Première rencontre
J'ai été une enfant qui
adorait jouer à la poupée. Ma sœur, en a d'ailleurs été
passablement victime. Pauvre elle, avec les presque dix ans qui nous
séparent, je me suis gâtée. Elle a été ma première poupée
vivante. Et elle sentait si bon le bébé.
Après la naissance de ma
sœur, ma mère a entrepris de devenir sage-femme. À une époque où
cette profession était en marge de la légalité. Je me rappelle de
discussions acrimonieuses, avec mes collègues de classe à l'école
secondaire, sur la légalisation de la profession. J'ai toujours été
assez articulée dans mes opinions et je ne me laissais pas abattre
par les majorités écrasantes.
Quelquefois, ma mère
recevait à la maison des groupes de rencontres post-natales. Un jour
qu'il y en avait une chez-nous, j'ai avisé un cousin de ma mère que
je voyais rarement, mais avec lequel j'avais beaucoup de plaisir à
discuter. Lui et son amoureuse avaient l'air complètement dépassés
par leur vie de nouveaux parents. Parce que je suis ce que je suis et
que j'adore les bébés, je me suis permise, de lui demander si je
pouvais prendre sa fille. Cette toute minuscule fillette qui avait,
selon mon souvenir, 5 semaines, à l'époque. La petite personne en
question avait (toujours selon mon souvenir qui peut être tout à
fait imprécis puisqu'il remonte à 25 ans aujourd'hui), l'air
particulièrement en colère. Les parents, hagards, m'ont dit oui.
J'ai pris la petite boule
chaude qui hurlait à perdre haleine, même si sa couche était
propre et son petit estomac bien gavé, je l'ai posée sur mon cœur
et je suis allée m'asseoir avec elle. Ça ne faisait
pas deux minutes qu'on était installées qu'elle s'était endormie.
Je lui ai raconté toutes sortes d'histoires pendant son sommeil.
J'avais un public conquis pour mes rêves éveillés. Mon imagination
débordante était donc comblée.
Je ne sais pas combien de
temps la petite a dormi sur mon cœur. Quelques heures, peut-être.
Toujours est-il que ce n'était pas dans ses habitudes,
semblerait-il, de dormir si longtemps. Le papa dépassé, à la fin
de la réunion, m'a demandé comment j'avais fait. Et du haut de ma
très grande naïveté d'adolescente de seize ans, je lui ai
répondu : « Ben rien, je lui ai fais confiance, c'est
tout ».
En fin de semaine, j'ai
pris un café avec elle et une de ses cousines immédiates. Je lui ai
raconté cette histoire, qu'elle a trouvé jolie. Ce sont elles qui
m'ont tendu la main à travers les années. Je ne les connais pas
beaucoup, elle ne me connaissent pas davantage. Mais je crois que
nous partageons, en dehors d'une parenté éloignée, un intérêt
pour l'humain. Nous avons donc transformé, à trois, un jour de
novembre morne et gris en quelque chose qui peut s'approcher du
vivant.
Libellés : Quand le passé me rattrape
Je voudrais simplement dire j'aime.
Maman : Et tu sais que tout ce qu'ai raconté ici, est simplement vrai. Sans aucune espèce de forme de travestissement, dont je suis, d'ordinaire, friande. C'est peut-être pour cette raison, fort simple, que tu aimes ce texte.
Mais, merci de me le dire.