Changer de faune
Ça fait maintenant deux
semaines que j'ai recommencé à travailler depuis mon déménagement.
Et j'ai pu constater une nette différence dans la faune qui s'avance
vers les stations de métro sous ses nouvelles latitudes. D'abord,
nous sommes nombreux au même arrêt d'autobus, tous vêtus pour le
travail. Il m'apparaît évident que tout un chacun est levé depuis
un moment déjà. Et on dirait que tout ce beau monde essaie le plus
possible de faire attention à son voisin et ne parle pas trop fort
comme pour ne pas brusquer l'éveil des concitoyens pris pour se
lever à l'aurore un samedi matin.
Dans mon ancienne vie, je
croisais, à ces heures et ce jour précis de la semaine, beaucoup,
beaucoup de jeunes ou autres fêtards qui ne s'étaient pas encore
couchés. Ils étaient bruyants et parfois un peu épeurants. Je ne
me sentais pas toujours tout à fait en sécurité, surtout les
matins d'hiver quand le soleil est loin d'être levé. Ça me donnait
l'impression d'être un peu martienne de m'en aller travailler en
empruntant les mêmes axes que ceux qui avaient attendu l'ouverture
des stations afin de pouvoir retrouver leur lit sans avoir à
débourser pour un taxi.
Maintenant, j'ai
l'impression de vivre dans le sens du monde. Même si je trouve
encore que 6 heures du matin, pour prendre l'autobus, c'est beaucoup
trop tôt. Au moins dans un foule de quidam qui s'en vont aussi
travailler, je me sens un petit peu moins marginalisée. Et surtout
beaucoup plus en sécurité. Ceci ne veut pas dire que je ne croise
pas de personnages.
Tenez, le vieil italien,
il est déjà dans l'autobus quand j'y grimpe, en belle chemise
colorée et en pantalon à plis. Sous sa crinière blanche
ébouriffée, ses yeux noirs sont allumés. Il ne dit rien, mais
observe au moins autant que moi. Il doit être le seul passager à ne
pas avoir un téléphone intelligent. Il a plutôt son journal sous
le bras, et il est évident qu'il attend d'être arrivé à
destination avant de le déplier pour le compulser à son gré. Une
fois dans l'autobus nous faisons à peu près le même trajet. Il va
un peu plus loin que moi sur Jean-Talon pourtant, je suppose qu'il
est hebdomadairement le premier client d'un café italien et que
cette routine lui est importante.
Ou cette Congolaise, je
le sais parce que je l'ai entendue dire qu'elle venait de Kinshasa,
qui passe tout le trajet au téléphone à rassurer un quelconque
membre de sa famille avant de débuter sa journée de travail. Elle
est habillée pour travailler dans le système de santé. Je ne sais
pas si elle est infirmière ou préposée, mais le résultat est le
même, elle est maternelle et réconfortante et je me dis à tous les
coups que je me sentirais entre bonnes mains si c'était elle qui me
soignait.
En somme, je sais depuis
le jour où j'ai décidé de déménager que de revenir vivre près
de mes racines me serait profitable.
Je n'avais peut-être pas
anticipé à quel point.
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