lundi, avril 30, 2007

J'ai embrassé l'aube de l'été

Ça faisait plusieurs semaines que tu me taraudais. Plusieurs semaines durant lesquelles mon regard était attiré par ta présence muette. Je savais toujours très exactement où tu étais dans une salle bondée. À l'affût de tes moindres déplacements, je sentais une décharge électrique toutes les fois où tes trajectoires t'amenaient à croiser les miennes. Ça faisait plusieurs semaines que j'avais envie de m'abandonner à tes mains, à ton sourires, aux paroles et aux gestes que je te prêtais. Une soif de chair dévorante qui me faisait voir à nouveau les hommes comme les mouvances d'un désir plus vaste. Des éclats de toi dans d'autres êtres qui ne seraient, somme toute, que de pâles esquisses de ce qui pourrait exister si seulement j'osais. Je m'étais laissée prendre dans le filet d'une convention implicite, murée dans les non-dits des espérances scellées par le silence.

Ça faisait plusieurs semaines que je me débattais entre la convoitise de cette vie rêvée et la peur d'un échec annoncé. Besoin d'aller voir ailleurs pour me prouver que je ne t'appartenais pas, tout en sachant pertinemment que ce n'était là qu'un réflexe d'orgueil, aussi inutile que malvenu. Cette illusion que de ne pas t'offrir ce que je suis me protégerait d'une éventuelle blessure. Gagner au jeu de l'indépendance factice pour te voir détourner la tête et me dire ensuite que j'avais raison de ne pas avoir confiance. Douter même après que tes lèvres se soient posées sur les miennes dans cette nuit de juillet, battue par les pluies torrentielles d'un résidu d'ouragan. Sentir l'adrénaline me pousser vers d'autres cieux, m'emporter vers les certitudes de ce célibat trop longtemps entretenu, pour ne pas avoir à composer avec l'éventualité d'une cicatrice qui marquerait mon ventre, à vie.

Ça faisait plusieurs nuits que tu hantais mes songes. Une ombre de plus en plus réelle. Le poids de tes doigts sur les parcelles de peau qu'ils avaient fréquentées, en toute innocence. Les meurtrissures de tes dents sur mon cou offert. Les sillons creusés par tes ongles sur les rides de mes sentiments. Piétiner le désir pour l'aliéner. Pour l'anéantir même. Faire fi de l'essor qui me tirait à toi. Oblitérer les souvenirs des images nocturnes que mon subconscient faisait naviguer jusqu'aux tréfonds de ma conscience. Te crier que je ne te croyais pas quand je savais bien que tu disais vrai. Quand je percevais la douleur dans le doux de tes yeux atteints par mon manque de confiance. Quand j'observais ton sourire se défaire sous les assauts de mon inconstance.

Patiemment, tu m'espérais. En me répétant à perpétuité les mêmes promesses d'amour que tu m'avais laisser entendre cette toute premières fois où ta bouche avait happé la mienne. Tandis que je continuais à repousser les élans de ces sentiments trop grands pour ce que je m'accordais. Puis, un soir j'ai pris ta grande main dans la mienne et je l'ai tenue contre mon coeur toute une nuit. Tu as laisser l'aurore naître sur mon corps assoupi, arborant le sourire du chasseur ayant très longtemps traqué sa proie. Lorsque les reflets du soleil ont taquiné mes paupières, j'ai voulu me lever discrètement. Partir, selon mon habitude, sans laisser de trace de mon passage. Tu me connaissais suffisamment pour prévoir le mouvement. Alors tu m'as tirée vers toi très fort en me disant simplement : « non ».

Ce matin-là, en te regardant dormir, j'ai embrassé l'aube d'été.

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4 Commentaires:

Blogger Sauterelle s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mmmmh... Tu l'as embrassé ou tu l'as frenché?

4:35 p.m.  
Blogger Miss Patata s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ah je suis contente là... :)

9:34 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Sauterelle : Si tu parles de ma vie actuelle, ni l'un ni l'autre.

Les événements que je raconte se sont déroulés en été 1996.

Miss Patata : désolée de péter ta bulle, mais bon, je ne suis pas tout à fait dans le présent avec ce texte.

10:18 a.m.  
Blogger Miss Patata s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Bah! Je m'en doutais un peu, tu m'as souvent mise en garde, mais c'est que j'aime les belles histoires... J'aime à y croire, surtout quand elles sont si bien écrites...

12:00 p.m.  

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