La douche
On fêtait ma sœur
aujourd'hui et comme la plupart du temps, on s'était réunit dans la
maison de ma mère pour l'occasion; il y a quelque chose qui tient de
la magie dans le fait de se faire concocter un repas d'anniversaire
par sa mère et de le partager avec le reste de la famille. Comme
c'est souvent le cas dans ces événements familiaux, je récoltais
diligemment les anecdotes et autres observations utiles à la
rédaction d'un texte sur l'enfance de l'art que je comptais écrire
ce soir. Mais la vie en a décidé autrement.
Après un départ retardé
par un embouteillage dans le cadre de la porte et un petit garçon
qui courrait partout dans un dernier regain d'énergie avant de
tomber sous les assauts du sommeil, j'avais mis les pieds dans les
rues d'Ahunstic un peu après 19h30 sous une pluie de grosses gouttes
lourdes, chaudes et éparses.
Je n'avais pas franchi le
tiers du chemin qui me mènerait au métro quand le ciel s'était
crevé complètement. En deux ou trois pas, j'étais détrempée.
Totalement imbibée d'eau. Je n'avais même pas pris la peine
d'essayer de presser le pas, sachant d'expérience que je risquais
davantage de me blesser en tombant que d'arriver à échapper à
l'averse qui passait. Plus tôt dans la semaine, j'avais ôté mon
parapluie de mon cabas et bien entendu, j'avais oublié de l'y
remettre avant de quitter la maison. Au coin des rues Lajeunesse et
Sauvé, un jeune homme noir comme la nuit avait étendu le bras pour
me protéger de son parapluie. Il m'avait dit en souriant : « On
dirait que tu t'es fait prendre madame. Vas-tu loin? Moi je vais
jusqu'à Saint-Laurent et je peux te prêter la moité de mon
parapluie ». Je lui avais souri de toutes mes dents en lui
répondant que le métro était ma destination.
Je m'étais donc
engouffrée dans les dédales de celui-ci détrempée, mes souliers
couinant allègrement sur les dalles pendant que j'adoptais la
démarche maladroite de ceux qui essaient de trouver un endroit sec
dans une vêture qui n'en a point. Le train était entré en gare à
mon arrivée sur le quai et j'avais monté dans un wagon sous l’œil
abasourdi des autres passagers. J'avais passé le trajet debout, à
essayer tant bien que mal de me faire sécher, mais en ne réussissant
en fait, qu'à m'entourer d'une belle flaque qui pouvait donner
l'impression que j'avais fait pipi dans mes culottes. À quelques
mètres, une dame ne pouvait s'empêcher de pouffer à toutes les
fois où elle me regardait. Je présume que j'avais, un peu, l'air
ridicule.
Bien entendu, l'autobus
qui mène près de ma maison avait décollé sous mon nez me laissant
mariner dans mes souliers imbibés. Ceux-ci d'ailleurs en ont
profiter pour rendre l'âme. Ça fait longtemps, genre deux ans, que
je sais que je dois les changer, mais ce sont des pantoufles
tellement confortables que je remets continuellement leur mise au
rebut (et accessoirement l'achat de chaussures de replacement) à
plus tard. Sauf que là, les semelles ont toutes les deux décoller
et en plus de couiner, ces dernières parlaient sans aucune forme de
discretion dans les les derniers mètres qui me menaient chez moi.
Heureusement que le
ridicule ne tue pas, sans quoi je serais vraiment morte plusieurs
fois, à ce jour.
Libellés : Digressions