dimanche, juillet 16, 2017

Rêver l'été

Février : Quelque part, à Montréal, dans une rue enfouie sous la neige, le cœur d'un homme manquait un battement. Ce soir-là, l'appartement était devenu trop grand, même si, dans la réalité, il y avait déjà quelques semaines qu'il en était devenu l'unique occupant. Frappé par une grosse dose de réel, un peu en retard sur sa propre actualité. Comme s'il avait fallut tout ce temps pour comprendre et réaliser l'étendue de l'absence. Comme s'il avait fallut autant froid au dehors pour se rendre à l'évidence de celui qui lui gelait les os. Des lambeaux de douleurs qui s'échouaient sur les plages de février, plus féroces parce qu'il ne savait même pas, un jour avant, qu'une telle douleur pouvait exister. Il s'était alors laisser aller à écouter le cri silencieux et puissant de son cœur qui aboyait une détresse aussi infinie qu'insondable sans savoir si, un jour, quelqu'un la percevrait.

Mars : dans le fond d'une ruelle, un couple et leur chien tentaient tant bien que mal de tromper le froid en se collant les uns aux autres, protégés par de minces couches de carton pas tout à fait étanches. Le plus dur, pensaient-ils, c'étaient les regards torves que leurs lançaient les habitants du secteur, cette petite dose de mépris qui jalonnait leur quotidien.

Avril : les ciels menaçants de novembre s'étaient trompés de saison et prenaient tout l'espace disponible. Une femme se battait contre les moulins à vent des problèmes de communication qui sans être jamais vraiment fondamentaux sapaient confiance et air d'aller. Rien de vraiment dramatique, mais la perpétuelle aiguille au talon qui l'empêchait juste assez d'avancer pour qu'elle ait une envie farouche de retourner de là où elle venait, tout en sachant pertinemment que la guerre civile était sans doute bien pire que sa situation actuelle.

Mai : dans des dizaines de maisons inondées, des gens s'affolaient voyant toute leur vie s'effriter dangereusement sous l'influence de l'eau. Ils avaient beau crier, hurler, tempêter, rien ne pouvait faire en sorte qu'ils seraient remarqués ou écoutés davantage parce que les besoins étaient si nombreux. Comme si dans ce cas précis, la loi du nombre jouait en leur défaveur. S'ils faisaient les premières pages des journaux pendant quelques jours, ils savaient bien que c'était pour être mieux oubliés quelques instants plus tard. Ils prenaient la mesure du fait que la compassion généralisée n'a, en fait, qu'un temps très court, même si le désastre se produit, presque dans notre cours.

Juin : Sur le quai d'un métro, un bandit cravaté, jouait au poker sur sa tablette pendant qu'il discutait d'une transaction louche concernant une fille sans aucune discrétion. Comme si son petit manège absolument pas subtil, n'avait rien de violent.

Juillet : malgré les auspices d'orages, dans un univers champêtre au cœur de la ville, malgré tout, les membres d'une famille élargie avaient décidé de braver les devins et de faire semblant que l'été pouvait exister cette année. Une toute petite moisson de paix et de bonheur en dehors de la saison des fêtes où il devenait un peu plus ardu à chaque année d'en rapailler toutes les parties. À eux tous ils avaient célébré juste assez l'été pour que ce dernier, se décide enfin à arriver.

En tout cas, c'est le rêve que j'en ai.

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