Transport en égoïsme
J'ai la chance d'avoir
plusieurs trajets possible du travail à la maison et l'inverse. Avec
le temps, j'ai appris lesquels choisir selon mes heures de
déplacement. Par exemple, lorsque je travaille de jour, il est plus
simple et plus rapide de me rendre à la station Fabre pour attraper
le 45 vers le nord parce que cet autobus roule à une fréquence de
10 minutes, en théorie. C'est donc le trajet que j'avais choisi
hier, mais j'ai été bien mal avisée de le faire.
D'abord, il ventait à
écorner les bœufs tandis qu'une fine pluie s'abattait sur les
quidams pris comme moi à l'arrêt. Inutile de sortir le parapluie,
ceux qui s'y risquaient voyaient les leurs se retourner à tout bout
de champ. La lecture n'était pas non plus recommandée, pas plus que
l'utilisation du téléphone pour patienter. On ne pouvait
qu'attendre. C'est bien entendu dans ce genre de circonstances que
lesdits autobus se font rares. Alors, plutôt que 10 minutes, j'ai du
patienter quelque chose comme 25 minutes avant de voir arriver la
bête, plus que bondée.
Se
faufiler à l'intérieur tenait de l'exploit. Je me suis donc
retrouvée coincée près de la première porte arrière à me faire
rentrer dedans à chaque arrêt quand quelqu'un essayait de sortir.
Dans ce genre de situation, je fais toujours bien attention à
prendre le moins de place possible, en commençant par placer mon sac
à mes pieds et en évitant de sortir téléphone ou livre. Il faut
savoir vivre en société.
Mais,
ce n'est pas le cas de tout le monde. Je venais de me dénicher une
place quand je me suis aperçue qu'à deux bancs de là, une dame
tirée à quatre épingles utilisait deux espaces. Un pour elle et un
pour son ses sacs (deux incluant sa sacoche). Malgré le fait que le
chauffeur, hurlait à chaque arrêt de svp circuler vers l'arrière,
elle ne semblait pas du tout se sentir concernée. Même que
lorsqu'une dame âgée lui a demandé de libérer l'espace pour
qu'elle puisse en profiter, Madame Quatre-Épingle a répondu que
non, qu'elle ne voulait pas se sentir compressée par ses sacs. J'en
ai conclu que la jeunesse n'avait pas l'apanage du manque de savoir
vivre. J'ai voulu me lever pour céder ma précieuse place à la
vieille dame qui en avait visiblement besoin, mais elle a refusé
arguant que mon siège était juché un peu trop haut pour ses
moyens.
Pendant
ce temps, une jeune femme jouait sur son téléphone, son gros
sac-à-dos bousculant tout le monde autour d'elle pendant qu'elle
s’accotait sur une barre de soutient, la monopolisant à son usage
exclusif pour mieux profiter de ses deux mains pour jouer à sa
partie de poker en ligne. Elle avait une espèce d'attitude super
nonchalante, pas du tout alerte aux signaux de ceux qui voulaient
circuler autour d'elle. À un arrêt, un homme l'a enguirlandée
copieusement en français puis en anglais tandis qu'elle levait sur
lui des yeux perdus en lui demandant « es-tu raciste? »
Ça n'avait strictement aucun rapport, même si les deux personnages
n'avaient effectivement pas la même couleur de peau.
Moi,
j'étais découragée devant cet étalage d'individualisme patent.
Aujourd'hui
terminant à la même heure que la veille, j'ai tenu à effectuer le
même trajet comme pour m'assurer de briser le mauvais sort et comme
de bien entendu, je n'ai pas attendu ni non plus croisé de femme,
vraiment, mais alors là, vraiment mal élevée.