dimanche, août 30, 2015

Le suivant

C'était une belle matinée d'automne, j'avais neuf ans et demi, mes frère sept et quatre ans. À notre réveil, maman était assise à la place habituelle de papa à la table de la cuisine. Elle avait l'air épuisé, mais serein. Son ventre distendu par la grossesse n'était pas complètement camouflé par sa robe-de-chambre bleu foncé. Elle nous a dit que la sage-femme était en route, que le bébé arrivait et qu'à notre retour de l'école, nous serions désormais quatre enfants dans la maisonnée.

Je n'ai absolument aucun souvenir de cette matinée. Tout ce dont je me rappelle c'est que papa était venu nous chercher à la pause du dîner. Je lui avais demandé, anxieuse, si j'avais une sœur, parce qu'ayant déjà deux frères, je rêvais depuis que l'arrondi du bedon maternel se faisait voir, que j'aurais enfin une sœur. Papa n'a pas voulu me répondre et j'ai dû ronger mon frein pendant ce qui m'a paru comme une éternité.

Arrivés à la maison, j'ai eu l'impression que ça sentait le bonheur. C'est très difficile à expliquer, mais il y avait quelque chose dans l'atmosphère qui respirait bon. La sage-femme était toujours à la maison, nous la connaissions tous et étions ravis de la voir et elle eu tôt fait de nous donner la permission de marcher doucement jusqu'à la chambre parentale afin de voir maman et le bébé. À la seconde où j'ai mis un pied dans la chambre, j'ai su que c'était une fille. Pas tellement parce que le bambin chiffonné avait l'air d'une fille, mais surtout à cause du regard entendu que m'a coulé maman avant que j'ai eu le temps d'avancer bien loin.

Mon cœur s'était élargi jusqu'à plus ne pouvoir se contenter de tenir dans ma poitrine devant cette enfant qui était mon bébé sœur. Je l'ai immédiatement aimée. Même si j'ai eu maille à partir avec mon identité de fille de la famille, durant quelque temps, par la suite. Je ne sais pas trop combien de temps en fait, mais je me rappelle comme si c'était hier avoir rêvé plusieurs fois qu'un monsieur particulièrement repoussant venait me chercher et que mes parents me donnaient à lui en m'expliquant qu'ils n'avaient de place que pour une seule fille dans leurs vies. Il me semble avoir demandé à maman quelle était ma place désormais dans la famille et qu'elle m'avait expliqué, très gravement, que j'avais été son premier enfant et que je garderais cette place toute ma vie dans son cœur, que l'amour d'une mère, ne se divisait pas, mais se multipliait pour accueillir tous ses enfants.

Nous avons grandi jusqu'à devenirs adultes tour à tour. J'ai cru toute mon enfance et mon adolescence que j'aurais une ribambelle d'enfants à un très jeune âge parce que j'ai toujours adoré les bébés. Mais ce n'était pas ce que l'existence avant dans sa manche pour moi, faut croire. J'ai eu un deuil à faire et je l'ai longuement pleuré dans le silence de mon cœur.

Aujourd'hui, c'est ma sœur qui porte en elle, la vie. Elle a déjà la démarche chaloupée des femmes arborant ce ventre grouillant de vie qui les précéde. Nous lui avons fait une fête de maternité hier et elle a été très émue de voir tous les gens qui se sont déplacés pour la féliciter d'entreprendre cette nouvelle étape dans la vie.

C'est aujourd'hui une bien belle jeune femme qui s'est choisi un très bon compagnon de vie. Et je leur souhaite tout le bonheur du monde dans ce qui s'annonce pour eux.

Je sais qu'ils ont tout ce qu'il faut pour réussir.

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mercredi, août 26, 2015

Une histoire de bois mort

J'ai un malaise avec le port du voile pour des questions religieuses. Pas que je ne respecte pas la foi de quiconque, c'est juste que je ne comprends pas bien la fixation que les hommes, particulièrement les religieux, ont avec les cheveux des femmes.

