Aubes hivernales
Le retour tranquille au
travail après les vacances de Noël a toujours quelque chose d'un
peu décalé. Surtout lorsque, comme c'est le cas cette année, les
vacances ont débuté à peine quelques jours, voire quelques heures
avant le jour J. Ceci fait en sorte que, pour beaucoup, les vacances
ne sont pas encore terminées et ceux pour qui elles le sont se
reconnaissent presque d'une journée à l'autre, dans un wagon
beaucoup moins bondé qu'à l'ordinaire.
Il me semble que nous
prenons tous des habitudes, naturelles, comme les places qu'on prend
à table dans une famille nombreuse comme si les noms de tout un
chacun était inscrit au fer rouge sur les chaises. Ainsi, dans les
derniers jours, j'ai eu le même voisin de banc tôt le matin. Je ne
sais pas si il fini ou débute sa journée. Je parierais sur la
première hypothèse parce qu'il dort à poings fermés pendant tout
le trajet et qu'immanquablement il se réveille en sursaut quelques
secondes avant que sa tête ne tombe sur mon épaule. J'ignore quel
est son métier, mais il sent discrètement les épices, le curry en
particulier. Entre cela et d'autres parfums que l'on peut flairer
dans ces espaces restreints, je trouve que me satisfait très bien de
ce lot.
Sur le banc en face, il y
a cette dame, un peu corpulente, mais pas du tout obèse. Par contre,
elle prend beaucoup d'espace. Je me demande quotidiennement comment
elle fait. La personne à ses côtés (elle est changeante,
contrairement aux autres habitants du wagon) a toujours l'air
totalement coincée entre la fenêtre et la passagère qui semble
avoir plus de bras, de jambes, de sacs, que la moyenne des ours. Mais
surtout, cette dame semble complètement inconsciente que l'espace
qu'elle prend empiète immanquablement sur celui des autres.
Il y a aussi un jeune
homme qui s'assoit par terre, le dos calé contre les portes qui ne
s'ouvrent pas. Il sort son ordinateur portable et tapote furieusement
sur le clavier pendant tout son trajet. Il me donne l'impression
d'être un étudiant en fin de session à tous les jours. Ce n'est
probablement pas le cas, mais ça m'amuse bien de me m'imaginer ce
genre de chose. Il est tellement concentré, tellement dans sa bulle
que je suis continuellement surprise de le voir se lever d'un bond
une fois arrivé à sa station, alors qu'il fourgue rapidement son
appareil dans le fond de son sac à dos, comme s'il s'agissait d'un
vieux vêtement froissé.
Finalement, il y ce jeune
auteur prolifique que je reconnais pour l'avoir vu à la télévision
une ou deux fois. Lui aussi est dans sa bulle, il lit armé de
surligneurs orange et d'un crayon à mine. Il gribouille des notes
presque plus longues que les paragraphes qu'il commente dans les
marges et surligne toutes sortes de choses. Visiblement, c'est un
homme au travail.
Et moi? Et bien
officiellement je lis. Mais en réalité j'espionne, comme il se
doit.
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