Ligne dilettante
Jeudi soir à la fin de
l'heure de pointe, j'attendais l'autobus sous une pluie constante et
glaciale depuis une vingtaine de minutes, peut-être davantage.
J'avais bien vu des véhicules sur un trajet alternatif passer
plusieurs fois, mais je ne me sentais pas l'optimisme de descendre
les quatre coins de rue sur la chaussée devenue presque impraticable
à cause du verglas. Une fois encore, je me maudissais de n'avoir pas
choisi des bottes à crampons lorsqu'était venu le temps de
remplacer mes bottes d'hiver.
Je savais, avant de
décider quel trajet emprunter que celui pour lequel j'optais était
hasardeux. Je blaguais beaucoup avant de revenir vivre dans Ahuntsic
au sujet de cet autobus qui ne m'avait pas manqué parce qu'il est
plutôt dilettante dès que le mauvais temps se met de la partie.
Cependant, sur à peu près le même parcours, il y a aujourd'hui une
seconde ligne qui peut, parfois s'avérer fort utile.
Il était frustrant de
voir des bus décharger leur passager un coin de rue plus haut avant
d'afficher un « en transit » qui les renverrait
certainement à leur garage. La grogne commençait à se faire
entendre de plus en plus fort autour de moi parce que visiblement, il
y avait un souci avec la ligne 140 puisque, selon ce que j'ai
compris, 3 autobus avaient omis de se présenter. Et bien entendu, ce
genre de chose arrive quand la température est dégueulasse. Et
franchement, ce soir-là c'était épouvantable.
Comme beaucoup
d'entre-nous, lorsque l'autobus de la ligne alternative s'est
présenté, j'ai décidé de me diriger vers le second arrêt afin de
finir par arriver à bon port. C'est à ce moment qu'une dame immense
s'est jetée devant l'autobus pour l'empêcher d'aller rejoindre son
point de départ. Il n'y a pas eu de heurt, la conductrice de
l'autobus ayant pu s'arrêter avant de frapper la dame. Celle-ci
criait à la conductrice de prendre le trajet du 140 parce qu'elle
était tannée d'attendre, frigorifiée. Elle était visiblement en
furie. Un homme l'a tirée vers le trottoir pendant, qu'avec un peu
de honte, je continuais à me diriger vers l'arrêt où je pourrais
monter dans ledit bus.
Je ne sais pas trop
comment elle s'y est prise, mais elle a atteint la porte du 41 deux
personnes avant moi. Pourtant, j'étais certaine de l'avoir laissée
en arrière quand l'homme l'avait sortie de la rue. Une fois à
l'intérieur, elle s'est remise à enguirlander la pauvre chauffeuse.
Avec des mots que je préfère ne pas répéter. C'était violent.
Pendant ce temps, une bonne partie des gens qui avaient attendu le
140 s'agglutinaient derrière-moi, forts mécontents de ne pas
pouvoir se mettre au sec. La dame hurlait qu'elle empêcherait tout
le monde de monter et l'autobus de partir tant que celui-ci ne se
transformerait pas en 140.
J'ai fini par lui toucher
le bras en en lui disant : « Madame, je comprends que vous
soyez furieuse, mais la chauffeuse n'y est pour rien et tout ce que
vous réussissez à l'heure actuelle c'est de braquer une vingtaine
de personne contre-vous. Potez plainte à la STM, vous aurez raison,
mais la conductrice elle, elle ne peut pas régler votre problème »
Elle s'est retournée vers moi encore plus furieuse et j'ai eu peur
qu'elle ne me frappe, ce qui semblait être son prochain mouvement.
Mais le même homme qui l'avait sortie de la rue a tiré sur son bras
pour l'écarter de la porte tout en me poussant à l'intérieur.
J'ai eu le temps de voir
des agents de la STM arriver pour apostropher la cliente mécontente
avant que le bus soit tellement plein pour qu'il soit possible de
voir ce qui se passait à l'extérieur.
J'espère sincèrement
qu'ils n'étaient là que pour la calmer, parce que je suppose depuis
deux jours, qu'une affaire plate de plus n'aurait absolument rien
amélioré à une journée déjà gâchée.
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