Dans une autre vie, j'étais historienne. Enfin, je demeure historienne, ce n'est juste pas en cette qualité que je gagne ma vie. Avant de sombrer dans le pays des zombie, j'ai entrepris de faire un mémoire de maîtrise et mon sujet était la confession sexuée au Québec durant le XIXe siècle. À l'époque, j'avais été sidérée par le discours des prêtres (dans des échanges épistolaires, encycliques et autres sources du même genre auxquelles je m'abreuvais) sur l'aspect éminemment sexuel qu'ils accordaient aux chevelures féminines. Ça me faisait bien rire parce que, dans ma candeur innocente, je croyais que cette époque était complètement révolue.

Aujourd'hui, je dois me rendre à l'évidence cette lutte n'est pas gagnée d'avance. Tous les jours, je croise des femmes portant des voiles qui couvrent au mieux simplement leurs cheveux, au pire le corps en entier. La question qui me vient toujours à l'esprit c'est « pourquoi? » Je connais les réponses édictées par les religions, ce qui me tarabuste c'est à savoir en quoi les les cheveux féminins sont à ce point attrayants aux yeux des hommes pour qu'il faille à ce point les cacher afin de préserver ce petit quelque chose qui m'échappe entièrement.

Parce que soyons honnêtes, ou prosaïques, cette chose qui fascine tant est un amoncellement de cellules mortes. D'accord, d'accord, toutes les chevelures ne sont pas identiques. Certaines sont claires, d'autres foncées, ou encore quelque part entre les deux. Il y en a des drues, des lisses, des touffues, des clairsemées, des frisées, des droites comme le jour du jugement dernier. On s'entend, elles sont aussi diversifiées que femme se peut.

Si dans certaines religions la chevelure est évidemment entrée dans la sphère du privé, on peut tout de même affirmer que dans toutes les sociétés cette ornementation fait partie du charme généralement prisé par les hommes qui sont séduits par les femmes. Qui ne connaît pas un gars qui a un jour été déconfit devant la nouvelle coupe, un peu trop courte à son goût, que son amoureuse lui aura présenté? Qui ne connaît pas un gars qui claironne qu'il préfère les filles aux cheveux longs? Personnellement, j'en connais plusieurs, dans les deux catégories.

Mais ça demeure du bois mort. Comme les ongles.

Heureusement qu'il n'y a pas autant de fascination pour les ongles d'ailleurs, parce si on devais avoir les mains liées au même titre que le cheveux dissimulés, on serait fémininement fichtrement mal prises...

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dimanche, août 23, 2015

La solitude et moi

Lors de ma première vraie séparation, j'étais encore très jeune et bien entendue, j'étais convaincue qu'il n'y avait plus aucun espoir pour moi. Je suis une romantique finie et j'avais rêvé toute mon adolescence d'un seul grand amour qui durerait ma vie entière. Quand la réalité m'a rattrapée, me suis largement complu dans mon drame. Ça me donnait une certaine importance à mes propres yeux. Et j'avais beau rôle; j'étais celle qu'on avait quittée, je pouvais donc bénéficier d'oreilles attentives et d'une certaine compassion.

M'enfin, jusqu'à un certain point. Il a bien fallut que je m'en remette ne serait-ce que pour continuer à avoir une vie sociale, parce que, soyons honnêtes, une fille qui ne fait que se plaindre qu'elle s'est fait abandonner sans changer de registre ni de chanson, a de bonnes chances de tomber sur les nerfs de tous ceux qui l'entourent. En fait, ce que je trouvais le pire, à l'époque, était d'habiter toute seule dans le grand appartement que nous avions loué à deux. Je n'étais pas du tout habituée à une telle solitude. En tant qu'aînée de famille nombreuse j'avais plutôt coutume d'être largement entourée, en tout temps.

