vendredi, avril 27, 2007

Le pas des demoiselles

Elles battent souvent les pavés en duo. Surtout lorsque ceux-ci sont dégagés des bancs de neiges qui entravent les pas durant les mois d'hiver. Elles sont à la fois dissemblables et identiques. Dissemblables dans l'allure, la tenue vestimentaire, le port de tête, les courbes et la couleur des yeux. Identiques parce qu'elles partagent une communauté de pensée, des intérêts, une complicité qui fait d'elles un étrange couple particulièrement bien assorti. Si vous passez près d'elles, lorsqu'elles errent dans les rues des villes qui les rassemblent, vous entendrez des bouts de discussions sautant du coq à l'âne, sans début ni fin dont elles sont les seules à pouvoir suivre le fil. Et le rire, toujours, qui jaillit; franc, spontané, contagieux même. Elles sont jolies, vivantes et complexes dans leur trop grande simplicité. Mais elles arborent cette beauté comme un foulard fané qui traînerait autour de leur cou, par hasard. Un détail futile de leur quotidien.

Elles ont la confiance ébranlée, de celles qui se sont fait rejeter. De celles qui se sont fait dire trop de fois, « tu es super mais... » ce mais comme un coup de poing en pleine gueule qui vous ramasse une estime en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire. Elles se racontent leurs échecs amoureux pour se convaincre qu'elles ont raison ne ne pas se trouver si super que cela. À grande slaves de mauvaise foi, de plus en plus alambiquée. Elles se confient leurs grands secrets sans trop en avoir l'air, sur les carrés des trottoirs qu'elles traversent, comme si de rien n'était, certaine les gens qu'elles croisent ne leur portent aucune attention. Certaines qu'elles ont posé autour de leurs confidence un écran étanche contre les oreilles indiscrètes. Elles ont sans doute raison puisque l'air d'aller qui les mènent du point A au point B n'est suivi par personne d'autre.

Quand le printemps taquine de ses rayons les épidermes restés enfouis sous les couches vestimentaires nécessaire aux traversées hivernales, elles croisent toutes sortent de marmottes qui émergent de leur habitat naturel. Prenant la forme d'hommes, assez vieux, la plupart du temps. La bédaine bien en vue sous la bouteille de bière, à 10h00 le matin, ils les saluent comme si elles étaient vraiment belles, y allant de leurs commentaires aussi salaces que salissants. Si elles acceptaient toutes les invitations qu'on leur fait, elles seraient des détonateurs à caféine sur deux pieds. Néanmoins, elles savent prendre ces compliments, quelle qu'en soit la maladresse, pour ce qu'ils sont. Des petites perles de soleil dans des journées parfois éteintes sous la grisaille des temps durs. Elles savent que ces hommes ne leur plaisent pas, qu'ils osent leur parler simplement parce qu'elles ne font que passer sous leur regard torve et qu'elles n'y resteront pas.

Par contre, si vous désirez aborder l'une ou l'autre de ces demoiselles avec une envie réelle de las rencontrer, de savoir ce qu'elle est et de lui annoncer, en toute sincérité, que vous êtes intéressé par sa joie de vivre et sa personnalité, vous aurez beaucoup à faire. Tous les compliments seront reçus comme des marques de politesse, toutes les gentillesses comme une volonté de la faire sourire. Elles se diront, l'une à l'autre : « Il est charmant n'est-ce pas? » sans réaliser qu'elles le sont aussi. Elles feront damner la patience des uns et l'impatience des autres. Inaccessibles dans leurs tours d'ivoires.

Et si un jour vous osez leur avouer que vous avez eu le béguin pour l'une d'entres elles, bien après que les votre coeur se soit logé à une autre enseigne, celle-ci vous répondra, en rosissant un tout petit peu, qu'elle ne l'avait jamais su.

Libellés :