Fillette étincelle
Je crois que j'ai été
témoin de son tout premier voyage en autobus de ville vers son
école. C'était il y a longtemps, quelque chose comme 7 ans. C'était
une toute petite filles aux vêtures colorées. Elle portait souvent
une multitude de rubans dans sa chevelure crépue et la plupart du
temps elle était en robe. Elle me faisait un peu penser à la petite
Mathilde qui n'aimait donc pas porter des pantalons durant l'enfance
parce qu'elle rêvait d'être princesse et devait systématiquement
faire tourner ses robes pour s'y sentir à l'aise. Combien de fois
aie-je vu cette petite fille effectuer cette manœuvre que je
connaissais si bien?
Les premières fois, sa
maman l'accompagnait jusqu'à l'école, je présume. Je descends de
l'autobus avant, je ne peux donc pas confirmer mon impression. Mais
je sais que graduellement, la maman s'est contenté de conduire la
fillette à l'arrêt d'autobus et un beau jour, elle est venue toute
seule, et très fière sous le poids de son sac à dos
surdimensionné. Avec les années, il nous est arrivé d'échanger
quelques mots. Généralement c'était elle qui me demandait l'heure,
histoire de s'assurer qu'elle n'avait pas manquer l'autobus (il lui
arrive parfois de se présenter à l'arrêt presque en même temps
que ledit autobus). Elle est toujours très polie et déférente avec
moi, parce que je suis son aînée, je suppose.
Pendant quelques années,
elle restait vers l'avant du bus jusqu'à un certain arrêt où une
de ses amies montait à son tour. Alors la fête commençait et elles
s'enfonçaient dans le ventre de la bête, le plus loin possible,
pour se blottir sur un banc trop haut pour elles afin de se partager
leurs messes basses bien dissimulées sous les contours de leurs
gigantesques cartables.
Il y a deux ans environ,
le rituel s'est arrêté. L'autre jeune fille n'y était plus.
Peut-être avait-elle changé d'école ou encore déménagé,
toujours est-il que je ne l'ai plus jamais revue à cet heure, sur
cette ligne de bus. Cet automne-là, ma petite compagne de trajet qui
se muait tranquillement en adolescente, avait un peu l'air triste.
Jusqu'à ce quelle décide de prendre en charge des enfants de son
écoles qui montent au même arrêt que nous. Elle a généreusement
offert aux parents de mener les enfants à bon port, de transmettre
son savoir de l'itinéraire pour que les enfants soient à leur tour
capables de cette indépendance.
Pendant une bonne partie
des mois d'automne, elle arrivait avec sa petite marmaille qu'elle
était allée cueillir à leur porte. Elle assumait avec beaucoup de
dignité et de responsabilité la tâche qu'elle s'était donnée. Et
quand les enfants avaient voulu voler de leurs propres ailes, elles
les avait regarder monter dans l'autobus sans son aide avec une
fierté toute fraternelle.
J'ai hâte de déménager,
je suis plus que tannée de mon quartier, mais cette jeune demoiselle
va me manquer. En fait, ce que je regrette vraiment c'est de ne pas
avoir l'occasion de voir qu'elle femme elle va devenir.
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