Oh, j'avais bien passé quelques fins de semaines, seule dans la maison d'Ahuntsic, mais je connaissais tous les voisins et m'y sentais particulièrement en sécurité, même si j'ai souvenance d'une nuit de frousse causée par le chat de ma sœur qui s'était mis à marcher sur les touches du piano à des heures indues. Mais une fois la cause du vacarme localisé, je m'étais rendormie sans trop de peine, avec en poche, une anecdote savoureuse à raconter.

Sauf que lorsque j'habitais l'appartement sus-mentionné, les voisins m'étaient étrangers et la ville aussi, largement, puisque je n'y habitais que depuis quelques mois, un an peut-être. Et il y avait devant chez-moi une maison de chambre généralement sans histoire, mais pas tout le temps. Un soir, assez tard, un des locataire a pris sur lui de lancer le mobilier de sa chambre par sa fenêtre en écoutant du AC/DC à pleine tête. Dire que j'avais peur tient de l'euphémisme. Je me rappelle encore, comme si c'était hier, de la boule d'angoisse qui m'habitait. Malgré la chaleur, j'avais fermé à double tours portes et fenêtres et je m'étais lovée dans le noir à un poste d'observation où je pouvais suivre le déroulement des événements sans être vue. Les policiers étaient arrivés bien rapidement et avaient promptement calmé le jeu, emmenant avec eux le locataire bruyant. J'avais bien mal dormi au cours des jours suivants et je m'étais empressée de me trouver une colocataire et un autre appartement.

Il y a donc bien longtemps que je sais que je suis une bête bien grégaire. J'ai essayé, plus tard, d'habiter seule, et j'en étais profondément malheureuse. Pas tant parce que j'ai besoin d'être entertainée à toute heure du jour, mais je dors toujours mieux lorsque je sens une présence humaine dans mon environnement. Je choisi donc rarement de faire quelque chose qui m'obligera à ce type d'isolement.

Sauf que je n'y échapperai pas d'ici quelques jours. Parce que, je pars à Cuba, toute seule. J'ai une trouille de tous les noms à cette seule idée. Je dois prendre plusieurs grandes respirations par jour, pour me calmer les nefs et me dire que plein de filles ont très bien survécu à ce genre d'expérience. Mais rien n'y fait, j'ai peur.

De quoi? Je ne sais pas trop, c'est assez confus. Il est trop tard pour que je recule, le voyage est payé depuis longtemps déjà.

J'essaie très fort de me dire que je ne peux qu'en revenir grandie, mais en attendant, j'ai le sentiment de dormir toute les nuits avec ma peur et de ne pas me reposer tant que ça.

Comme si ce voyage à Cuba était mon Everest à moi.

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mercredi, août 19, 2015

Le problème avec ma mémoire

Le problème quand on a une mémoire comme la mienne, c'est qu'on se rappelle de tout. Même des choses qu'on aimerait ignorer. En fait surtout des choses qu'on aurait aimer oublier, du moins, lorsque c'est clairement à notre désavantage.

J'ai une collection de souvenirs cuisants en mémoire. Le genre de chose dont je me serais bien passée. Le genre de truc que l'on ne raconte pas, parce que la vedette c'est soi et que ça ne nous met pas vraiment en valeur. Nous avons tous, je crois, ce genre de souvenirs, mais je ne sais pas jusqu'à quel point la mémoire d'autrui se rend.

Cette souvenance de tout, des détails de d'événements largement ancrés dans le passé, j'ai longtemps cru que tout le monde l'avait. Et pendant très longtemps, je fuyais toute personne ayant, un jour, appartenu à mon passé parce que j'étais convaincue que les seules images qu'ils pouvaient garder de moi était ces moments embarrassants pour moi. Même si je ne me portais qu'une attention distraite aux maladresses des autres. Comme si, je donnais le droit à tout de monde, sauf à moi de faire des erreurs, ou d'être juste un peu plate.

