L'accordéoniste
Au carrefour d'une
station de métro mal éclairée, un vieil homme assis sur un
minuscule banc qui semblait tout droit sorti du mobilier d'une
garderie, jouait de l'accordéon. Quand le train de 19 heures en
provenance du centre-ville s'était vidé de ses passagers, il avait
tenté de se faire entendre un peu plus fort pour attirer davantage
l'attention et risquer, peut-être, de se faire offrir une obole bien
méritée pour le divertissement qu'il prodiguait. Bien entendu, les
passant le regardaient sans le voir, la plupart du temps.
Son petit bout de
territoire avait rapidement été envahi par une bande d'ados
bruyante et mal dégrossie. Ils étaient une petite douzaine,
peut-être un peu plus. Ils hurlaient plus qu'ils ne se parlaient et
riaient encore plus fort. Dans l'escalier qui menaient vers le centre
de la terre, un bambin s'accrochait à la main de sa mère,
visiblement perturbé par cette avalanche de bruits malvenus. Mais
les ados n'en avaient cure et ne se préoccupaient aucunement des
malaises qu'ils pouvaient créer.
Évidemment, la bande
s'était mise à arpenter l'escalier mobile qui montait vers la
surface dans tous les sens bousculant sans compromis tous les autres
usagers, sans aucune forme de respect : ils étaient les rois du
monde et le reste importait peu. Une fois tous montés sur l'engin,
ils avaient eu la brillante idée de sauter en cœur sur le mobilier,
l'immobilisant, brusquement de ce fait. En haut, une dame avec son
cabas avait dangereusement perdu l'équilibre et s'était rattrapée
à la toute dernière seconde pour ne pas basculer vers l'arrière
sous le choc brutal de l'arrêt.
Dans un élan,
l'accordéoniste fait mine de se lever, comme pour rattraper la femme
si jamais elle chutait, mais s'était interrompu dans son élan se
rendant probablement compte qu'il n'aurait eu aucune chance d'adoucir
l’atterrissage, étant donné la distance.
Sur le quai de la gare,
le bambin pleurait une peur que la maman ne pouvait calmer. Il ne
comprenait visiblement pas cette dose d'agressivité. Les ados eux,
continuaient à hurler et à rire à gorges déployés, suprêmement
inconscients des dommages collatéraux de leur arrogance sa merci.
L'ambiance n'était pas
agréable pour la majorité d'entre nous, seuls les ados étaient
imperméables aux miasmes qu'ils avaient semés.
Du bord de sa passerelle,
le vieil accordéoniste s'était levé avant de commencer à jouer
« Quand les hommes vivront d'amour ».
Et tout ceux qui
l'avaient entendu s'étaient sentis consolés.