Mariage d'automne
Il y a quelques années
déjà, il y avait ce grand jeune homme qui traînait ses savates à
la librairie. Il venait souvent chercher une personne, mais on
commençait à se dire qu'il s'attardait toujours un peu longtemps
auprès d'une des nôtres. Celle-ci en tout cas, le trouvait
séduisant et ne s'en cachait presque pas. À l'époque, elle était,
je dirais fragile, en perpétuel déséquilibre sur sa propre ligne
de vie. Si, la plupart du temps, elle était joyeuse, il lui arrivait
de se lever au beau milieu du pays des zombies et ces jours-là, qui
s'étiraient parfois en semaines, elle peinait sincèrement à mettre
un pied devant l'autre. C'est avec beaucoup de courage elle continuait
à avancer, malgré tout.
Alors quand ce grand
jeune homme s'est mis à la visiter pas tout à fait subtilement et
que nous, ses amies, l'avons vue s'illuminer de l'intérieur, nous
étions heureuses de voir qu'elle se portait bien en sa compagnie et
surtout qu'elle semblait croire qu'il pourrait peut-être y avoir
pour elle un brin d'amour ou d'affection sans qu'il lui faille
s'émietter le cœur dans d'atroces douleurs pour que le sentiment
existe. Elle disait, et dit toujours, que cette homme était pour elle
un ancrage dans ses tempêtes, alors après l'avoir attrapé, elle ne
l'a plus lâché. En moins de temps qu'il n'en faut pour dire :
« lapin » il a été intégré au groupe de filles du
boulot qui allait prendre une bière le jeudi.
Au départ, je dirais que
je n'étais pas certaine que cette histoire allait durer, tout en
sachant qu'ils s'aimaient très fort. Mais eux y croyaient, et c'est
là, je crois, l'essentiel. Ensemble ils ont construit des ponts
entre toutes sortes de sujets les faisant se rapprocher de telle
manière que ceux-ci ont fini par se toucher. Ils ont franchi leurs
étapes dans l'ordre, pour eux. L'achat d'une maison, pour commencer,
un fils pour continuer et un autre quelques années plus tard. Et au
bout de douze ans, ils se sont dit qu'il était plus que temps de
passer à autre chose, c'est-à-dire de se marier. C'est ainsi que, un an plus tard,
par une journée grise d'octobre, égayée par une flambée des
couleurs particulièrement réussie, ils ont convié parents et amis
à être témoins de leur union.
Comme on pouvait s'y
attendre connaissant les principaux intéressés, ce n'était pas
tout à fait traditionnel, à commencer par une mariée en pantalons
et un marié en espadrilles. Ce qui ne les empêchait absolument pas
de briller d'une élégance tout à fait dans leur genre. Et le décor
était lui aussi à leur image, chaleureux et bon enfant.
Ils se sont échangés
leurs vœux en toute simplicité avec un clin d’œil de leurs
enfants qui participaient fièrement à la fête. C'était un
magnifique moment, tout en douceur et en complicité. Je leur
souhaite encore un grand bout de chemin côte-à-côte parce qu'ils
se complètent et s'équilibrent particulièrement bien.
Grâce à eux, hier soir,
personne n'aurait pu croire que pour certains, l'automne est une
saison triste.
Libellés : Vie en communauté