Il y a un moment, même, ou j'ai prétendu ne pas être moi, Ça c'est passé il y a longtemps, j'étais encore à l'école primaire et la scène se déroulait dans une bibliothèque municipale. J'ai refusé de reconnaître qui j'étais devant un garçon avec lequel j'avais fait ma maternelle et ma première année, je crois. Aujourd'hui, je ne sais plus trop exactement je ne voulais pas lui parler, sinon que je me souviens de m’être méchamment moquée d’une chemise qu'il affectionnait particulièrement. Je m'étais en quelque sorte convaincue que s'il voulait me parler, c'était pour me faire le reproche de ma méchanceté antérieure. Il m'apparaissait impensable que qui que ce soit puisse garder de bons souvenirs de moi.

Quand j'ai débuté ce blogue, je ne savais pas que je plongerais régulièrement dans mon passé, je ne savais pas non plus que ça m'amènerait à revoir ou à reparler à diverses personnes avec lesquelles je n'ai pas eu de contact pendant plusieurs années. Il y a bien fallut que je me rende à l'évidence que de un ; je n'a pas laissé que de mauvais souvenirs dans mon sillage et de deux; peu de gens sont capables de creuser leur historique personnel aussi facilement que je puis le faire.

Mais voilà que parce que j'ai une faiblesse certaine pour la nostalgie, je me suis mise à braser mes souvenirs. Ajoutons à cela que depuis que je travaille près du secteur où j'ai grandi, le passé me rattrape, c'est souvent le cas de le dire. Surtout que je n'ai absolument pas changé de face depuis ma toute petite enfance, alors il m'arrive régulièrement de me faire demander par des gens, qui ne me disent absolument rien sur le coup, : «Est-ce que tu t'appelles Mathilde? » Et ce sont eux qui mettent les pièces du casse-tête en place, à savoir si je les ai croisé au primaire, au secondaire ou au collégial

Alors, aujourd'hui je me dis que s'il m'est parfois difficile de me dire, de me décrire et de me surpasser sur ces pages, j'aurai au moins appris que l'humanité a davantage de bons que de mauvais penchants et que peu importe à quel point on peut être désagréable quelquefois dans l'existence, il est bien rare que ce soient les seules mémoires de soi qui traverseront le temps.

Comme quoi, nous sommes collectivement beaucoup plus indulgents envers autrui qu'envers sois.

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dimanche, août 16, 2015

L'heure du conte

Quand j'étais petite, nous avions un tourne-disque Fisher Price dans la salle de jeux, au sous-sol. Celui-ci était accompagné d'une jolie collection de disques qui nous appartenait, à nous, les enfants. Quelques uns, étaient des disques de musique, mais ce n'était pas ce qui nous fascinait le plus, collectivement. Nous étions davantage des amateurs d'histoires.

J'aimais beaucoup ces livres-disques des histoires de Disney qui nous indiquaient quand tourner la page au son de la fée Clochette. Cependant, je me suis tannée du rituel, de toute manière, je connaissais les images et je préférais faire des casses-tête en écoutant l'histoire. C'était mon bruit de fond.

Je crois pouvoir affirmer, que mes frères appréciaient ce bruitage également. L'un en faisant des légos, l'autre en écoutant toutes oreilles dehors, ou encore en dessinant. On connaissait des grands pans de ces disques par cœur. Francis, en particulier. Je ne serais pas du tout surprise qu'il soit encore capable de nous en citer des extraits sans faute. Il avait un penchant certain pour un disque de Fanfreluche et un de Nic et Pic. Comme il les a écouté! Repoussant l'aiguille des dizaines de fois pour réentendre certains passages qu'il trouvait plus drôles que les autres.

