Question de rapidité
Déjà au téléphone, ça
avait été ardu. L'homme avait une voix ténue et il parlait très
lentement. Il voulait savoir si on avait un animé japonais en
particulier avec le boîtier en carton qu'il y a parfois sur ce genre
d'objet. Il avait beaucoup insisté sur ledit carton, s'assurant
trois fois plutôt qu'une que j'avais bien compris sa demande. Je lui
avait offert de faire une mise de côté, mais il n'était pas tout à
fait certain de trouver le courage de se déplacer jusqu'à notre
succursale en cette journée de neige.
C'est ainsi que vers la
fin de la soirée, quand j'ai croisé un petit homme chaudement vêtu,
comme quelqu'un qui connaît l'hiver de l'intérieur, j'ai tout de
suite su que c'était l'homme des animés japonnais. Il avançait
aussi lentement que son débit de voix et malgré le fait que le
magasin allait fermé dans pas si longtemps, il ne donnait pas le
moins du monde l'impression d'être pressé. Je lui avais indiqué la
section des animés dans laquelle il avait fouillé avec minutie.
Après avoir fait ses
choix, il s'était dirigé vers la caisse et ma collègue et moi
avons franchement dû étouffer un certain nombre de rires qui
auraient été fort malvenus. Tout était long. Poser ses gants sur
le comptoir, sortir son argent, bien calculer le montant qu'il nous
remettait, examiner la facture pour s'assurer qu'elle ne contenait
pas d'erreur. Le tout en nous racontant un paquet de petites
historiettes sur ses aventure récente dans le monde extéieur Mettre
ses achats dans son sac plastique réutilisé, ranger le tout dans
son sac-à-dos et reprendre tranquillement le chemin de la porte,
pendant qu'une petite file se créait derrière lui parce
qu'évidemment, il n'y avait qu'une seule caisse ouverte d'autant que
par jour de tempête, ouvrir deux caisses ne nous serait pas vraiment
passé par l'esprit.
Ceci étant dit, il était
éminemment sympathique. C'est d'ailleurs pour cela que ma collègue
et moi ne voulions pas du tour rire. Il nous amusait parce qu'il
était différent et nous rappelait un personnage de dessin animé
que nous apprécions toutes les deux, cependant il était tout à
fait le genre de client qu'on aime beaucoup.
Bref, il allait nous
quitter quand il avait avisé la table de soldes d'hiver et s'était
décidé à y fouiller un peu se rapprochant ainsi dangereusement de
l'heure de la fermeture en toute innocence.
Et rebelote, la
transaction lente à la caisse pour un livre trouvé au hasard de ses
pérégrinations. Pendant que deux femmes retardataires s'étaient
engouffrées dans le magasin pour dénicher tout ce que nous avions
en terme de licornes, attendaient patiemment que monsieur termine de
tout payer et tout remettre méthodiquement dans ses sacs avant de
finalement reprendre le chemin de son domicile.
Au final, c'est par une
journée de demie tempête que je suis sortie le plus tard du magasin
dans les dernières semaines. Pas parce que la journée avait été
particulièrement occupée, au contraire, mais bien parce que les
quelques courageux qui avaient décidé de nous visiter, s'étaient
en quelque sorte donné le mot pour le faire le plus tard possible et
que l'un deux n'avait visiblement que la vitesse lente dans son
registre.
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