Rêver pour conjuguer la réalité
Depuis aussi longtemps
que je me souvienne, j'ai eu des rêves récurrents. Ceux dont je me
souviens, la plupart du temps sont des cauchemars ou alors ils s'en
approchent. J'ai longtemps rêvé à des loups qui venaient me
manger, vestiges nocturnes d'une histoire de loups et de gaufres qui
avaient marqué mon imaginaire déjà largement impressionnable.
J'avais cependant fini par leur régler leur compte en me
transformant en camion blanc pour devenir ainsi très peu
appétissante pour des loups affamés.
J'ai aussi rêvé d'un
homme qui venait me réclamer à mes parents à qui il disait que je
n'habitais pas dans la bonne maison et mes parents me laissaient
aller sans trop d'émotion. Je me réveillais au moment où la porte
allait se refermer derrière moi, terrorisée. Ce rêve-là, je ne
l'ai pas dompté. Il a cessé, quand j'ai fini par assimiler que même
si j'avais perdu ma place de seule fille dans la fratrie, mes parents
m'aimaient quand même. Ça m'aura pris un an ou deux. Et puis j'ai
mis le pied dans l'adolescence presque aussitôt ce qui a largement
modifié ma perception de l'existence en général et de la famille
en particulier.
Je rêve encore
quelquefois d'une grande maison au toit rouge et aux escaliers
multiples dans laquelle je me perds constamment tandis que c'est
censé être chez-moi. Je n'y suis pas terrifiée, mais démunie
devant des labyrinthes qui y pousse que de l'herbe au soleil. Pour
m'en sortir, je dois trouver le chemin du grenier pour enfin pouvoir
retrouver la cuisine et sortir de la maison. J'y arrive tout le
temps, surtout que maintenant, je suis capable de dire à mon rêve
qu'il est un rêve et qu'il doit m'emmener au grenier pour que je
puisse me réveiller. Je suis souvent un peu déçue au réveil de ne
pas habiter dans cette jolie maison trop grande pour moi.
J'ai souvent fait des
rêves récurrents au sujet de diverses personnes qui ont jalonner
mon parcours. La plupart du temps, ce sont des rêves « régleurs
de comptes ». Des rêves qui me permettent d'exprimer à des
gens qui m'ont fait du mal que j'ai eu mal, mais que je ne me laisse
pas abattre. C'était quelque chose qui m'arrivait régulièrement
dans mon enfance et mon adolescence : je n'étais pas une
personne si populaire et j'ai été intimidée. Je crois que mes
rêves m'ont grandement aidée à passer à travers mes difficultés
sociales et faire de moi la femme que je suis aujourd'hui.
Et dernièrement, je rêve
souvent de la même femme. Je l'ai croisée lors d'une tempête cet
hiver en sachant que je l'avais connu un jour dans ma vie. Comme je
réside désormais à peu près au même endroit qui m'a vu grandir,
je cherchais son souvenir quelque part autour d'ici. Son nom
m'échappait depuis des semaine et je n'arrivais pas à me rappeler
si nous avions été amies ou simplement voisines de bureau dans un
cours au secondaire.
Maintenant je sais. J'ai
rêvé d'elle cette nuit, encore. Et j'ai finalement mis la main sur
son nom. Je l'avais connu à Sherbrooke, en 1993. Ça avait été une
copine de classe, un peu plus qu'une collègue, mais pas tout à fait
une amie. Je ne cherchais simplement pas son nom dans les bonnes
tranches de souvenirs.
Je me sens soulagée de
l'avoir retrouvé. Désormais, je puis passer à un autre rêve...
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