jeudi, mars 29, 2018

Semer des lecteurs

D'ordinaire, le magasin se vide vers 17 heures, malgré le fait que celui-ci ferme ses portes à 21 heures tous les soirs. Pour une raison qui nous échappait, ce soir-là la boutique était pleine de gens qui non seulement bouquinaient, mais en plus demandaient de l'aide avant même qu'on ai pu les saluer. C'est dire.

J'aurais dû être au moment de ramasser mes cliques et mes claques pour rentrer à la maison quand une jeune femme aux immenses yeux interrogateurs s'est approchée d'une employée qui elle aussi avait terminé pour lui demander conseil sur des livres qui ne l'intéressent généralement que peu. Elle m'avait lancé un regard en biais et j'avais volé à son secours, après tout, c'est davantage à moi qu'à elle de prendre sur moi pour faire du temps supplémentaire en cas de besoin. Et puis, j'aime faire du service à la clientèle.

En quelques traits, la femme m'a dit ce qu'elle cherchait en prenant bien soin de me faire part de ce qu'elle ne voulait surtout pas. En gros, je devais à tout prix éviter de lui présenter des livres de croissance personnelle ou des romans à l'action lente. Et surtout, surtout pas de roman policier s'il-vous-plaît-merci.

Personnellement, un roman policier ne me déplaît pas de temps à autres, mais je peux comprendre que quelqu'un n'aime pas ce genre. J'avais fini par comprendre que la jeune femme en question avait adoré beaucoup de romans d'aventure jeunesse et quelques romans coup de poing avec des personnages dérangés et perturbants comme Marie Laberge a pu en produire à de nombreuses reprises.

J'étais en terrain de connaissance. Beaucoup de ce que j'aime lire ressemble à ce qu'elle me demandait. Je lui ai donc fait une série de suggestions pensant que je pourrais retourner à mes affaires, soit à ma soirée à la maison, quand elle m'a retenue par le poignet en me disant : « Non, reste! J'ai besoin de d'autres suggestions parce que je ne trouve jamais personne pour m'aider à trouver des bons livres et quand je me fie à ce que je lis sur les couvertures, je me trompe tout le temps et je suis déçue ».

Alors, je suis restée. Et j'ai raconté des livres jusqu'à en avoir la gorge sèche. Elle est partie avec une dizaine de livres sous le bras. Je ne sais pas si l'un d'entre eux lui plaira vraiment, mais j'espère avoir fait quelques bon choix. Et peu m'importe d'avoir rogné sur mon temps personnel pour l'aider à trouver des histoires dans lesquelles s'empêtrer confortablement. L'essentiel c'est de continuer à semer autour des moi des gens qui lisent.

Libellés :

dimanche, mars 25, 2018

Une journée en amitié

Je me suis réveillée par un matin radieux de printemps. Il était beaucoup trop tôt pour émerger de mon lit par un jour de congé, mais je n'avais plus sommeil. J'avais donc choisi l'entre-deux de la lecture dans rayon lumineux bien enfouie sous ma couette. J'avais rendez-vous pour le brunch, mais je prenais plaisir à rester lovée dans mon écrin comme pour arracher quelques heures au repos.

Nous allions visiter son prochain appartement, celui où elle s'installera sous peu. Celui-ci se situe dans un quartier que je croyais ne pas connaître du tout puisqu'il est situé à des kilomètres de ceux que j'ai habité, mais je me suis rapidement rendue à l'évidence que j'y avais été il y a très, très longtemps, à l'époque où je ne comprenais pas encore tout à fait ce qu'était un quartier, même si j'en habitais un.

Bref, mon amie et moi nous sommes rendues à l'extrême sud-ouest de la ville. Après avoir visité l'appartement, nous avons entrepris d'arpenter les rues que nous ne connaissions pas comme si nous étions en voyage dans une nouvelle ville. La température était idéale, les gens que l'on croisait souriants, les enfants jouaient à courir quelques mètres devant leurs parents, comme pour mesurer jusqu'à quels degrés ils pouvaient étendre leur liberté. C'est ainsi que nous sommes retrouvées assise dans un petit resto à déjeuners qui n'appartient à aucune chaîne et dont la décoration festive nous faisait chaud au cœur.

