À ma sortie du travail
hier, il pleuvait. C'était dru, froid et il y avait des piscines en
bordures des trottoirs. Je ne fais jamais cela, mais j'avais demandé
un lift à une employée jusqu'au métro histoire de ne pas faire la
ligne orange complètement détrempée. Grand bien m'en fit, pour le
temps précieux que j'ai gagné.
Je suis arrivée au métro
Papineau vers 22h05 et me suis engouffrée à l'épicerie du coin,
histoire d'aller me chercher le lait nécessaire à mon café
matinal. Je revenais vers les caisses quand tout s'est éteint.
Pendant une dizaine de seconde, j'étais figée dans le noir le plus
complet, avant que les génératrices ne prennent le relais. C'est
très court, dix secondes ans une vie, sauf que ça m'a parut
fichtrement long avant que ne s'allument ces espèces de phares qui
m'indiquaient où se trouvaient les abords du magasin. Je suis passée
à la caisse avant de franchir la porte pour me précipiter dans une
noirceur intense.
Je voyais, à l'ouest,
des lumières si lointaines qu'elles étaient floues. Dans toutes les
autres directions, c'était le néant. La station de métro était
bien entendu illuminée, cependant je l'ai rapidement laissée
derrière moi pour me rendre à la maison. Et j'avais peur. Pas de me
faire attaquer, la température horrible étant garante de cette
forme de sécurité. J'avais peur parce que j'ai peur des pannes
d'électricité en partant, mais surtout parce que je devais
traverser les voies d'accès du pont Jacques-Cartier pour me arriver
à bon port. J'avais froid et je ne voyais pas où je mettais les
pieds. Bien entendu, j'ai dû les mettre dans tous les nids de poule
que j'ai croisé.
Arrivée à la première
traverse, j'ai vite constaté que le trafic n'était pas trop intense
et que j'avais largement le temps de passer de l'autre côté de la
voie. Mais à la seconde, celle de la rue Papineau direction sud, les
voitures étaient nombreuses et allaient très vite dans les
circonstances. Heureusement, j'étais du bon côté de la voie, celui
où on les voit arriver justement. Dans l'autre sens, il y a un
édifice qui coupe complètement la vue sur la rue Papineau ce qui
rend quasi impossible la traversée lorsque les feux pour piétons ne
sont pas enclenchés.
J'ai traversé
rapidement, dès que j'ai eu une fenêtre pour le faire, sans courir,
parce que je ne voulais pas prendre le risque de glisser et de me
faire écrapoutir au passage. J'ai retenu un cri de mort en mettant
le pied sur le trottoir opposé parce qu'il y avait là un homme que
je n'avais absolument pas vu avant d'être presque sur lui. J'ai
poursuivi ma route et ça m'a pris un temps fou à réussir à entrer
ma clef dans la serrure ; je ne la voyais pas. J'aurais bien pu
sortir mon téléphone pour m'éclairer, mais avec la pluie
diluvienne, je n'étais pas certaine que ce soit une très bonne
idée.
Je me suis illico changé,
j'ai cherché une chandelle et me suis résolue lire pour éviter de
penser à la panne. Je ne me suis pas mise en colère, je n'ai pas
paniqué, mais je n'aimais pas ça du tout. Je n'aime jamais ça.
Et puis, je me suis dit
que ma situation aurait pu être bien pire ; si j'avais pris
l'autobus, comme d'habitude, l'électricité aurait manqué alors que
j'étais à Berri. Et faire tout ce chemin à pieds, dans le noir,
dans des rues que je connais pas mal moins par cœur, eut été une
épreuve dont j'étais bien contente de m'être passée. Cette
heureuse supposition a, par ailleurs, contribué à me calmer les
nerfs.
J'ai tout de même poussé
un soupir de soulagement quand l'électricité est revenue.
Permettant à mon corps de se relaxer assez pour que je puisse aller
me coucher.
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