Sortir dehors
S'il y a une chose que
j'apprécie dans mon nouveau chez-moi c'est que j'ai un balcon.
Avant, c'est vrai, il y avait une cours, mais pas de mobilier pour
l'égayer et elle était très sombre, ça ne donnait pas tellement
envie de la fréquenter. En tout cas, je ne le faisais que très peu.
Il faut dire que la faune de la rue Dorion était plutôt
particulière, je l'ai souvent raconté en ces pages. Et si j'évitais
de vivre à l'extérieur de l'appartement, la faune elle s'y adonnait
régulièrement, ce qui rendait mes extérieurs encore moins
invitants parce que si j'ai entretenu, avec la plupart de mes voisins
immédiats, des relations cordiales, je ne peux pas dire que je les
fréquentais ni que j'en avais envie. Oh, ils n'étaient pas
méchants, simplement nous n'avions pas grand chose en commun. Et
j'avais vite fait de comprendre que si j'occupais l'extérieur, ça
serait venu avec une certaine forme de fréquentation, après tout,
dehors était leur terrain.
Bref, j'ai vécu à
l'intérieur durant les neuf dernières années, sauf quand
occasionnellement, j'allais visiter quelqu'un qui avait un extérieur
acceptable. Je ne me doutais pas à quel point ça me manquait. Ici,
j'ai un tout petit balcon que je trouve magnifique, parce qu'il est
juste à moi et qu'il surplombe un petit bout de terrain gazonné.
Devant ma porte, il y a un gros lilas qui parfumera agréablement les
printemps à venir. Pour le moment, il se contente d'être beau et de
bien habiller le mur de l'édifice d'à côté, incidemment, un
Renaud-Bray, j'ai une vue imprenable sur la réserve de jeux, ce qui
m'amuse beaucoup.
J'adore mon balcon. Il
est juste assez éloigné de la rue pour que je n'entende pas la
circulation, sauf d'occasionnels autobus, mais ils ne sont pas assez
fréquents pour que cela me dérange. En plus, pour des raisons qui
m'échappent, seule une autre locataire utilise son balcon. Les
autres s'en abstiennent tous collectivement, à mon grand plaisir. Ça
fait en sorte que j'ai comme une pièce de plus et que j'ai la foutue
paix quand je suis-là. Alors, j'en profite. J'ai mangé à peu près
tous mes repas sur le balcon depuis mon arrivée. On dirait que la
nourriture goûte meilleur dehors, même quand ladite nourriture est
un sandwich plate.
Pendant que je n'avais
pas d'internet, j'ai lu dehors des heures durant. Exactement comme ce
que je fais quand je pars en voyage dans un tout inclus. Mais la
magie c'est qu'en revenant à l'intérieur j'étais dans mes
affaires.
Le seul désagrément, ce
sont les moustiques. Je ne sais pas s'il y en a beaucoup dans le
secteur, mais en tout cas, ils m'ont trouvée. Je suis couverte de
piqûres de la tête aux pieds (et de calamine aussi). J'en ai même
une dans l'oreille droite, ce qui n'est pas du tout agréable,
croyez-moi.
Malgré cela, je vais
continuer à occuper l’appendice de mon appartement avec
délectation. Il me semble que je suis juste un peu plus heureuse
depuis que je le fréquente...
Libellés : Digressions