Enfin! Enfin la vie, du
moins la mienne, devient franchement intéressante. J'ai franchi
plusieurs étapes importantes dans les derniers temps, importantes
pour moi. D'abord, je suis capable de m'asseoir. Oh comme j'aime ça!
J'étais pas mal tannée de toujours être couchée sur le ventre ou
sur le dos si je n'étais pas dans une coquille dans les bras de
quelqu'un. Pas que je chialais tant à cause de cela, mais ça me
fatiguait. Il me semblait que j'avais un millier de choses à
découvrir et que couchée, ce n'était pas la meilleure manière d'y
arriver.
Ensuite, j'ai une dent.
Le perçage n'a pas été agréable et celle qui tente de faire son
chemin est aussi agaçante. Mais le résultat est fantastique. Je
peux manger! Imaginez, faire comme tout le monde et surtout faire
comme Zazou. Parce que moi, je veux faire tout ce que Zazou fait le
plus vite possible. Marcher et parler en premier lieu. Sauf que je
dois, semblerait-il, passer certaines étapes avant d'en arriver-là.
N'empêche que je vais m'appliquer très fort à lui ressembler.
En attendant, je peux
manger toute seule. Et désormais, je refuse que mes parents me
nourrissent. En tout cas, je les laisse faire le moins possible.
J'exige d'avoir ma propre cuiller même si je ne suis pas tout à
fait douée pour mettre la nourriture dans ma bouche. Mettons que je
ne beurre le visage pus qu'autre chose. J'attrape les bouchées que
me tendent mes parents, parce qu'il faut bien qu'une fille se
nourrisse, sauf que je ne l'accepte pas de gaieté de cœur.
Cependant, l'autre matin, Maman avait fait des bonnes crêpes aux
bleuets. Zazou les aime beaucoup, alors bien entendu, moi aussi. J'ai
dévoré ma portion comme une championne, sans aide. Là, j'étais
fière de moi. Je pense que je serai une jeune personne très
indépendante et autonome.
Pendant que Zazou est à
la garderie, je m'entraîne à lui ressembler. Je lis des livres,
comme lui, je joue avec ses jouets et je m'occupe à grandir afin de
l'impressionner quand il reviendra à la maison. La plupart du temps,
il ne remarque pas tous les efforts que j'ai fait durant son absence,
mais ça ne l'empêche pas de me couvrir de bisous doux, de me
parler, de me montrer comment on joue avec ceci ou cela, alors j'ai
bon espoir d'arriver à atteindre mes objectifs d'ici peu.
En fait, je crois que je
suis une petite demoiselle bien pressée. Tellement que j'ai
continuellement les cheveux dans le vent. Comme s'ils étaient
perpétuellement ébouriffés par toutes mes activités. On pourrait
dire que j'ai un petit airde joli épouvantail de dessins animés, mais
Tatie croit que ça me fait ressembler à Reggedy Ann, une petite
poupée de tissus que je ne connais pas encore.
Tout ça pour dire que je
suis bien contente d'avoir enfin pu adopter un nouveau point de vue
sur l'existence. Mon prochain objectif est de me déplacer à quatre
patte le plus vite que je pourrai. Je me donne quelques semaines pour
y arriver.
Les sapins de Noël
n'auront qu'à bien se tenir.
Libellés : L'enfance de l'art