si c'était la toute première fois qu'elle arpentait les rues de Montréal dans la nuit, ce qui était en fait, peut-être le cas.

Je n'avais ni envie de lire, ni envie de niaiser sur mon téléphone, alors je me laissait baigner par la présence des autres. C'est ce qui m'avait permis de voir entrer en scène le prochain personnage. C'était un jeune homme de la fin trentaine qui avaient toutes les caractéristiques clichées de l'Améridien des légendes : grand, élancé, souple, avec une chevelure noire ébène lustrée. Sérieusement, ce gars-là pourrait faire une fortune au cinéma américain seulement à cause de son apparence extérieure. Mais ce qui me m'amusais beaucoup, c'était sa tenue vestimentaire : il était habillé en cow-boy de pied en cap.

Et sitôt grimpé dans l'autobus, il était venu serré bien fort dans ses bras la jeune hispanophone qui paniquait derrière-moi avec autant de sourire dans la voix que dans son visage.

Moi j'avais l'impression saugrenue de vivre la finale d'une film romantico-mocheton en direct et je me disais que ça promettait de jolies rêveries pour me bercer avant de m'endormir.

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