Deux minutes avec Sonia
Je suis née à une
époque où toutes les télévisions n'étaient pas en couleurs. Le
câble était une denrée rare et l'internet n'existait pas pour la
plupart des gens. Les albums de musique se vendaient comme des petits
pains chauds et il n'était pas rare de voir des files se masser
devant les portes de chez Sam ou des Archambault pour la sortie
attendue d'un titre en particulier. Les foules y étaient alors
tellement impressionnantes que cela faisait les manchettes.
J'ai connu la grande nuit
des vidéo. Par personne interposée et jour interposés aussi parce
que nous n'avions pas le
poste à la maison. Mais des amis l'avaient et j'avais pu en regarder
une partie sur les cassettes bêta d'une de mes amies. J'étais à
l'école primaire à l'époque, mais je m'en rappelle encore très
clairement.
Plus
tard, il y eu une émission à CBC les soirs de semaine qui nous
permettait de voir les vidéos de nos artistes favoris. C'était une
grand messe que personne ne pouvait se permettre de manquer sous
peine de passer à côté de toutes les discussions du jour suivant
et d'être irrémédiablement rejeté par nos pairs.
Et
puis, il y a eu Musique Plus.
C'est
presque impossible de faire comprendre qu'elle en était l'importance
à des jeunes d'aujourd'hui. Tout le monde écoutait Musique Plus et
connaissait ses animateurs. Ils étaient des vedettes au même titre
que les personnes avec lesquelles ils faisaient des entrevues. Le
samedi après-midi, les ados se massaient devant les larges vitrines
de la rue Sainte-Catherine pour essayer de voir ce qui s'y passait.
Et quelquefois même, on se revoyait passer en espèce de trame de
fond lors d'une de nos émissions favorites.
Même
si nous n'avions pas le câble chez-nous, j'étais tout aussi bien
informée de ces sujets importants que le reste de mes congénères
parce que des amies l'avaient et que comme à peu près tous les
reportages était souvent rediffusés, on faisait des rattrapages de
fin de semaine pour rester dans le coup.
Évidemment,
j'ai vieilli et avant même la fin de mon cycle secondaire, Musique
Plus et les vidéos avaient perdus de l'importance à mes yeux. N'en
demeure pas moins que c'était un genre d'institution qui a sans
doute marqué plus d'une personne de ma génération.
Les
temps ont changés, l'étoile de Musique Plus a pâli. Les animateurs
ont tour à tour perdu leurC micros, leur visibilité, certains plus
drastiquement que d'autres sauf que leurs voix ont laissé des traces
permanente dans ma mémoire et que je les reconnais toujours au
premier mot qu'ils prononcent dans des entrevues de plus en plus
rarissimes.
C'est
sans doute pourquoi, j'ai reconnu Sonia Benezera au premier coup
d’œil lorsqu'elle a mis le pied dans le magasin. Elle était très
maquillée, sortant visiblement d'un tournage, ce qui me faisait
plaisir pour elle. Elle cherchait désespérément un mouchoir pour
rajuster le maquillage qui coulait à cause de le petite pluie qui
tombait dehors. Je me suis empressée de lui en tendre un et entre
deux de ses éclats de rire bien connus et m'a fait comprendre à
quel point tout ce maquillage était ridicule même si nécessaire,
se moquant d'elle-même en toute simplicité et avec une bonne humeur
chaleureuse.
J'ai
toujours pensé qu'elle devait être une femme très gentille pour
arriver à tirer les confidences des artistes, ce qui avait fait sa
renommée à une autre époque.
Maintenant,
je sais qu'elle est encore mieux en vrai qu'à la télé.
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