Et un jour, nous avons eu les disques Les quatre saisons de Piquot et Des nouvelles D'Éva. Révélation. Trois enfants d'âges tout à fait divers, également fascinés par les contes et surtout le conteur. Il y avait quelque chose dans la manière don Gilles Vigneault posait sa voix et les exclamations qui était tellement justes que nous de pouvions faire autrement que de croire à l'histoire. Et malgré le fait que les aventures se déroulaient ailleurs que dans notre rue, nous nous sentions près des héros. Ce n'étaient pas des personnages fantastiques, toutes leurs aventures se pouvaient et s'il y avait toujours une fin heureuse, les mésaventures elles ressemblaient beaucoup à ce que nous connaissions de la vie.

Je crois que j'ai commencé ma carrière d'auteur en écoutant ces disques-là. Pas tant que j'écrivais déjà à l'époque, à six ans, j'étais sans doute un peu jeune pour me lancer dans l'écriture. Mais il est clair que l'envie de raconter des histoire est née de là. Parce qu'il s'agissait de petites histoires forts simples écrites et racontées à hauteur d'enfant sans pour autant les prendre pour des idiots. Et je savais bien que moi aussi je pouvais me raconter s'il y avait quelqu'un pour m'écouter. Mes poupées en ont fait les frais, ma sœur aussi, pauvre enfant!

J'ai découvert, beaucoup plus tard, que monsieur Vigneault n'était pas qu'un conteur et qu'il avait toute une œuvre musicale en plus. Adolescente, je me suis fait un point d'honneur d'écouter, au moins une fois, toutes les chansons qu'il avait fait. Et je me suis rendue à l'évidence qu'en conte ou en chanson, il racontait toujours des histoires. Et que c'est ce que j'aimais par dessus tout.

Encore aujourd'hui, je m'aperçois que mes coups de cœur musicaux sont avant tout liées aux textes que les musiques portent. Comme si les mots étaient pour moi une musique plus forte que la mélodie.

Alors je vais continuer à courir après la mienne, la phrase ou l'histoire parfaite qu'un jour, peut-être, j'écrirai, celle qui me fera penser, que je suis peut-être un peu musicienne, malgré tout.

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mercredi, août 12, 2015

Mourir d'amour

Quand ce beau grand gars-là t'a fait de l’œil, le premier soir, t'arrivais presque pas à y croire. Après tout, tu ne te vois que comme une fille ben ordinaire, avec un sens de l'humour un peu piquant pis un cœur gros comme l'univers, sauf que tu n'as rien des filles de magazines. Tu ne fais certainement pas six pieds et t'as des courbes juste assez prononcées pour te donner l'air vivante.

Il y a bien fallut que tu y croies, pourtant à son amour, il te le montre tous les jours. Pas tellement parce qu'il te dit qu'il t'aime, mais il se fâche si fort quand un autre gars te regarde, ou encore pire, te parle. Tu te dis que ce sont des preuves solides du sentiment. D'abord, on mesure ça comment l'amour? Juste des mots, ce n'est certainement pas suffisant. Ce n'est pas tangible; ça ne fait pas de toi une incomparable. Comme n'importe qui, tu as envie d'être l'Unique, et de le ressentir. Peu t'importe qu'il soit parfois un peu soupe-au-lait ou passablement contrôlant, il te semble qu'au moins il te prouve ton importance.

Ce n'est pas comme ces mecs que certaines de tes connaissances fréquentent. Tu les trouves étranges parce qu'ils se foutent bien de savoir que leur amoureuse sorte sans eux. Ils sont même plutôt contents d'avoir une soirée, seuls à la maison, avec ou sans enfants, pour passer à travers un jeu vidéo ou un livre. Ces filles-là, elles ne doivent pas avoir besoin d'absolu comme toi, parce que franchement tu ne comprends pas comment on peut parler d'amour dans ce genre de relation-là.

C'est sûr que les cris, les crises, les colères et même les coups (parfois), c'est un peu lourd. Mais il t'a promis d'arrêter. Ça, pis l'alcool, pis la drogue aussi. Parce que depuis que t'as un haricot qui pousse dans ton bedon, ben, il t'a dit qu'il serait moins inquiet, qu'il saurait que tu ne le quitteras pas. Il t'as dit qu'il serait responsable et qu'il se trouverait un travail convenable au lieu de faire des runs ou des petites jobs qui ne tiennent pas longtemps. Et tu le crois, parce que ton amour a déjà eu une énorme influence, alors l'amour de deux personnes, c'est marqué dans le ciel que ça va l'attendrir juste assez pour le calmer.

