vendredi, juin 08, 2007

À condition que tu m'en donnes

Ils avaient passé la journée entre l'ombre et la lumière à profiter de la présence l'un de l'autre. Le soleil pesant de ce mois d'août avait doré leurs épidermes. L'eau du fleuve qui s'agitait en contrebas de la falaise donnait l'illusion d'une mer dans laquelle ils auraient pu s'immerger, aller jusqu'au bout du monde à travers les flots. Une tente dressée à quelques mètres bruissait dans le vent. Plus loin, derrière un bosquet d'arbres, ils entendaient les babillages des enfants qui s'imaginaient être les super-héros d'un univers issu de leur imagination. Ça faisait une petite semaine qu'ils s'étaient évadés du temps urbain. Une semaine à ne rien se dire tout en se dévoilant entièrement. Fragments de soi qui s'évadaient vers l'autre, au plaisir du temps.

Isabelle profitait de la sérénité des lieux pour lire tous les romans qui traînaient dans sa liste de lectures depuis des mois. Elle se rendait au village, à quelques cinq kilomètres, tous les jours à vélo, pour acheter le nécessaire à leur survie alimentaire. Cela lui donnait l'impression de résider dans un autre siècle, une autre société, dans laquelle chaque minutes s'étirait un peu plus dans des zones de tranquillités. Plus d'urgence, plus de productivité, simplement le déploiement des heures que l'on organise autour d'un îlot de bonheur. Sans contact avec l'actualité, les méandres des violences extérieures, les stress des relations interpersonnelles que l'on déçoit souvent, bien malgré soi. Bercée pas le ressac des vagues plutôt que par le bruit des camions, cette excursion sur une une petite île de bout du monde, lui faisait le plus grand bien.

Sébastien, se jetait à la mer sitôt levé pour ensuite parcourir la plage jusqu'à ne plus trop savoir où il en était. Il revenait peinard à son point d'origine, et se laissait diriger par les fumets alléchants des feux de camp. Tous les midis, il débarquait avec un sourire enjôleur, une ou deux histoires croquantes dont il s'était souvenu en route. Alors il s'installait et attirait immanquablement une bonne partie du voisinage autour de lui, suspendu à ces récits tous plus rocambolesques les uns que les autres. Après quoi il inventait des jeux pour les enfants, les faisant sillonner la plage dans des aventures de corsaires auxquelles ils croyaient dur comme fer. C'était du pur bonheur qui pétillait dans ses yeux lorsque les gamins retournaient épuisés vers leurs parents en lui disant : « à demain ».

Quand le soleil avait bien entamé sa descente et qu'il ne menaçait plus des les rouer de coups, Sébastien et Isabelle s'installaient confortablement sur le même drap de plage pour jouer au Scrabble. Il la battait tous les jours à plates coutures et elle faisait de son mieux pour ne pas s'enrager. Alors ils ouvraient une bouteille de vin qu'ils siroteraient tranquillement jusqu'à la nuit. Il cuisait le repas du soir tandis qu'elle profitait de la brunante pour aller affronter les flots, dans cette quasi-obscurité qui la dérobait aux regards des autres plaisanciers. Elle revenait détendue en s'ébrouant sur lui jusqu'à ce qu'il accepte de la frictionner pour chasser les dernière goutte d'eau de sa peau.

C'était le dernier soir de leur périple au bord de la mer. Elle avait l'impression que la vie après ne serait plus jamais tout à fait la même. Il y avait désormais entre eux une intimité plus grande que ce qu'ils n'auraient jamais pu créer ailleurs, dans le temps quotidien. Elle voyait les lèvres de Sébastien s'alourdir de désir, se gonfler jusqu'à devenir pourpres lorsque par hasard ses bretelles glissaient sur ses épaule pour laisser deviner une étincelle de sensualité. Et taquine, elle lui disait en tendant les mains vers les fruits qu'il avait en sa possession : « Je t'embraserai, si tu veux. À condition que tu m'en donnes... »

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5 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

:-( C'est tout?!?! Mais il se passe quoi après? Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants? À quoi ressemble leur quotidien? Ils font quoi dans la vie? C'est tellement bon que j'en veux plus! (Je me sens comme un petit enfant à qui on vient d'enlever sa sucette... je ferai tout ce que tu veux, à condition que tu m'en donnes... encore ;-)!

3:44 p.m.  
Blogger Arthur H. s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Bonjour Mamathilde.
Je prolonge mon commentaire des impromptus. J'ai été vraiment séduit par ta manière de décrire le bonheur, l'amour. Ce que je ne sais pas faire comme tu as pu t'en rendre compte si tu as eu la curiosité d'aller sur mon blog ou si tu lis les textes que j'envoie aux Impromptus
Arthur

7:06 a.m.  
Blogger Lew s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Nooooooooon... pas une autre histoire atrocement agréable à lire. Je crois que je n'en peux plus Mathilde, je devrais me cacher sous un rocher et cesser de lire avec obstination ces textes qui me boulversent positivement pendant quelques heures.

Moi j'préfère le bisou aux fruits. Sauf si c'est des framboises. Rendu là faudra faire un choix. Bon, j'en dit trop. ^__^

Merci encore pour un super texte.

1:41 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Alex : C'est un super compliment que tu me fais là! Je pense que tu es encore plus romantico-mocheton que moi. Mais honnêtement, je n'ai aucune idée de ce qui se passe par la suite. Je n'ai pas exploré cette avenue.

Arthur H : Je crois qu'on parle plus souvent de l'amour comme de la flèche qui perce les émotions parce que c'est ce qui est le plus marquant. Dire que tu ne sais pas en parler en tant que bonheur me semble un peu fort. M'enfin, si mes mots te touchent, j'en suis flattée.

Lew : Il y a quelque chose de dichotomique dans ton compliment. Ce qui le rend encore plus fort. Je suis bien aise de te bouleverser à ce point, ça me dit que le texte est bon.

11:07 a.m.  
Blogger Benoît s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Satanées bretelles. ;-)

Il me donne le goût de rêver, ton texte.

9:08 a.m.  

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