jeudi, juillet 19, 2018

Crever d'ennui

J'avais si peur de m'ennuyer en déménageant toute seule, si peur de la solitude justement. Ça fait vingt jours que je suis arrivée et je constate avec surprise que mon plus gros problème, actuellement, c'est justement que je ne me suis pas ennuyée une minute. Parce que l'air de rien, ces plages d'ennui sont nécessaires à la création, en tout cas à la mienne.

Je crois que je vivais pas mal seule depuis environ trois ans. En fait, mon ancien coloc et moi ne nous fréquentions que peu. On soupait ensemble par-ci par-là, ou on jasait un peu dans le couloir mais c'était presque comme si on avait des appartements contigus sans vraiment les partager. Ce n'est pas une décision qui s'est prise, c'est arrivé tranquillement, sans vraiment qu'on s'en aperçoive ni l'un ni l'autre je suppose et le clou dans le cercueil a sans doute été posé lorsque Ex-coloc a rencontré quelqu'un avec qui il a rapidement formé un coupe. Forcément, au fil du temps, il s'est mis à passer beaucoup moins de temps seul à la maison ce qui signifiait, entre les lignes, que les longues soirées de discussions que nous avons un jour partagées, finirait par s'étioler d'elles-mêmes.

Ça fait en sorte que pas grand chose n'a changé dans mes habitudes et mon mode de vie. Je mange seule, je lis seule, j'écoute la radio seule, je regarde un film seule ou je fais un casse-tête seule. Soit exactement ce qui était mon quotidien depuis fort longtemps. En plus, je n'ai plus à subir les jérémiades du chat qui n'était pas le mien et qui avait la voix et la dépendance pas mal fortes. Plus nécessaire non plus de rythmer mes allées et venues à la salle-de-bain en fonction des autres occupants des lieux. Ce côté des choses me plaît bien. Par contre, je ne peux pas sauter une semaine de ménage parce que c'est autour de l'autre de s'y coller; on ne peut pas tout avoir faut croire.

Et puis, malgré le fait que j'ai grandi dans ce quartier, il n'est pas resté inchangé durant toutes les années où j'ai vécu ailleurs. J'ai donc la curiosité éveillée. Je regarde et j'observe attentivement autour de moi à chacun de mes déplacements. Je me fais des espèces de courses au trésor mnémoniques pour essayer de retrouver le nom de commerces depuis longtemps disparu, ou le nom des familles qui habitaient à tel ou tel endroit.

J'ai parfois des petites surprises, comme de voir sortir une amie du secondaire de la maison parentale et d'apprendre, étonnée, qu'elle l'a rachetée et qu'elle y habite désormais avec ses trois enfants. Mais la plupart du temps, je n'ai que des images un peu floues parce que les années ont fait leur chemin sur les bâtiments comme sur moi.

Moi qui croyais crever d'ennui au bout de quelques minutes à peine, me voilà bien détrompée quand à mon propre caractère. Pour cultiver ma plume je vais devoir, comme ce soir, m'astreindre à l'écriture, que j'aille autre chose à faire ou pas.

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