Après la naissance, tu verras, tout reste pareil. Ou pire. Un bébé, ça ne répare pas les couples. Ça pleure, ça raccourcit les nuits, ça a un million d’exigences qu'on ne comprend pas vraiment parce que ça ne parle pas immédiatement. Ça finit par épuiser même les meilleurs parents. Ça ne veut surtout pas dire de ne pas en avoir, simplement, pour sauver un couple, ce n'est pas la solution.

Le problème, c'est qu'un jour, tu ne te réveilleras pas. Parce que la colère de la veille aura été juste un peu plus violente que d'habitude, que l'amour aura assené des coups que tu n'auras pas pu supporter, physiquement.

Et ton amour s'écrapoutira sur les rives de la vie de ceux à qui tu espérais la donner.

Et tu réaliseras, juste avant la fin, que mourir d'amour, ce n'est pas si romantique que ça, finalement.

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dimanche, août 09, 2015

Poupée fanée

C'était une toute jeune femme, blonde pâle aux immenses yeux bleus. Elle portait une robe soleil fushia qui faisait ressortir les prunelles de son regard. Je la voyais, de loin ravaler sa peine de son mieux. Je n'en connaissais pas la cause, la femme m'était étrangère, sauf qu'elle était visiblement bouleversée, et tentait vaille que vaille d'aller de son point A à son point B.

Entre deux stations, ses épaules s'affaissaient et son corps se secouait de sanglots. Comme si toutes les larmes de la terre convergeaient vers elle pour se déverser à travers la douleur qu'elle portait. À toutes les fois où le wagon ralentissait, elle se reprenait, prenait son air le plus brave, esquissait ce genre de sourire qui n'en ai pas vraiment un, pour ne pas se faire trop remarquer; du moins, c'est ce que j'imaginais. Mais l'affaire était entendue, tous les nouveaux passagers, ne pouvaient faire autrement que la remarquer, ne serait-ce que parce que la rougeur bouffie de ses yeux rendait son regard encore plus remarquable.

Un moment donné, une petite famille à rejoint notre convoi.  Un papa, deux fillettes, assez sages qui faisaient entre elles des jeux de mains, et un petit garçon d'environ 4 ans. Il s'est assis à côté de moi rejoignant ainsi mon poste d'observation bien involontaire de la jolie poupée, fanée par ses pleurs. Au bout d'environ deux minutes, de sa voix claire et précise, il a demandé à son papa qui était de l'autre côté de l'allée : « Pourquoi elle pleure la belle madame papa? ». Moment gênant pour ledit papa qui s'est approché de son fils pour lui répondre qu'il ne le savait pas et que ce n'était pas poli de questionner ses larmes ainsi, qu'il ne fallait pas regarder la jolie dame comme ça et plutôt la laisser tranquille.

Le garçonnet n'avait pas l'air convaincu. Même après que le papa l'eût changé de place afin d'éviter que la pleureuse soit directement dans le champs de vison de l'enfant, celui-ci se tordait sur son siège pour regarder dans la direction désirée. Ny tenant plus, il a dit à son père : « Mais moi, tu sais, j'aime ça quand tu me consoles parce que j'ai de la peine ». Et le papa d'expliquer qu'il ne pouvait pas consoler la femme parce qu'il ne la connaissait pas. Je trouvais l'enfant particulièrement mignon et remarquais au passage que l'objet de son attention était tellement prise par sa volonté de ne pas complètement s'écrouler qu'elle ne s'apercevait même pas de la fascination qu'elle avait causée à son jeune public.

