mercredi, décembre 06, 2017

La valeur d'une patte de chaise

Je me demande, Poly, ce que tu penserais de la société dans laquelle on vit aujourd'hui. Quelles seraient tes réflexions sur le mouvement moi aussi, de toutes les conséquences drastiques sur des personnages qui ont longtemps dominé les paysages de pouvoir dans toutes les sociétés, qui finissent pas payer, bien tardivement, pour l'impunité dans laquelle ils avaient pu vivre pendant si longtemps.

Qu'aurais-tu pensé de la presque réhabilitation de ce chanteur qui a été reconnu coupable du meurtre d'une de ses conjointes et fortement soupçonné d'avoir continuer à vivre ses amours dans la violence depuis? Aurais-tu aussi eu un certain malaise à le savoir sur la page frontispice d'un grand magazine.

Te serais-tu sentie à l'abri du harcèlement généralisé quand des reportages relatent le bruit des sifflements et autres commentaires salaces à l'endroit des femmes comme des gestes presque normaux. Banalisés par ceux qui les commettent sous prétexte que les filles sont jolies et qu'elles portent et qu'elles accentuent cette beauté et que malgré le fait que celles-ci affirment à ceux qui les haranguent qu'elles trouvent cette forme d'attention dérangeante voir dégradante, ceux-ci n'en croient absolument rien, certains d'avoir trouvé une manière futée de faire un compliment.

Te serais-tu demandé combien encore il faudra de femmes autochtones disparues ou assassinées pour qu'on cesse de regarder de haut cette réalité en la tassant du revers de la main à toute la fois ou on essaie de l'éclairer?

Aurais-tu eu mal au cœur en apprenant que dans certaines société de par ce vaste monde, il y a encore des centaines, des milliers de femmes qui disparaissent sans que personne n'y porte attention parce que les sociétés dans lesquelles elles vivaient ne sont pas égalitaires et que par conséquence, la vie d'une femme ne vaut pas davantage qu'une patte de chaise? En réalité, la patte de chaise a sans doute plus d'importance parce qu'elle vient d'un arbre...

Je me demande, si comme moi, tu ferais un lien entre ce qui t'es arrivé et le peu d'importance qu'on accorde à la santé mentale, ou à prévention pour les problèmes de santé mentale. Entraînant un manque de ressources criantes faisant en sorte que des hommes et des femmes pris dans des schèmes mentaux tordus finissent par se faire du mal ou à en faire à d'autre comme celui qui t'a abattue, il y a 28 ans, l'a fait.

Moi je crois qu'on a commencé une réflexion le jour où on t'a tuée. Mais cette réflexion est longue et fastidieuse. Cet automne, une parole a émergé assez fortement pour devenir la personnalité de l'année du magazine Time. C'est bien peu de chose comme reconnaissance. Par contre, je le comprends comme un droit de dire non à toute forme d'intrusion et d'avoir une chance, aussi petite soit-elle, d'être crue.

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