jeudi, mars 01, 2018

Taire l'orgueuil

Au moment où Maman était entrée dans la salle et que le cœur des invités s'était mis à entonner « Ma chère Michèle », j'avais senti ma gorge se serrer tandis que mes yeux se mouillaient. Il y avait là un magma d'émotions très belles et très fortes. Elle regardait la salle, ébahie, devant tous ceux que nous avions rassemblés. Des tantes (les siennes), des cousins, des cousines, des frères et sœurs, des amis des deux sexes et évidemment, ses enfants. Elle était si heureuse qu'une fois la chanson terminée, elle s'était mise à sauter comme une gamine, ou une magnifique maman qu'on avait réussi à surprendre bien comme il faut.

La salle était bondée, de gens que je connais depuis ma naissance, pour la plupart. Je ne dirais pas nécessairement des gens que je connais bien, mais tout de même. Ils ont veillés, à leur manière, aux différentes étapes de mon existence. Bref, je me sentais un peu coincée dans toute cette foule restreinte dans un endroit relativement confiné. Ce sont là de très mauvais ingrédients pour moi. Je savais déjà que j'avais un texte à livrer et aucun endroit pour aller me cacher.

L’appréhension me gagnait tandis que j'essayais de n'en rien laisser paraître. Je m'étais donc réfugiée dans un semblant de bulle avec mon frère, ma sœur et mon beau-frère, que je vois beaucoup plus souvent que le reste des membre de cette joyeuse assemblée, pour parler de tous les petits riens qui font d'ordinaire nos conversations. Ce faisant, je réglais les battements de mon cœur sur des arrimages connus.

Et puis, j'ai eu droit à un ou deux serre-forts inopinés. Pas mal venus pour autant, mais disons que, la rétive Mathilde, a encore bien du mal à laisser sa bulle se moduler à l'aune de l'affection d'autrui. Je sais que tout cela vient du cœur et que rien n'est fait pour me menacer, sauf que mon inconscient a beaucoup de peine à accepter ces gestes comme étant les bienvenus alors évidement, je fais le « I ». Encore, à presque 45 ans.

Bref, j'avais une envie folle de ne pas aller lire mon texte comme j'avais prévu de le faire, me sentant vulnérable et émotive. Pendant des années et des années, j'ai refusé de montrer publiquement cette part de moi. Avec les conséquences que l'on sait : ces colères immenses sorties de nulle part qui attaquent et blessent à tout vent.

Debout sur le bord de la fenêtre, j'ai tout de même entrepris de dire à Maman les mots que je lui avais écris. Tous ne les entendaient pas bien, d'autres groupes occupaient la même salle que nous et n'étaient pas tenus au silence. Mais ma voix s'est enrouée, s'est abîmée sur l'élan du cœur que je laissais courir devant moi. J'ai versé une larme, ou trois.

En sortant de scène, j'ai dit à ma sœur que depuis que je ne me choquais plus, le braillais tout le temps, avec un peu beaucoup de dérision dans la voix. Elle m'a dit que c'était bien mieux ainsi.

Moi, je pense que j'ai été assez forte pour le faire et surtout, je n'ai pas eu à vivre avec les dommages collatéraux de mes orages orgueilleux.

Je suis d'ailleurs passablement convaincue qu'aucun convive n'a eu envie de me pointer du doigt pour rire de ma faiblesse.

Je grandi encore, il faut croire.

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