dimanche, janvier 28, 2018

Charger la neige

Je suis une bibite profondément urbaine. Je suis née et j'ai grandi sur l'île de Montréal et il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller m'installer en banlieue, même si j'y ai travaillé. Si j'aime beaucoup le bucolique des campagnes, je crois que je ne m'y sentirais pas tout à fait à l'aise, au quotidien. Bien entendu, j'ai pris des chemins de travers en Estrie lors de mes études universitaires, n'empêche que je vivais toujours en ville qui, quoique de plus petite dimension, demeurait une ville centre.

Je n'ai pas de permis de conduire, ce qui fait que j'utilise les transports dits actifs depuis toute ma vie. Je peux donc dire que j'ai vu bien des chaussées et des trottoirs durant mon existence et par conséquence affirmer que la rue Jean-Talon est l'artère commerciale la moins bien entretenue qu'il m'ait été donné de fréquenter en plus de quarante ans de pratique. L'hiver y est un calvaire et ça fait deux ans que je m'y colletaille.

Après chaque chute de neige, les bancs de neige sont laissés en bordure des trottoir jusqu'au dernier jour du ramassage. Immanquablement. Ce qui fait qu'au moindre redoux, les coins de rues se transforment en mare glacées de slush. Ce qui ne rend pas l'endroit particulièrement invitant pour les piétons, ce que je trouve très ironique étant donné que la plupart des gens qui habitent ainsi dans le cœur d'une ville aiment généralement se déplacer à pied dans leur quartier.

Bref, hier soir en sortant sous une petite pluie d'hiver, j'ai rapidement pu constater que les quelques mètres qui me séparaient du métro n'allaient pas être du gâteau. Premièrement, les abrasifs avaient déserté l'énorme plaque de glace qui menait du magasin à la station et deuxièmement les mare de gadoue s'étaient transformées en piscines, voire en lacs. Faisant un large détour sur la rue Henri-Julien pour arriver à presque passer à sec, je suis restée l'air bête au coin de la rue Drolet.

Là, rien à faire, toute l'artère était inondée. Si je regardais du côté sud, l'eau allait au moins jusqu'à la cinquième maison et du côté nord, eh bien c'était la rue Jean-Talon. C'est quand même cette option que j'ai suivie pour me retrouver gros-jean-comme-devant, de l'autre côté de la rue prise entre les voitures stationnées, celles qui circulaient et un énorme banc de neige qui tenait davantage de l'iceberg que d'autre chose. À quatre pattes sous la pluie, j'ai entrepris de l'escalader, manquant de me rompre le cou à plusieurs reprises et vivant une peur certaine au moment de la descente vers le trottoir en contre-bas.

Je m'en suis sortie d'une seule pièce, le cœur battant d'un émoi dont je me serais bien passé et en espérant de toute mon âme que la prochaine fois que j'aurais à passer par là, le chargement de neige serait enfin terminé.

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