dimanche, octobre 01, 2017

Nouvelle entrée

Tu es jeune, pleine de vie, il te semble que tout est devant toi et bien peu derrière, même si du haut de tes vingt ans, il t'arrive de parler avec nostalgie des années paisibles de ton enfance confortable. Tu ressens la rage de vivre, de dévorer tout ce qui t'es offert, le sommeil t'ennuie parce qu'il est synonyme pour toi de temps perdu et tu n'es jamais aussi heureuse que dans de grands rassemblements festifs, desquels tu deviens pratiquement toujours le centre d'attraction.

Tu as les nuits fastes et excessives, comme s'il fallait coûte que coûte que tu les consommes jusqu'au bout pour que tu puisses ensuite les raconter. Tu déboules régulièrement les escaliers, molle et disgracieuse, en éclatant d'un rire mou et tu perds tout aussi souvent ton téléphone dans les plates-bandes de tes voisins que tu cherches en hurlant à qui veut l'entendre qu'on doit t'appeler pour que tu le retrouves. Peut-importe au fond qu'il soit quatre heures du matin. Tu suis la courbe de tes envies de tes élans.

Tu trouves cependant beaucoup plus difficile de suivre le cours diurne de ton parcours. Tes cours t'ennuient, ton travail aussi. Il te semble que le Cégep soit un passage aussi insipide que l'école secondaire avec tous ces cours de tronc commun qui ne te disent rien. Pourtant, tu te refuses le moindre droit à l'échec, même relatif. Tu as été élevée à performer; ta liberté d'ado se mesurait à tes résultats scolaires et c'est comme encré en toi jusqu'à la moelle des os. Petite pression auto-imposée qui finit par laisser des squames aux endroits où elle frotte.

Pis au travail, c'est pareil. C'est de l'alimentaire qui ne te définit en rien. Mais tout t'atteint comme des balles en plein cœur, le moindre commentaire qui pourrait avoir l'air négatif, les changements d'horaires, d'équipier. Tout ça te donne l'impression qui te concerne, toi et ta performance. Une autre petite pression qui laisse elle aussi des marques.

Même tes amours sont devenues pugnaces. Tu as la colère et la jalousie prééminentes. Elles se jettent sur toi comme des louves affamées et te laissent quotidiennement dans les limbes du doute. Toutes ces choses font en sorte que lorsque tu poses la tête sur l'oreiller, le sommeil ne vient plus, à moins que tu ne l'assommes en courant jusqu'au bout de la nuit. Et le cercle recommence, tous les jours, avec une pression un peu plus puissante à chaque lendemain parce que tu la conscience aigue que non seulement tu te déranges toi-même mais que tu commence à irriter férocement l'ensemble de tes connaissances et de ton voisinage.

Et tes pas de plus en plus lourds te mènent inexorablement à l'entrée du pays des zombies. Il n'y a pas de formule magique pour t'en détacher, il est là, présent et inéluctable. La seule chose que tu puisses faire c'est demander de l'aide. Mais c'est probablement le geste le plus difficile à poser quand on est jeune, pleine de vie et d'allant et qu'on se dit qu'à cet âge, franchement, on ne peut pas tomber.

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