Spirale de l'Avent
J'ai fréquenté, enfant,
une école privée avec des valeurs et des méthodes pédagogiques
qui étaient passablement différentes du système scolaire
conventionnel. Si je me rappelle très bien mon passage dans ce
milieu, je ne peux pas dire que je connaisse la philosophie
sous-jacente à cet enseignement. En fait, je le vivais beaucoup plus
que je ne le théorisais. Mes voisines trouvaient bien étrange ce
qui m'était enseigné et surtout la manière dont c'était enseigné.
Moi, je n'y voyais qu'un puits sans fond de connaissances et un
milieu de vie relativement agréable, si l'on fait fi de
l'intimidation à laquelle je faisais face.
À cet école, il y avait
toutes sortes de rituels qui me plaisaient ou non. Tous les lundis
matins, toute l'école se retrouvait dans la Grande-Salle pour
débuter la semaine. Je ne pourrais absolument pas dire ce qui s'y
disait, cependant j'en garde un souvenir marqué, malgré ma mémoire
défaillante.
Nous attendions tous, je
crois, le premier lundi de l'Avent. Parce que celui-ci amenait avec
lui une dose de magie et de merveilleux sans égal. La première
chose que je remarquais, c'était l'odeur; un chaleureux mélange de
sapinage et de cire d'abeille. Sur le sol, devant nos yeux ébahis,
une énorme spirale couvrait pratiquement tout l'espace disponible.
Un à un, les enfants allaient allumer une chandelle dans la grande
spirale. Nous devions aller allumer notre propre chandelle au cendre
du labyrinthe et revenir sur nos pas, sans que la chandelle ne meurt
pour la déposer à l'endroit prévu, sur le parcours. Évidemment,
les petits étaient les premiers appelés. Ils n'avaient que peu de
pas à faire avec leur chandelle allumée pour illuminer à la fois
le plancher et l'ensemble de la salle, peu à peu.
J'ai toujours été dans
la classe des grands, à partir de la troisième année. J'étais de
la classe d'ouverture. Alors, forcément, j'ai eu à marcher
longuement avant de déposer la chandelle, les jambes tremblantes, ne
voulant pas que celle-ci s'éteigne dans ma main. Il ne fallait pas
marcher trop vite, quelquefois même s'arrêter pour que l'âme du
feu ne s'éteigne pas. Il me semble que les fautifs devaient
retourner sur le pas, pour rallumer le feu et finir par atteindre
l'objectif. Je ne me rappelle pas de ce qui m'était enseigné sur
l'a signification de l'événement. Moi, j'avais l'impression
d'allumer une lumière pour aider le soleil à reprendre de la force
pour qu'il puisse commencer à chasser la noirceur, avant la fin du
mois.
Tout cela pour dire que
pour moi, la magie de Noël, s'est éteinte quand j'ai quitté cette
école parce qu'il n'y avait pas de classe du niveau que j'avais
atteint. Ça faisait des lustres que je croyais plus au Père Noël,
des années que je comprenais le côté mercantile de cette fête. La
question n'était pas tant de ma très grande candeur plutôt que de
l'absence d'un rituel qui allumait la magie.
Comme je suis une
personne très chanceuse, j'ai de l'imagination. Si le merveilleux et
la magie de Noël a peu à peu perdu de son éclat, j'ai toujours su
préserver l'âme du feu quelque part gravé sur mon cœur et je suis
encore capable, année après année, de voir un peu de cette féerie
avec mes yeux d'enfant.
C'est ce qui me permet
d'écrire, je crois.
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