Éclats nocturnes
C'était un soir de
milieu de semaine, l'école n'était pas tout à fait recommencée,
mais les familles étaient de retour dans le quartier, l'achalandage
dans le magasin en faisant foi. Un jeune homme dans un drôle d'état
s'était présenté à la caisse pour récupéré une commande qui
n'était pas à son nom et il n'avait rien sur lui qui nous indiquait
qu'il était autorisé à la récupérer. Je lui avais donc fermement
dit que je ne pouvais pas la lui donné simplement parce qu'il
affirmait que la personne ayant passé la commande était sa mère.
Il m'avait lancé un
regard torve tandis qu'un gros mottons de mucus lui coulait de la
narine gauche pour se loger fermement dans sa moustache mal coupée.
Une quinzaine de minutes plus tard, je recevais un appel de la dame
courroucée qu'on n'ait pas remis son film à son fils. Il était
clair qu'elle était soûle, d'ailleurs elle le disait sans ambages,
elle ne parlait pas, elle hurlait, sans s'apercevoir du volume
hallucinant de son ton. Elle n'écoutait rien de mes arguments, se
contentant de me traiter de tous les noms et surtout d'incompétence.
J'avais fini par lui dire qu'elle pouvait renvoyer son fils avec une
note signée de sa main à elle et que je remettrait la commande au
jeune homme.
Finalement, elle s'était
pointée elle même en succursale, en hurlant, bien entendu. Tous les
clients encore présents voulaient rentrer dans le plancher tellement
ils se sentaient mal devant ce personnage rocambolesque. L'employée
qui l'avait accueillie pour aller chercher sa commande avait voulu
lui expliquer que c'était par mesure de sécurité que nous avions
refusé de remettre à un tiers une commande pré-payée et elle
s'était fait répondre : « Va chier » d'une manière
assez tonitruante pour être entendu dans les moindres recoins de la
succursale. Non contente d'avoir été, disons, impolie, avec la
libraire, la dame avait insisté pour me voir. Je m'étais donc
rendue à l'échafaud, parce qu'une part de mon travail est justement
de servir de bouclier entre ce genre de client et les employés.
Elle m'avait alors dit :
« Heille, cocotte, on peut tu s'entendre sur quelque chose?
Quand je suis trop soûle pour venir chercher mes commandes, c'est
mon gars qui va venir pis tu vas y donner. C'est clair hein? »
Je lui avais répondu que si, et seulement si, elle nous appelait ou
envoyait une note pour nous en aviser, on pourrait lui remettre sa
commande. Mais pas autrement. Elle était partie exaspérée en
claquant la porte devant mon manque de la collaboration.
J'étais allée prendre
le métro complètement vannée de mon expérience, bien heureuse de
retrouver l'anonymat paisible des wagons. Ben non, j'étais tombée
dans un wagon rempli de jeunes adultes en périodes d'initiation.
Disons que la paix n'était pas tout à fait au rendez-vous. Ils
n'étaient pas déplacés, simplement tout à fait bruyants c'était
bien la dernière chose dont j'avais besoin après ma très joyeuse
expérience de service à la clientèle.
Il y a des soirs, comme
ça, où la vie ne veux pas être paisible.
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