La lectrice
Si Obélix est tombé
dans la potion lorsqu'il était petit, moi je suis tombée dans la
littérature. Je ne remercierai jamais assez
mes parents de m'avoir poussée dans cette voie dès mon plus jeune
âge. J'ignore complètement tout de l'enfance sans livres. La mienne
en a été nourrie tout du long et si je n'ai pas aimé tous les
livres, particulièrement ceux imposés à l'école, je dirais que
j'ai toujours su garder mon rapport à la lecture dans une sphère
plaisante de ma vie.
Il
ne me viendrait pas à l'esprit d'aller me coucher sans un livre. Non
plus que de passer une semaine sans lire. Je peux débrancher la
télé, ne pas trop utiliser internet, éviter de jouer à toutes
sortes de jeux addictifs sur mon téléphone, ne pas regarder les
réseaux sociaux durant plusieurs jours, mais m'abstenir de lire me
serait tout bonnement impossible. Entrer dans la vie de personnages
que j'apprends à découvrir, me laisser prendre au jeu de
l'imaginaire, est un plaisir sans cesse renouvelé.
Je
me souviens encore du livre dans lequel j'ai réussi à lire ma
première phrase toute seule, en première année. J'avais alors eu
le sentiment de vivre dans
la magie parce que moi aussi, je savais désormais déchiffrer les
caractères pour en saisir les sons, puis le sens. Je n'ai donc pas
traîné longtemps au rayons des albums et des petits livres sans
vraiment d'histoires, dès que j'en ai eu la possibilité que je me
suis attaquée à des romans de plus en plus gros. J'ai en mémoire
une image très précise de l'endroit où je me trouvais, dans la
maison familiale, le jour où j'ai terminé mon premier vrai roman
avec plus de mots que de dessins à l'intérieur.
Ensuite,
j'ai vagabondé sur les mots des autres autant que je le pouvais.
Tellement qu'après avoir lu tout ce qui traînait à la maison et à
bibliothèque de quartier correspondant à mon âge, j'avais eu la
permission d'aller me chercher des livres du côté adulte, bien
avant d'avoir les quatorze ans réglementaires. Mais je devais
toujours présenter mes choix à la bibliothécaire avant de me
présenter au comptoir d'emprunts afin qu'elle s'assure que rien dans
le contenu du livre aurait pu me faire basculer un peu trop
rapidement hors de l'enfance.
Comment,
alors, pourrait-on être surpris que je travaille dans une librairie?
Partager les livres est pour moi un réel bonheur, particulièrement
lorsqu'il s'agit de livres pour enfants parce que le plaisir de lire
demeure la plus grande découverte de ma vie et que je suis
convaincue qu'il peut en être ainsi pour tous, à condition qu'on se
donne la peine de présenter des livres aux bambins qui ne demandent
généralement pas mieux.
Mais
contrairement à Obélix, je n'ai aucune interdiction à cause du
fait que je sois tombée en littérature étant toute jeune. Au
contraire, il est souhaitable que je continue à me tremper dedans
régulièrement afin d'être en mesure de bien faire mon boulot.
Et
plus encore, puisqu'à mon tour, je peux manier les mots pour
fabriquer un peu de cette littérature que j'aime tant.
Libellés : Digressions