Une bien drôle d'impression
C'était une heure creuse
d'une fin de matinée dans une rame de métro qui se délestait peu à
peu de ses occupants, puisque nous nous dirigions vers le bout de la
ligne. Depuis mon entrée dans le wagon, j'entendais des cris et des
coups dans une langue que je ne comprenais pas très bien, malgré
le fait que l'individu en question parlait français, je crois. Il
était agité, visiblement, et installé à l'autre bout du wagon
dans lequel j'avais pris place.
Plus nous approchions du
terminus, plus les coups, les cris, les vociférations et les
harangues se multipliaient. Je commençais à sentir la peur me
pousser dans le ventre. À Mi-chemin, il ne restait qu'un autre
passager et moi dans le wagon. Je soupçonnais qu'une part des autres
passagers, particulièrement ceux qui étaient monté dans son
extrémité, d'avoir simplement changé de voiture. Pour ma part,
j'hésitais, ne voulant pas que mon départ soit perçu comme une
forme d'affront et que le spécimen, manifestement violent et
intoxiqué ne décide de me suivre. Mais lorsque le dernier homme qui
partageait notre habitacle est venu me voir pour me dire qu'il
descendait à la prochaine station et qu'il ne me recommandait pas de
rester seule avec le personnage qui finissait par prendre toute la
place, je n'ai pas hésiter une seconde à traverser dans le wagon
suivant.
Je me suis affalée,
essoufflée comme si je venais de courir un sprint (et pourtant,
j'avais marché, faisant très attention a n'avoir l'air de rien) et
passablement secouée. Je me sentais en danger. Les passagers de ce
wagon se sont tous spontanément approchés de moi pour me demandé
ce que l'homme faisait. Ça m'a pris 3 bonnes secondes avant de
rassembler suffisamment mes esprits pour répondre : « Du
bruit ». De ma nouvelle place, nous regardions l'homme,
fascinés de le voir arpenter son espace vide en cognant sur tout le
mobilier à coup de bouteille de bière vide ou à coups de pieds. Il
se lançait dans les portes fermées. Et buvait la bière pleine qui
s'était miraculeusement matérialisée dans ses main, une fois que
la bouteille vide eut éclaté. Décidément, j'étais soulagée de
ne plus y être.
Mais je n'ai rien fait.
Encore sonnée par les événements. C'est une autre passagère, un
peu plus jeune que moi, qui a pris sur elle de contacter le chauffeur
par le biais de l'intercom pour lui dire qu'il y avait un passager
agité dans l'avant dernier wagon et qu'il avait fait fuir les autres
personnes. Le chauffeur a aussitôt contacté la sécurité et nous a
avisé que l'homme serait accueilli au terminus. Rendus-là, il
s'était couché, et s'était endormi (entre les deux dernières
stations).
Nous sortions lorsque les
agents de sécurité sont entrés dans la voiture, l'homme s'est
immédiatement réveillé et s'est remis à hurler. L'espace d'un
instant, ma compagne inconnue et moi, avons eu l'impression qu'il
nous regardait dans les yeux, furieux. Il était sans doute furieux,
mais je crois qu'il était beaucoup trop intoxiqué pour avoir fait
le lien entre les agents et les deux femmes du wagon suivant.
Néanmoins, nous avons gravi les marches jusqu'à l'extérieur en
courant à en perdre haleine, comme deux gamines qui viennent de
faire un mauvais coup. Et nous nous sommes écroulées de rire, une
fois rendues à la surface.
Depuis ce jour, lorsque
je la croise, on s'adresse un sourire complice et quelquefois même,
on éclate de rire, sans aucune espèce de raison, ce qui doit
laisser une bien drôle d'impression à ceux qui en sont témoins.
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