jeudi, mai 03, 2018

Fillette étincelle

Je crois que j'ai été témoin de son tout premier voyage en autobus de ville vers son école. C'était il y a longtemps, quelque chose comme 7 ans. C'était une toute petite filles aux vêtures colorées. Elle portait souvent une multitude de rubans dans sa chevelure crépue et la plupart du temps elle était en robe. Elle me faisait un peu penser à la petite Mathilde qui n'aimait donc pas porter des pantalons durant l'enfance parce qu'elle rêvait d'être princesse et devait systématiquement faire tourner ses robes pour s'y sentir à l'aise. Combien de fois aie-je vu cette petite fille effectuer cette manœuvre que je connaissais si bien?

Les premières fois, sa maman l'accompagnait jusqu'à l'école, je présume. Je descends de l'autobus avant, je ne peux donc pas confirmer mon impression. Mais je sais que graduellement, la maman s'est contenté de conduire la fillette à l'arrêt d'autobus et un beau jour, elle est venue toute seule, et très fière sous le poids de son sac à dos surdimensionné. Avec les années, il nous est arrivé d'échanger quelques mots. Généralement c'était elle qui me demandait l'heure, histoire de s'assurer qu'elle n'avait pas manquer l'autobus (il lui arrive parfois de se présenter à l'arrêt presque en même temps que ledit autobus). Elle est toujours très polie et déférente avec moi, parce que je suis son aînée, je suppose.

Pendant quelques années, elle restait vers l'avant du bus jusqu'à un certain arrêt où une de ses amies montait à son tour. Alors la fête commençait et elles s'enfonçaient dans le ventre de la bête, le plus loin possible, pour se blottir sur un banc trop haut pour elles afin de se partager leurs messes basses bien dissimulées sous les contours de leurs gigantesques cartables.

Il y a deux ans environ, le rituel s'est arrêté. L'autre jeune fille n'y était plus. Peut-être avait-elle changé d'école ou encore déménagé, toujours est-il que je ne l'ai plus jamais revue à cet heure, sur cette ligne de bus. Cet automne-là, ma petite compagne de trajet qui se muait tranquillement en adolescente, avait un peu l'air triste. Jusqu'à ce quelle décide de prendre en charge des enfants de son écoles qui montent au même arrêt que nous. Elle a généreusement offert aux parents de mener les enfants à bon port, de transmettre son savoir de l'itinéraire pour que les enfants soient à leur tour capables de cette indépendance.

Pendant une bonne partie des mois d'automne, elle arrivait avec sa petite marmaille qu'elle était allée cueillir à leur porte. Elle assumait avec beaucoup de dignité et de responsabilité la tâche qu'elle s'était donnée. Et quand les enfants avaient voulu voler de leurs propres ailes, elles les avait regarder monter dans l'autobus sans son aide avec une fierté toute fraternelle.

J'ai hâte de déménager, je suis plus que tannée de mon quartier, mais cette jeune demoiselle va me manquer. En fait, ce que je regrette vraiment c'est de ne pas avoir l'occasion de voir qu'elle femme elle va devenir.

Libellés :