Un peu avant Sherbrooke, la famille s'est levée et le papa tenait fermement la menotte de son fils. Mais voilà qu'ils attendaient l'ouverture des portes juste à côté de la pleureuse. N'y tenant plus le garçonnet a attrapé la main qu'il pouvait atteindre et a posé dessus un gros baisé mouillé en lui affirmant : « C'est pour te consoler ».

Le papa a jeté à la jeune femme un regarde maladroit, mais moi je l'ai vue sourire pour de vrai pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans le wagon. De ce genre de sourire qui vient du cœur et qui vous reste longtemps collé à l'âme.

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mercredi, août 05, 2015

Jean Alexandre?

Dans les voitures qui nous amenaient aux Iles-de-la-Madeleine, le conflit existait déjà. Les ados avaient envie d'écouter la radio commerciale et les les parents, pas du tout. Évidemment, les enfants n'avaient pas de voix au chapitre. Je crois que je mêle plusieurs étés dans mes souvenirs, mais il me semble que ce qui nous accrochait, ou qui accrochait les filles du groupe, était Flash de Stéphanie de Monaco tandis que les parents étaient devenus collectivement, des adeptes de Paolo Conte. Il y avait comme un fossé entre nos goûts. On a fini par s'entendre sur l'album d'un nouveau venu, qui s'appelait Jean Leloup.

L'album Menteur a tellement tourné dans notre petit cercle cet été-là que je connais encore toutes les chansons par cœur (même si je suis toujours aussi incapable de suivre le rythme de printemps-été). Je me souviens de soirées passées à jouer aux cartes, entre ados, pendant que les parents étaient ailleurs, ou peut-être là, mais complètement inintéressants à nos yeux, durant lesquelles on mettait la cassette en bruit de fond, avec les retournements obligatoires qu'imposaient ce genre d'écoute, à l'époque.Je suis revenue à Montréal, sans l'album puisqu'il appartenait à une autre famille de la mienne, mais sans le détester non plus.

J'ai rapidement compris, après coup, que les fans dudit Jean Leloup, sont généralement finis. J'ai assez bien vécu la cohabitation durant mes années collégiales, mais j'ai frappé mon mur à l'université. Dans le local des étudiants en histoire, il y avait ce mec qui le squattait pratiquement. Du haut de son ancienneté dans les lieux, il s'était arrogé le droit de nous imposer la musique de l'endroit. Et ses choix se portaient irrémédiablement vers Leloup. Pendant les cinq années durant lesquelles j'ai fréquenté ce local, il me semble que seul Jean Leloup avait droit de cité. Assez pour que je développe une quasi allergie à cet effet.

Je suis incapable d'écouter les albums post 1996, Le Dôme, en premier lieu. Je reconnais le talent de l'artiste, je reconnais sa pérennité dans le paysage québécois, sauf que tous mes poils se hérissent lorsque j'entends sa voix. Rien à faire. Et il est très prisé à la radio de la librairie dans laquelle je travaille. Je dois donc l'endurer souvent, surtout quant un nouvel opus nous est offert.

Ce qui fait que ça fait presque vingt ans que je promène ma mauvaise foi concernant ce chanteur en particulier. Et des mauvaises foi, j'en ai des tonnes.

Lundi, j'essayais de tuer le temps entre deux orages ( j'haïs les orages) et je me suis mise à faire du ménage. Je n'avais pas de liste de lecture inspirante alors je me suis rabattue sur la radio qui jouait une émission que je n'aime pas particulièrement. Mais bon, un bruit de fond est un bruit de fond quand on lave une salle de bain. Bref...

L'invité de ladite émission était Alexandre Désilets, celui qui m'a fait recommencer à écrire l'automne dernier. Celui don la voix me charme et m'interpelle. Celui dont je parle trop souvent. Et il a eu l'idée saugrenue d'interpréter une chanson de Jean Leloup, parce qu'on lui avait commander une chanson qui représentait l'été, pour lui.

Il ne pouvait pas y avoir plus grande dichotomie, pour moi.