Nous en étions ressorties en nous disant que mon amie s'éloignait sans doute aucun des lieux qu'elle habitait depuis des années, mais qu'elle s'était trouvé là, un très chouette quartier où vivre cette nouvelle époque de son existence.

En soirée, j'avais un souper de prévue avec une femme chère à mon cœur que je n'avais pas vu depuis près d'un an. En la voyant, mon cœur avait un saut de joie dans ma poitrine et je m'étais dit que négliger de telles amies, quelles que soient les raisons que je me donne, c'est vraiment nono et que c'est moi qui y perds au change au passage.

Cette rencontre avait lieu au nord de Montréal, près de l'endroit où je voudrais habiter l'été prochain. Dans un quartier et sur une rue que je connais comme le fond de ma poche, même si beaucoup de choses ont changées depuis que j'ai cessé d'y habiter. Il y a un je-ne-sais quoi de rassurant à me promener dans cet endroit nettement plus paisible que l'endroit où je vis actuellement. Je sais que c'est psychologique, mais toutes les distances me semblent courtes, comme si ma connaissance intime des jalons que je parcoure en rapetissait l'envergure.

J'avais donc passé la journée à voyager d'une amie à l'autre, d'un bout de la ville à son extrémité. L'un dans l'autre, je m'étais lovée dans la chaleur humaine des discussions sans entraves et sans faux semblants.

C'est une journée de printemps, une journée en amitié, une journée à répéter le plus souvent possible.

Libellés :

jeudi, mars 22, 2018

Faire des croquis

Ces temps derniers, il me semble qu'il y a trop d'idées dans ma tête pour que je puisse y voir clair. J'ai un paquet de priorités à traiter avec l'impression qu'il me manque d'attention pour arriver à le faire comme du monde. Répondre à la question « Où as-tu envie d'aller souper? » m'a laissée aussi désarçonnée que si l'on m'avais demander de me rappeler de l'adresse exacte de l'appartement où j'ai passé les deux premières années de ma vie. C'est tout dire.

Au travail, c'est pareil. Je m'éparpille et m'épivarde. Rien de très grave, mais je fais très exactement ce avec quoi je taquine impitoyablement les libraires depuis des années : je sème des piles au gré de mes passages et j'ai un mal fou à les retrouver. Et bien entendu, parce que je suis moi, j'égare mes clés plus souvent qu'à mon tour, dans des endroits verrouillés, de préférence. Je dois alors, piteusement, demander à mes collègues d'aller les récupérer pour moi. Ça les fait rire, mais moi, ça me titille l'orgueil de voir qu'un peu de stress me fait tomber dans cette ornière.

Je n'ai pas vraiment peur de déménager; je l'ai fait si souvent dans ma vie. Je me sais efficace, rapide et prête au moment voulu. N'empêche que... Quand ça fait neuf ans que tu habites le même appartement, en partir c'est une histoire bien différente que lorsque du déménageais aux quatre mois, ou peu s'en faut.

J'ai passé des heures et des heures sur l'internet à regarder des annonces en me donnant l'impression de tourner en rond. Je constate que je suis un peu en avance pour un déménagement en juillet parce que la plupart des logements que j'ai vus sont libres immédiatement ou dans très peu de temps.

Et puis je veux faire du ménage dans mes affaires avant de partir d'ici histoire de ne pas transporter inutilement des boîtes de livres que je ne relirai plus. Surtout que je dois repartir à neuf avec mon mobilier parce que celui que j'utilise, je le traîne depuis que je suis partie de chez mes parents, il y a plus de vingt ans. L'air de rien, ça ajoute au stress parce que je ne sais pas avec quoi je meublerai ce que je visite.

J'ai presque trouver quelque chose, par ailleurs. Je dis presque parce qu'il me reste à aller porter une autorisation signée de demande de références au locateur. Ce n'est pas un énorme coup de cœur, mais c'est dans les limites de mon budget et très exactement au cœur du quartier que je visais, ce qui n'est pas rien. Ce n'est pas très grand, ni particulièrement petit. L'impression que j'en ai eu, après la visite c'est que je pourrais en faire un cocon.

