dimanche, octobre 08, 2017

L'accordéoniste

Au carrefour d'une station de métro mal éclairée, un vieil homme assis sur un minuscule banc qui semblait tout droit sorti du mobilier d'une garderie, jouait de l'accordéon. Quand le train de 19 heures en provenance du centre-ville s'était vidé de ses passagers, il avait tenté de se faire entendre un peu plus fort pour attirer davantage l'attention et risquer, peut-être, de se faire offrir une obole bien méritée pour le divertissement qu'il prodiguait. Bien entendu, les passant le regardaient sans le voir, la plupart du temps.

Son petit bout de territoire avait rapidement été envahi par une bande d'ados bruyante et mal dégrossie. Ils étaient une petite douzaine, peut-être un peu plus. Ils hurlaient plus qu'ils ne se parlaient et riaient encore plus fort. Dans l'escalier qui menaient vers le centre de la terre, un bambin s'accrochait à la main de sa mère, visiblement perturbé par cette avalanche de bruits malvenus. Mais les ados n'en avaient cure et ne se préoccupaient aucunement des malaises qu'ils pouvaient créer.

Évidemment, la bande s'était mise à arpenter l'escalier mobile qui montait vers la surface dans tous les sens bousculant sans compromis tous les autres usagers, sans aucune forme de respect : ils étaient les rois du monde et le reste importait peu. Une fois tous montés sur l'engin, ils avaient eu la brillante idée de sauter en cœur sur le mobilier, l'immobilisant, brusquement de ce fait. En haut, une dame avec son cabas avait dangereusement perdu l'équilibre et s'était rattrapée à la toute dernière seconde pour ne pas basculer vers l'arrière sous le choc brutal de l'arrêt.

Dans un élan, l'accordéoniste fait mine de se lever, comme pour rattraper la femme si jamais elle chutait, mais s'était interrompu dans son élan se rendant probablement compte qu'il n'aurait eu aucune chance d'adoucir l’atterrissage, étant donné la distance.

Sur le quai de la gare, le bambin pleurait une peur que la maman ne pouvait calmer. Il ne comprenait visiblement pas cette dose d'agressivité. Les ados eux, continuaient à hurler et à rire à gorges déployés, suprêmement inconscients des dommages collatéraux de leur arrogance sa merci.

L'ambiance n'était pas agréable pour la majorité d'entre nous, seuls les ados étaient imperméables aux miasmes qu'ils avaient semés.

Du bord de sa passerelle, le vieil accordéoniste s'était levé avant de commencer à jouer « Quand les hommes vivront d'amour ».

Et tout ceux qui l'avaient entendu s'étaient sentis consolés.