dimanche, novembre 05, 2017

Braderie de bisous

Le magasin était bondé, je naviguais entre les cubes aussi bien que faire se pouvait afin d'éviter toute collision impromptue avec des petits poucets qui sortaient des peluches de leurs présentoirs à grands cris d'exclamation ravis. Je venais tout juste d'enjamber un tapis de dinosaures et de dragons qui rugissaient furieusement quand une petite tête ornée d'une tuque rose s'était ruée sur mes jambes, certaine, sans doute, que ces appendices étaient ceux de sa mère. La maman, pour sa part, écoutait d'une oreille distraite une discussion entre son conjoint et les parents de ce dernier tout en gardant un œil vigilant sur sa fillette. En voyant la méprise, elle avait entamé un geste pour se manifester à son enfant, mais je l'avais précédée en dirigeant la petite, gentiment, dans la bonne direction tout en lui remettant la tortue qu'elle avait laissée choir dans la surprise de sa méprise.

Au moment ou la fillette rejoignait son cercle, sa grand-mère lui avait dit : «  Tu veux la tortue? Mamie va te l'acheter », pendant que son fils la suppliait de ne rien en faire. J'avais poursuivi mon chemin sans trop me préoccuper de la discussion, somme toute très banale. Sauf que, plusieurs minutes plus tard, j'avais surpris la grand-maman demander un bisou à la petite que la petite lui refusait alors la dame avait dit : « Si tu ne donne pas un bisou à mamie, elle ne t'achètera pas la tortue ».

Ça m'avait choquée. Parce que j'ai été une enfant qui n'aimait pas donner des becs et qui me cachait dans les gardes-robes et sous les lits pour les éviter. Comme on s'est moqué de moi à l'époque, qui a duré très longtemps, me semble-t-il, de ma phobie des becs! Je ne peux pas dire que je n'en avais cure, l'insistance généralisée me dérangeait beaucoup. J'aurais voulu qu'on me laisse tranquille avec cette histoire et que toutes les réunions mondaines ne soient pas des épreuves de cache-cache, que je ne gagnais pas toujours.

Il va donc sans dire que j'ai appris très jeune à dire non et à préserver mon affection pour les personnes à qui je voulais bien la distribuer. J'ai même encore quelques difficultés avec les gestes d'affection d'usage commun, je suis toujours un « I » lors des premières accolades, mais je me laisse apprivoiser beaucoup plus facilement que naguère. Ceci étant dit, cela ne m'a pas protégée davantage que les autres des vautours qui hantent nos société. Cependant, j'ai eu souvent l'audace de mettre mes limites avec un homme qui me faisait des avances qui n'étaient pas bienvenues et j'en suis fière.

Par ailleurs, la scène que j'avais observée au magasin m'avait aussi choquée parce que je suis convaincue que dans notre apprentissage collectif au vivre ensemble, il faut que les enfants sachent qu'ils peuvent distribuer leurs bisous et autres marques d'affection selon leur bon vouloir et leurs envies. Qu'enseignons-nous aux petits si leurs gestes sont bradés?

Au final dans cette histoire, je peux vous dire que la petite a tenu son bout et n'a pas été forcée de donner un bisou. Elle est partie sans tortue en peluche, au chaud dans sa poussette, le pouce bien enfoncé dans la bouche.

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