Dilapider ma fortune
Alors, c'est par une
magnifique matinée ensoleillée que j'ai dépensé plus d'argent en
une seule fois que je ne l'ai fait de toute ma vie. Une expédition
chez IKEA qui m'aura délestée de la plus grande partie de mes
économies. Ce sont des choses qui arrivent à une fille qui part
vivre en appartement toute seule et qui a décidé que cette fois,
elle entrerait chez-elle et non plus dans un ramassis de toutes
sortes d'affaires disparates pigées un peu partout, surtout sur le
coin des rues.
J'avais déjà fait la
visite du magasin cité plus haut avec une amie, quelques semaines
plus tôt. Ce qui m'avait permis de faire deux choses importantes :
premièrement établir mes besoins réels, deuxièmement établir un
budget. À la seconde visite, j'étais accompagnée de ma mère. Nous
étions comme deux gamines entre les rangées, occupées à remplir
nos paniers un peu n'importe comment jusqu'à ce que les empilades
deviennent des tours à écrouler et que je mette mes compétences à
l’œuvre pour remplir les paniers de manière ordonnée afin de
nous permettre de les remplir encore davantage.
J'avais prévu passer à
peu près heure trente pour ce genre d'activité. Mais quand on a
tout à acheter, toutes les pièces à meubler, même si elles ne
sont que trois, il peut arriver que ce soit beaucoup plus long. Deux
fois plus long en réalité. L'air de rien, il faut essayer les
divans avant d'opter pour celui qu'on va adopter. Et que dire du
matelas... Je me suis donc laissée choir sur beaucoup de matrices
avant de finalement en choisir une qui conviendrait à ma nouvelle
vie. Il faut dire que je dors sur un futon depuis plus de vingt ans.
Alors, il me semblait que tous les matelas à ressorts étaient
passablement mous. Sauf que je ne veux plus de futon justement parce
que l'absence de moelleux fait en sorte que je me réveille de plus
en plus souvent engourdie dans le bas du dos. Je vieilli, que je le
veuille ou non.
Meubler mon nid. Ce n'est
pas la même chose que de prendre un appartement dans lequel je
mettrai des morceaux raboutés que je n'ai pas choisi. Meubler mon
nid, ça signifie imprimer une partie de ma personnalité dans tous
les choix que je fais. Et de plus en en plus, il me tarde d'y être
enfin. En partie parce que j'en ai plus qu'assez de mon voisinage
actuel et en partie parce que j'ai bien envie de déballer mon nouvel
environnement pour découvrir quelle femme je suis devenue depuis que
j'ai quitté le logis parental. Je crois que je vais au moins un peu
me surprendre. En tout cas, je l'espère.
Mais surtout, il me tarde
d'avoir atterri en un seul morceau afin de pouvoir inviter toutes les
personnes que j'aime à venir me visiter dans cette nouvelle version
de moi, celle que je me se serai créée. Et j'ai la chance d'avoir
une maman extraordinaire qui non seulement m'aura accordé une
matinée de sa vie pour me voir dilapider ma minuscule fortune (je
dois souligner qu'elle m'a dit plusieurs fois avoir beaucoup de
plaisir durant cette sortie), mais qui en plus a accepté d'être
celle qui attendra les meubles et les monteurs de meubles deux
matinées durant dans le but de me permettre d'arriver en douceur.
Je suis en train de
tourner une page de ma vie et j'ai la chance d'avoir l'occasion de
m'en apercevoir.
Et je sais que c'est
précieux.
Libellés : Digressions