dimanche, septembre 10, 2017

Précéder la tempête

Lundi dernier, les nouveaux résidents de l'hôtel parlaient d'un ouragan en formation dans l'océan Atlantique. Rien que de bien normal, on est en pleine saison et je le sais depuis longtemps. Je suis bien consciente que cela participe au fait que les voyages en solo soient si abordables dans les les Antilles à cette période de l'année. Il y a deux ans, j'avais vu de loin la queue d'un ouragan qui avait touché l'île d'Hispaniola, Haïti plus particulièrement, je n'en avais eu qu'une conscience approximative. Donc, lorsqu'on m'a parlé de cette tempête, j'ai haussé les épaules avec une certaine nonchalance, ne me sentant pas tant que cela concernée.

Et pourtant, je l'étais. Mais en bonne petite égocentrique, mon plus gros souci en ce lundi torride sous le ciel cubain était de ne pas pouvoir profiter de la plage en ce dernier jour de voyage parce que le vent était un peu plus fort qu'à l'habitude et que le ciel était nuageux. J'avais tout de même pu passer l'après-midi sur mon transat à terminer la série que j'avais entamé quelques jours plus tôt.

J'avais quitté l'hôtel et sa magnifique plage à l'heure des poules avec un petit serrement au cœur, parce que je savais laisser derrière moi des gens formidable et une belle semaine de farniente qui m'avait beaucoup reposée. À l'aéroport, les messages sur les écrans concernant les arrivées et départs étaient bizarres, cependant mon avion s'était pointé à l'heure, déposant un lot de voyageurs avant de nous prendre à bord. J'avais souri dans ma barbe imaginaire en me disant que c'était Cuba, et j'avais chassé toute inquiétude de ma petite cervelle.

Je n'avais réalisé l'ampleur de ce qui se développait qu'à mon arrivée à l'aéroport de Montréal, parce que j'avais des messages d'une amie qui me demandait comment j'avais survécu à Irma. Je n'avais aucune idée de ce dont elle me parlait. Mais j'ai illico envoyé un message à ma mère pour lui dire que j'étais de retour, en un morceau, parce que, même en toute ignorance de cause, je me doutais bien que son cœur tout maternel, s'inquiétait pour moi. À ce moment, l'aéroport était tellement plein que nous avions pris un transbordeur pour nous rentrer dans l'aérogare. Il va sans dire que les douanes étaient bondées. Normalement, entre mon arrivée à l'aéroport et le moment où je mets la clef dans la porte, il s'écoule environ 1h30. Ça m'en avait pris le double, mais au bout du compte, j'étais arrivée à mon domicile sans heurts.

J'avais alors allumé la télé et vu la dévastation. Je n'ai pas vu d'images de l'hôtel où je résidais, mais les vagues, hier, atteignaient 7 mètres sur la côte où j'étais mardi matin. Ça donne froid dans le dos. Je me compte chanceuse, tous les copains de voyage sont de retour au Québec. Mais j'ai le cœur sous pression pour tous les autres qui ne sont pas rentrés même si je ne les connais pas. Et surtout, surtout, je me sens concernée par les milliers de Cubains dans leurs îles dévastées. Je les ai rencontrés, j'ai fait des blagues avec eux, j'ai vu leurs maisons fragiles à travers les vitres des autocars de touristes et je connais leur joie de vivre collective, malgré tout.

Ce soir, j'ai l'impression d'être une rescapée vraiment très chanceuse simplement parce que je vis du bon bord de l'Amérique.

Décidément, la vie est beaucoup trop injuste.

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