Depuis, je fais des croquis. Je n'ai absolument aucun talent dans le domaine, mais j'essaie d'imaginer comment je pourrais aménager l'espace et j'y vois presque quelque chose qui ressemblerait à ce que je suis comme personne.

Et je me suis assurée que le voisinage était stable et pas trop étudiant. Parce que, bien franchement, je crois avoir bu, jusqu'à la lie, les expériences de voisinage post-adolescent festif.

Souhaitez-moi bonne chance.

Libellés :

dimanche, mars 18, 2018

Comme une apparition

Selon ma bonne habitude, j'avais les écouteurs vissés dans les oreilles et j'écoutais une quelconque balado qui m'amusait. Devant moi, un couple se chamaillait parce qu'ils avaient loupé l'arrêt où ils devaient descendre ce qui semblait ulcérer la femme comme si l'erreur de repérage de l'homme était un affront personnel. Je m'efforçais donc de ne pas montrer que, malgré moi, je vivais les contre-coups de leur conflit ouvert et je me réfugiais dans mes écouteurs.

J'étais donc sortie de l'autobus avec un sourire aux lèvres et avais franchi les quelques pas qui me menaient à la porte du bar d'une démarche assurée. J'avais failli hurler quand une jeune femme était sortie de l'ombre pour m'attraper par le bras. Je ne l'avais jamais vue de ma vie tandis quelle me zieutait comme une amoureuse regarde la personne aimée qui vient la rejoindre dans une forme de surprise bienvenue. J'avais immédiatement compris qu'elle était plus que soûle et j'avais dégagé mon bras en essayant de ne pas être trop brusque tout en restant ferme.

J'avais choisi une table à l'écart de tout, là où il y avait le moins de gens possible parce que j'allais y rencontrer un ami avec qui nous aimons bien parler à cœur ouvert ce qui me poussais à éviter les endroits trop pleins d'oreilles indiscrètes, même inconnues. Comme nous ne nous étions pas donné d'heure tout à fait précise, j'étais équipée d'un roman passionnant, prête à affronter les minutes d'attentes sans m'ennuyer un seul instant.

La serveuse avait à peine déposé une bière devant moi que le groupe de la jeune fille, déménageait ses pénates aux tables qui jouxtaient celle que j'avais choisie. Elle s'était aussitôt approchée de moi en repoussant mon livre et me disant : « Ah ben là, tu ne va pas me dire que tu es venue dans un bar à minuit moins cinq pour lire un livre? » Je l'avais regardée, un peu de haut, je dois bien l'avouer. J'avais pris le temps de dégager ma montre à mon poignet pour regarder l'heure exacte avant de lui répondre : «  Oui, j'ai l'intention de lire et il est 20h18, pas minuit moins cinq ». Elle m'avait répondu en riant qu'elle le savait tandis que visiblement, elle ne s'apercevait aucunement qu'elle me mettait mal à l'aise, pas plus que ses comparses qui tiraient ma chaise vers leur table malgré mes protestations.

J'avais été plus que soulagée de voir mon ami arriver, puisqu'il me fournissait un rempart contre un rapprochement que je trouvais mal venu.

Après coup, je m'étais demandé si mon malaise venait du fait que je me sois fait abordée par une femme, mais j'avais vite écarté cette hypothèse. C'était la proposition frontale qui me mettait sur mes gardes additionné au taux d'alcoolémie délirant de nos voisins de table qui me faisait grincer des dents. Bien entendu, j'ai été flattée de tomber dans l’œil de quelqu'un sans avoir à faire aucun effort, mais telle que je suis faite, j'aurais de loin préférer un compliment laissé comme une carte de visite à ce déploiement d'attentions que je n'attendais ni n'espérais.

Mon compagnon de table a sans doute trouvé que mon attention papillonnait drôlement ce soir-là, mais je crois qu'il m'a rapidement pardonné après que je lui ai expliqué dans quel bizarre de bourbier je me trouvais.

