dimanche, octobre 14, 2018

Une funambule

La première fois où je l'ai vue, c'était par une belle journée d'automne. Il me semble que le soleil était radieux et que les arbres arboraient des couleurs éclatantes. Elle ne le savait pas, mais moi, du haut de mes neuf ans et demi, j'attendais depuis bien longtemps de faire sa connaissance. Honnêtement, sur le moment j'ai été déçue. Elle était toute fripée, et il m'apparaissait évident qu'elle ne pourrait pas être ma meilleure amie la semaine suivante. J'aurais dû m'en douter pourtant, j'avais déjà deux petits frères qui avaient eux aussi été des bébés. Enfin bref, j'avais fait contre mauvaise fortune bon cœur et pris la décision de l'aimer de tout mon être.

Elle a été une petite fille joyeuse et vive qui aimait profondément les animaux. Un de nos frères était allergique à bien des animaux, mais ça n'a pas empêché la petite d'adopter un chat lorsqu'elle avait quelque chose comme quatre ans. On venait de comprendre, en famille, que ma sœur n'irait jamais sans chat, quelles que soient les circonstances. Ce sont deux concepts qui vont ensemble, ma sœur et un chat. Mais c'était aussi une petite fille rayonnante, à l'oreille impeccable. Elle comprenait l'anglais avant que je ne le fasse, malgré nos presque dix ans de différence. J'ai un souvenir vivace d'une marche sur la rue Prieur, durant laquelle elle m'a chanté les vraies paroles d'une chansons qui jouait continuellement dans ma chambre, alors que je n'aurais absolument pas pu les citer parce que je ne les comprenais pas.

Je n'ai pas beaucoup connu l'adolescente, je vivais dans une autre ville et je ne revenais à Montréal que quelquefois par année. On se parlait un peu au téléphone, de son camp qui était le centre de son univers, ou des Girlmore girls parce qu'on l'écoutait ensemble, à distance. Et l'air de rien, pendant qu'elle devenait une femme, moi je m'enfonçait dans le pays des zombies, alors bien entendu, nos relations n'étaient pas si fameuses. D'autant que je me choquais beaucoup. Ce qui n'amieutait pas les relations familiales.

Elle est vite devenue une jeune adulte bien dans sa peau et active dans son milieu. Je crois, que pendant un moment de sa vie, elle trouvait qu'elle était devenue un peu ma grande sœur, parce qu'elle atteignait des paliers de vie que je ne rencontrerai jamais. Elle avait le début de l'âge adulte quelque peu intransigeant.

Et puis, elle est devenue mère. Une belle et bonne maman. Douce sans être gâteuse. Ferme mais pas rigide. Et comme femme, ses angles se sont arrondis sans qu'elle ne s'en aperçoive. Un plus grande tolérance ajouté à un peu moins d'impatience généralisée. Elle aura appris à manœuvrer sur un fil de fer à hauteur de ciel tout en gardant obstinément ses deux pieds sur terre.

C'est une des choses qui me fascinent le plus chez elle, sa capacité à avancer toujours quelque soit l'étroitesse du chemin quelle décide d'emprunter.

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