L'un dans l'autre, c'était bon.

Depuis ma foi ne sait plus trop où donner de la tête... et moi non plus.

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samedi, août 01, 2015

Appelons cela synchronicité

J'ai un aveu à faire : lorsque j'ai écrit, mercredi, que la canicule me mettait le cerveau en compote, j'ai fait un gros mensonge, par omission.

Depuis le mois de juin, je tente de comprendre et d'explorer le pourquoi du comment je pique des crises de colères. Forcément, je me plonge dans des zones d'ombres qui me font plus de mal que de bien, pour le moment. Ça me donne l'impression d'être une enfant qui se trempe les mains dans la terre meuble d'un sous-bois pour observer la vie grouillante qui se cache des regards non-avertis. Il y a quelque chose d'à la fois fascinant et dégoûtant dans cette plongée dans mes propres abysses.

Toujours est-il que j'ai entrepris, la fin de semaine dernière, de faire l'historique de mes ires et des paniques qui y sont associées, selon moi. Je l'ai fait pour moi, pour éviter de retourner dans ces zones inconfortables et dérangeantes pour moi comme pour ceux qui m'entourent. Je suis passée à travers l'exercice en un seul morceau, assez fière de ne pas me sentir trop atteinte. Je pouvais dire que j'allais bien, après coup.

Sans fausse humilité, je peux me targuer d'être assez douée pour les historiques; je suis historienne. Pas tant ramasseuse de paperasserie, si on omet mes écrits, mais justement, ils étaient fort utiles pour documenter mon vécu. J'étais ma propre source, de première main, avec toute la candeur que j'ai pu mettre dans les commentaires et les observations que j'ai soigneusement noté un peu partout depuis que j'ai huit ans. Ça m'a permis de constater que quoique ma mémoire soit bonne, elle n'est pas infaillible, loin s'en faut. Elle se biaise, avec le temps. Plus un événement me meurtrie, moins je vais m'en souvenir fidèlement. Je romance mes souvenirs à mon insu. Pas mal non?

N'importe quoi. Mon corps s'est rappelé à mon bon souvenir illico. J'ai eu le dos barré pendant quatre jours. Quand même respirer est douloureux, la vie devient passablement plus difficile. Ajoutons à cela la première canicule de l'été, il n'y avait rien dans cette recette pour me permettre des nuits réparatrices : j'ai passé ces heures à moitié dans mon lit, à moitié sur le divan, à dormir par à-coups et à arriver au travail parée de cernes et de lividité conséquents au manque de sommeil. Ce qui a, évidemment, une incidence sur ma patience.

Après la première nuit, je suis allée passée la journée à la piscine. Pur bonheur. D'ordinaire, une baignade suffit à relaxer tous mes muscles. Cette fois-là, l'opération a lamentablement échouée, malgré la plus que chouette compagnie. Le stress n'était pas tant musculaire et que psychologique. J'ai donc dû absorber une quantité certaine de relaxants musculaires pour passer à travers mes journées et comme je déteste prendre des pilules, elles ont un effet présent sur le fonctionnement de ma pensée. Alors, la vase dans laquelle mon cerveau a évolué dans les derniers jours était à la fois caniculaire et chimique...

Parallèlement, j'ai une bonne amie à qui je n'ai même pas raconté que j'avais passé une semaine fort difficile, dans mon corps à cause de ma tête. Par contre, elle savait à quel exercice je comptais me livrer. Comme par magie, j'ai reçu une invitation à aller passer la journée de demain dans un spa. Traitement presque complet. Quand j'en lis la description, ces soins sont tous fait pour relaxer à la fois mon corps et mon esprit.

Il n'y a rien qui arrive pour rien dans la vie, cette journée de spa, ça fait depuis Noël dernier que je sais qu'elle m'est réservée, sauf que la fois où on m'a proposé une date, est vraiment le moment où j'en ai besoin.

Appelons cela de la synchronicité...

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