Libellés :

mercredi, mars 14, 2018

Le premier

Le bébé dans le ventre de Maman n'est plus dans le ventre de Maman; il est dans ma maison. Avec Maman. Toujours collée sur Maman. Enfin presque toujours. Des fois, le bébé il est dans les bras de Papa et des fois, c'est moi qui la prend parce que c'est ma petite sœur, c'est notre bébé à tous les trois. Juste à nous trois.

Un matin, je me suis levé avec Papi pendant que Papa et Maman quittaient la maison. Oh, je me suis bien amusé avec Papi et Guy-Guy, ça ne me dérangeais pas d'être avec eux. Mais quand je pensais que c'était l'heure de revoir Maman et Papa, c'est Grand-Mamie qui est venue jouer avec moi et me préparer pour ma sieste. Elle est restée avec moi longtemps et m'a ensuite amené souper au restaurant où j'ai beaucoup joué dans les jeux et j'ai couru, couru le plus vite possible avec d'autres enfants que je ne connaissais pas. Mais ce n'étaient pas grave parce qu'ils savaient jouer, c'était ça l'important.

Et puis, au lieu d'aller faire dodo chez-moi, je suis allé chez Grand-Mamie. D'habitude, j'aime ça faire dodo chez Grand-Mamie, sauf que là, ça commençait à faire longtemps que je n'avais pas vu mes parents. Le lendemain, ça été long, long, long avant que Grand-Mamie ne me reconduise chez-moi pour que je puisse enfin voir ma maman et mon papa. Je n'avais plus du tout envie de voir Grand-Mamie ni de jouer avec elle. Je voulais mes parents un point c'est tout.

Et quand je suis arrivé à la maison, il y avait Maman couchée sur le divan avec un minuscule bébé tout fripé. Heureusement mon papa était tout là et il m'a pris dans ses bras pour me montrer le nouveau bébé qui n'était plus dans le ventre de Maman. Moi je trouvais ça bizarre parce que Maman elle a encore un gros ventre. Je n'étais pas trop certain de bien comprendre. En tout cas, ce soir-là, j'ai dormi dans mon lit à moi, et c'est Papa qui m'a raconté des histoires et chanté des berceuses. Ça faisait du bien.

Et les jours suivants, Grand-Mamie et Papi venaient faire des visites. Je ne voulais plus jouer avec Grand-Mamie, elle m'avait gardé chez elle trop longtemps. Et je lui disais: « Non toi, tu ne crends pas le bébé, c'est moi qui le crend ». Sauf que j'ai un problème : je ne peux pas bouder Grand-Mamie bien longtemps parce que je l'aime beaucoup trop pour ça. Alors quand elle est venue avec Tatie et qu'elle m'ont amené jouer dehors et faire des bonhommes de neige, j'ai un peu oublié que je n'avais plus envie de jouer avec elle. Après, on a fait plein de trucs intéressants juste Grand-Mamie et moi et j'étais bien content que ce soit elle qui me donne mon bain, mais je ne voulais pas du tout que Tatie joue avec nous par exemple. C'était non et je l'ai bien exprimé.

Je suis bien content de m'être réconcilié avec elle.

Finalement, la vie a repris son petit train ordinaire. Je suis retourné à la garderie et j'ai pu annoncé aux amis que ma sœur était née. La seule vraie différence c'est que lorsque j'arrive à la maison à la fin de la journée, il y Maman, Papa et Coccinelle pour m'accueillir.

Au bout du compte, c'est seulement une personne de plus à aimer. Je crois que je vais aimer m'y habituer.

Libellés :

dimanche, mars 11, 2018

Demoiselle Coccinelle

Depuis quelques jours, je trouvais mon cocon pas mal serré. Un peu trop pour mon propre confort. De toute manière, j'étais curieuse de découvrir ce qu'il y avait en dehors de mon nid. Je me sentais enfin prête à faire le grand saut dans le monde. Je trouvais le moment bien choisi parce que mon grand frère était à la maison et Papa aussi. Tout le monde bien présent pour m'accueillir, je ne pouvais demander mieux.

