dimanche, novembre 26, 2017

Les improbables

Je dirais que c'est un homme entre deux âges. Traduction, je ne pourrais affirmer qu'il est au début de la soixantaine ou à la fin de la cinquantaine, en somme il est un peu plus vieux que moi, mais pas tant que cela. Il vient tous les jours au magasin depuis son ouverture. Et, tous les jours, il nous demande si ça fait longtemps que c'est ouvert. Ça fait maintenant un an, mais il ne s'en souvient pas, d'une journée à l'autre. Il n'achète rien, mais n'est pas très dérangeant, règle générale parce que qu'il ne pose pas sa question lorsqu'il y a beaucoup de clients, il se sauve généralement des foules.

Ceci étant dit, il a une culture musicale fantastique, il me sidère à chaque fois qu'il m'accroche pour me poser son éternelle question et qu'il enchaîne sur ses intérêts, surtout en musique classique. Ce qui pourrait en surprendre plus d'un qui se fierait l'apparence exétrieure du personnage; il se vêt de cuir de pied en cape et arbore des tatous ostentatoires. Ce qui fait qu'à première vue, je le classerais dans les adeptes de Iron Maiden davantage que de Mozart, mais je sais depuis quelques mois que je me laisse avoir aux jeux des préjugés. Bref, malgré le fait que visiblement, il oublie tous les jours qu'il passe la majeure partie de ses journée dans la même boutique sans jamais s'en souvenir, il a encore beaucoup à apprendre à ceux qui y travaille, en particulier sur les nuances d'une infinité d'enregistrements des mêmes pièces, à condition que lesdits enregistrements aient été faits il y a plus de 5 ans.

Il y a aussi cette jeune femme, Française de naissance, qui vient faire son tour après un 5 à 7 bien arrosé. Elle vient râler dans les dix minutes précédant la fermeture, toutes les semaines. Elle trouve abominable que nous vendions les livres si chers ici, c'est perpétuellement une abomination, du vol, une volonté non dissimulée de perpétrer l'ignorance généralisée. Elle débarque quand il lui reste dix dollars en poche et veut un roman. Une nouveauté de préférence À tous les coups, elle me dit que nous ne comprenons pas l'importance de la culture au Québec et qu'on est vraiment cons (ses mots) de ne pas nous rebeller à cause du prix des livres.

De ce que j'ai saisi, elle est ici depuis quelque part l'été dernier. Mais elle ne fait toujours pas la conversion entre l'euro et le dollar canadien. Pour elle, c'est du 1 pour 1. Ce qui est très loin de la réalité. Mais nous avons collectivement compris, qu'il était inutile d'argumenter avec elle à ce sujet, parce qu'elle arrive dans un état déjà altéré et qu'au bout de tous ces mois nous soupçonnons que celle-ci ne s'intéresse pas à nos opinions. D'ailleurs elle refuse catégoriquement de d'accepter le fait que Nancy Huston ne soit pas une auteur Québécoise.

Bref, dans les clientèles régulières, il y a toujours un paquet de gens dont on ne parle pas parce qu'ils sont simplement des habitués sympathiques et qui répondent à l'idée de ce qu'on a de la clientèle régulière. Et bien entendu, il y a, souvent, ces exceptions, pour confirmer la règle.

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