J'ai donc signifié mon envie à Maman. Je crois qu'elle a immédiatement saisi la situation parce qu'elle me parlait tout plein en passant sa main sur son ventre distendu. C'est ainsi que tôt le matin du 7 mars, Papa et Maman sont partis pour la maison des naissances pendant que Papi restait à la maison avec Zazou. Ils se sont installés dans une jolie chambre ensoleillée de chaudes couleurs pendant que je préparais minutieusement ma descente.

Comme je suis une petite demoiselle pugnace et décidée, une fois le travail entamé, il n'était pas question qu'on interrompe ma sortie. On a fait ça en championnes Maman et moi. Elle a beaucoup crié, mais pas de colère, de douleur sans doute un peu, je n'avais pas beaucoup de place pour me frayer un chemin, je l'ai donc passablement bousculée et déchirée au passage, sauf que tous ces cris et toute cette douleur étaient remplis d'amour. Je me sentais immensément bienvenue et ça m'aidait à aider Maman dans ses poussées.

Et au bout de quelques petites heures, ma tête est finalement émergée du corps de Maman et j'ai été accueillie à l'extérieur par ses douces mains déjà tellement remplies d'affection pour moi que j'en ai pleuré de joie. On a passé une belle heure ensemble collées, collées. Puis Maman nous a quittés, Papa et moi, pour aller à l'hôpital. Elle avait besoin qu'on s'occupe un peu des traces de mon passage. Mais j'avais confiance qu'elle reviendrait et, de toute manière, j'étais en complète sécurité, lovée sur le corps de mon papa, peau contre peau, cœur contre cœur. Je l'entendais battre régulièrement, comme j'avais entendu celui de Maman pendant tous les mois que j'avais passé dans son ventre. C'était vraiment une belle musique.

Maman est revenue juste assez vite pour je puisse prendre une bonne tétée. On en a profité pour se faire un gros câlin familial juste à nous trois. Beau moment bien précieux parce que mes parents, toute ma vie, je vais les partager avec mon grand frère alors j'avais bien l'intention de profiter de chaque seconde de cette opportunité.

Alors voilà, je suis une petite Coccinelle fraîchement arrivée. Je ne connais pas encore beaucoup de gens, mais j'ai un grand frère immense qui me prend déjà dans ses bras.

Décidément, je crois que j'ai très bien choisi ma famille.

Libellés :

jeudi, mars 08, 2018

Refuser

Ça fait longtemps que j'ai décidé de ne pas donner l'aumône à toutes les personnes qui me tendent la main entre le travail et la maison et vice-versa. J'en ai souvent parlé ici, elles sont simplement trop nombreuses pour que je puisse me le permettre et j'ai appris que plusieurs d'entre-elles ont leurs habitudes et deviennent insistantes, si on leur a déjà donné quoique ce soit.

Alors bien entendu, je mens. Non, je n'ai pas d'argent, de cigarette, de barre tendre à distribuer. C'est ma réponse, et généralement, ça passe comme une lettre à la poste. Mais pas toujours. Et je dois à ces moments m'armer de courage et de patience pour affronter les situations.

J'arrivais à la station Jean-Talon par la rue du même nom, quand un jeune homme échevelé et puant s'est planté devant moi, m'empêchant de faire un pas dans quelque direction que ce soit en me demandant : « J'peux-tu t'acheter une cigarette? » Lui, je le connais, il est souvent posté dans le secteur. Son truc c'est de demander d'acheter une cigarette et de partir en courant sans payer son dû une fois que quelqu'un la lui aura tendue.

Je lui ai donc répondu que c'était la seule que j'avais. Il m'a alors dit : « Tu mens, je préfère que les gens me disent la vérité plutôt que de me mentir tu sais ». Son ton était abrupt et désagréable tandis que mes pensées le concernant étaient au diapason de son attitude. J'ai continué mon chemin, bravement, pendant qu'il me suivait de vraiment trop près pour que je me sente en sécurité. À l'entrée de la station de métro, il y avait deux travailleurs de rues que je connais aussi de vue et deux policiers, tous les quatre en grande discussion.

Voyant le manège du jeune homme à mes côtés, une des femmes a dit : « Allez Stéphane, laisse la dame tranquille. Pis va donc voir ailleurs si tu y es ». Lui, ne l'écoutait pas, il me disait presque à l'oreille « tu vas me donner ta cigarette quand tu vas entrer dans le métro hein? Tu vas me la donner? » Je dois dire que je ne me sentais pas très bien, mais que paradoxalement, j'étais rassurée par la présence des policiers et des travailleurs de rue, tout en espérant qu'ils n'interviennent pas, je voulais régler la situation toute seule parce que je sais que je vais revoir ce jeune homme, inévitablement.

Alors, je m'étais tournée vers lui et lui avais répondu : « Non. J'ai l'intention de la terminer ». Alors il m'avait dit : « Ben non, tu vas la jeter avant de l'avoir finie alors t'es aussi bien de me la donner ». Il y avait comme une menace dans sa voix. J'avais l'impression de rétrécir à vue d’œil. Me drapant dans tout ce que j'avais de volonté, je m'étais plantée sur le trottoir et l'avais regardé droit dans les yeux en lui demandant : « Qu'est-ce que tu comprends pas dans le mot –non– , dis-moi? » Il était resté interloqué et avait tourné les talon sous les rires des travailleurs de sociaux qui m'ont dit que j'avais très bien fait tandis que les agents de police s'assuraient que j'allais bien.

Ce n'est qu'une petite anecdote, un rien du tout dans le quotidien d'une femme qui dit non et qui n'est pas crue. Qui dit non et qui devient harcelée juste parce qu'elle croise la mauvaise personne au mauvais moment.

Et au bout du compte, ça été une grande victoire pour le respect de moi.

Libellés :

dimanche, mars 04, 2018

Changement de plan

Ben voilà, le plans ont changés. De toute manière, c'est pratiquement ce à quoi servent les plans. Après tout, ils ne sont qu'une ligne directrice pour se donner une idée de sens à prendre. Même dans un texte, il m'arrive plus souvent qu'autrement de jeter les idées de où je veux aller avec une histoire et me retrouver quelque part entre le milieu et la conclusion en prenant une voie que je n'avais pas prévue à l'origine, alors le plan s'efface pour laisser place au texte qui voulait naître.

Je dois déménager. Je le sais depuis près d'un an. Changer de logis en soi ne me dérange pas. Je suis lasse de celui où j'habite, parce que je me sens loin de beaucoup de choses, mais surtout de gens, qui me sont chers. Et puis, je suis fatiguée des voisins imbéciles qui mènent leur vie de nuit et ne semblent pas avoir conscience que certaines personnes ne vivent pas entre 1 et 5 heures du matin. Je suis aussi tannée de vivre à un endroit où rien n'est fait de manière préventive et que balcon, bain, plancher n'ont été réparés que lorsqu'on passait à travers, au sens propre du terme, même pour le bain.

Mais voilà que je dois partir seule. La dernière fois que cela m'est arrivé j'ai fini le périple en dépression majeure. Alors dire que j'ai peur ici est un euphémisme : je suis terrorisée. Je ne suis pas très douée pour la vie en solitaire. Je mange mal, je dors mal, je passe le plus clair de mon temps à stresser au sujet de mes clefs, redoutant de les perdre et de me retrouver à la rue. Et puis, j'ai immobilisme facile. Alors, je m'éparpille un peu partout et je ne trouve pas le courage de me ramasser. En colocation je le fais pour ne pas déranger les autres, mais toute seule, je repousse continuellement les tâches domestiques et je fini par vivre dans un cocon qui n'est pas du tout douillet.

Avec ma grand hantise du dérangement, je fini par me murer dans un une bulle hermétique et étanche. Une grosse bulle de solitude.

Et puis j'ai peur financièrement. Je ne peux pas me permettre de payer beaucoup plus que 550$ de loyer. Que vais-je trouver pour un prix aussi dérisoire dans un marché comme celui de Montréal? Un garde-robe pas éclairé sans doute. Je me retrouve prise dans un énorme dilemme, soit je paie un loyer abordable et je peux continuer à voyager un peu, donc à vivre, soit je paie un loyer hors de prix pour moi et je retourne dans la pauvreté que je viens de quitter qui limite considérablement ma liberté de mouvement.

Mais je n'ai pas le choix, je ne trouverai pas de colocation à l'âge que j'ai qui me soit acceptable. Je devrai faire face. Accompagnée de la grosse chienne jaune de tous les fantômes de mes échecs passés.

Ce n'est pas rassurant.

Libellés :

jeudi, mars 01, 2018

Taire l'orgueuil

Au moment où Maman était entrée dans la salle et que le cœur des invités s'était mis à entonner « Ma chère Michèle », j'avais senti ma gorge se serrer tandis que mes yeux se mouillaient. Il y avait là un magma d'émotions très belles et très fortes. Elle regardait la salle, ébahie, devant tous ceux que nous avions rassemblés. Des tantes (les siennes), des cousins, des cousines, des frères et sœurs, des amis des deux sexes et évidemment, ses enfants. Elle était si heureuse qu'une fois la chanson terminée, elle s'était mise à sauter comme une gamine, ou une magnifique maman qu'on avait réussi à surprendre bien comme il faut.

La salle était bondée, de gens que je connais depuis ma naissance, pour la plupart. Je ne dirais pas nécessairement des gens que je connais bien, mais tout de même. Ils ont veillés, à leur manière, aux différentes étapes de mon existence. Bref, je me sentais un peu coincée dans toute cette foule restreinte dans un endroit relativement confiné. Ce sont là de très mauvais ingrédients pour moi. Je savais déjà que j'avais un texte à livrer et aucun endroit pour aller me cacher.

L’appréhension me gagnait tandis que j'essayais de n'en rien laisser paraître. Je m'étais donc réfugiée dans un semblant de bulle avec mon frère, ma sœur et mon beau-frère, que je vois beaucoup plus souvent que le reste des membre de cette joyeuse assemblée, pour parler de tous les petits riens qui font d'ordinaire nos conversations. Ce faisant, je réglais les battements de mon cœur sur des arrimages connus.

Et puis, j'ai eu droit à un ou deux serre-forts inopinés. Pas mal venus pour autant, mais disons que, la rétive Mathilde, a encore bien du mal à laisser sa bulle se moduler à l'aune de l'affection d'autrui. Je sais que tout cela vient du cœur et que rien n'est fait pour me menacer, sauf que mon inconscient a beaucoup de peine à accepter ces gestes comme étant les bienvenus alors évidement, je fais le « I ». Encore, à presque 45 ans.

Bref, j'avais une envie folle de ne pas aller lire mon texte comme j'avais prévu de le faire, me sentant vulnérable et émotive. Pendant des années et des années, j'ai refusé de montrer publiquement cette part de moi. Avec les conséquences que l'on sait : ces colères immenses sorties de nulle part qui attaquent et blessent à tout vent.

Debout sur le bord de la fenêtre, j'ai tout de même entrepris de dire à Maman les mots que je lui avais écris. Tous ne les entendaient pas bien, d'autres groupes occupaient la même salle que nous et n'étaient pas tenus au silence. Mais ma voix s'est enrouée, s'est abîmée sur l'élan du cœur que je laissais courir devant moi. J'ai versé une larme, ou trois.

En sortant de scène, j'ai dit à ma sœur que depuis que je ne me choquais plus, le braillais tout le temps, avec un peu beaucoup de dérision dans la voix. Elle m'a dit que c'était bien mieux ainsi.

Moi, je pense que j'ai été assez forte pour le faire et surtout, je n'ai pas eu à vivre avec les dommages collatéraux de mes orages orgueilleux.

Je suis d'ailleurs passablement convaincue qu'aucun convive n'a eu envie de me pointer du doigt pour rire de ma faiblesse.

Je grandi encore, il faut croire.

Libellés :