dimanche, avril 29, 2018

Morte journée

Comme à toutes les fois que mon amie Jen annonce une fête chez elle, j'ai répondu presque immédiatement que je serais présente. J'avais fort envie d'y aller parce que quel que soit le nombre de participants à ses fêtes, j'y ai toujours beaucoup de plaisir. Bizarrement pourtant, le jour dit, quelques heures avant de m'y rendre, j'hésite. Cette fois c'était parce que j'étais lessivée après une grosse journée qui avait débuté beaucoup trop tôt. J'ai bien failli envoyer un plate message d'excuses pour me défiler, mais j'ai fait une sieste à la place en me disant intérieurement : Vas-y Mathilde, sinon tu vas le regretter le prochain soir où tu vas t'ennuyer toute seule chez toi ».

Je me suis donc finalement tenue à ce plan et j'ai fait mon apparition sur les lieux autour de 20 heures. Comme il faisait une température pas tout à fait assez agréable pour bien profiter de la magnifique terrasse de mon amie, nous n'étions pas très nombreux, une petite dizaine, je dirais. Je connaissais tous les invités en présence, ce qui fait que je m'y suis tout de suite sentie à mon aise. Il m'arrive quelquefois de ne pas trop savoir à quel cercle me mêler au départ, mais je fini toujours par y trouver mon compte.

Le problème avec les soirées chez cette amie, c'est que je sais quand elles commencent, mais jamais quand elles finiront. Les discussions sont à la fois intenses et stimulantes, les gens opiniâtres et charmants. Une des choses étranges c'est que nous sommes deux Mathilde, alors quand nous sommes peu nombreux à toutes les fois où j'entends mon nom, je ne sais plus trop où donner de la tête. Et pour dire vrai, l'autre Mathilde fait partie de la bande depuis beaucoup plus longtemps que moi, ce qui fait qu'elle y est interpellée à la même mesure. C'est étrange, mais sympathique et c'est une femme qui me plaît énormément, parce qu'elle a une magnifique imagination et doublée d'une grande humanité.

Bref, tel que d'habitude, j'ai vu l'heure à mon arrivée, je me suis rendue compte que deux heures s'étaient enfuie l'air de rien parce que nous étions rentrés, terrassés par la pluie froide d'avril et quand j'ai voulu prendre le dernier bus pour chez-moi, il était passé depuis longtemps. Alors je suis restée, encore plus longtemps.

C'est le genre de soirée que je vivais souvent à l'université, de celles qui se terminent aux petites heures et qui me laissent remplie de belles idées et d'énergie positive. Mais contrairement à mes jeunes années estudiantines, le lendemain, soit aujourd'hui, a été hem... Perdu? Je me suis levée avec l'impression d'avoir une enclume dans la tête, je me sentais tout à fait bouette. Rien à faire avec moi.

J'ai passé la journée à somnoler devant des comédie romantiques que j'avais déjà vues mille fois. J'avais l'impression de ne pas pouvoir penser droit. Durs, durs les lendemain de veille quand on a presque ans.

Et même si aujourd'hui, je me dis que plus jamais, je sais pertinemment qu'à la prochaine invitation, je récidiverai avec autant de plaisir que j'en ai eu hier soir.

De fois une journée perdue, ça fait du bien, si ça veut dire qu'on a eu une chouette soirée remplie de belles personnes la veille...

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jeudi, avril 26, 2018

Réfugiés climatiques

J'ai l'habitude de poser un certain regard sur les excentriques que je croise. Je ne fais pas tout à fait exprès, je les vois, voilà tout. De ce fait, j'ai remarqué une certaine forme de migration de la vaste majorité d'entre-eux en fonction des saisons. Nous sommes actuellement à une charnière saisonnière, justement, par conséquent j'ai constaté plusieurs abonnés absents dans les rangs des visages que je croise quotidiennement depuis des mois. Par exemple, l'homme qui a tenu la porte du métro Jean-Talon tout l'hiver s'est fait la belle depuis la fin de semaine. Il s'était aussi évaporé au printemps dernier, pour mieux se matérialiser à son poste quelque part en novembre.

À mon passage à Berri aujourd'hui, le ciel crevé déversait des trombes d'eau. Ce qui a bien entendu amené un bon nombre d'individus à se réfugier dans les longs corridors qui mènent aux différentes portes extérieures, en faisant en quelque sorte, des réfugiés climatiques. À cause d'un détour sur les rues du dessus, mon propre itinéraire à l'intérieur de ces murs a été modifié en faisant en sorte que j'ai parcouru, sous terre, un beaucoup plus long chemin qu'à l'ordinaire.

J'ai revu plein de personnes que je n'avais pas vues depuis fort longtemps. Non, je ne suis pas altruiste au point de m'en être aperçue sur le coup, mais à les revoir tous, massés dans des corridors en échos, un peu plus maganés que l'an dernier, beaucoup plus usés, m'a fait réaliser leur récente absence. Je me suis d'ailleurs trouvé juste assez égoïste de ce fait, pour avoir l'impression de faire encore partie de la masse plus ou moins indifférente qui les entoure.

Ces gens, je les croise d'ordinaire à l'extérieur sur des coins de rues précis le long du trajet que j'aime faire à pied entre chez-moi et Berri. En me rendant à l'évidence qu'ils animent ce secteur de la ville durant les belles saisons, même lorsque celles-ci ne le sont pas vraiment. Les habitués de l'hiver se sont pour la plupart évanoui de mon champ de vison. J'ignore où il passent ces mois-là. Et je sais d'expérience que je vais m'habituer à ce nouveau paysage humain en laissant ces visages s'étioler dans ma mémoire sans trop m'en apercevoir. D'autant que je ne verrai pas leur automne au quotidien, puisque je déménage dans deux mois.

Néanmoins, les itinérants et autres personnages étranges ne sont pas les seuls réfugiés climatiques que j'ai croisé en masse aujourd'hui. Partout autour de moi, d'autres mains se tendaient pour que je cotise à une cause ou une autre, comme si toutes les équipes sollicitation des organismes à but non lucratif s'étaient aussi rabattues dans les même corridors impersonnels. Et si j'ai beaucoup de tolérance envers les étranges, je le suis beaucoup moins avec ceux qui me lancent des petits commentaires désobligeants quand je leur dit que je ne suis pas intéressée à m'arrêter pour écouter leur laïus sur les causes qu'ils défendent, aussi juste soit-elle.

Et pour couronner le tout, il y avait des distributeurs de bibles et autres représentants religieux à tous les trois pas. Tout ce beau monde voulait mon bien, à leur mesure, à condition que j'endosse, j'appuie, je collabore financièrement ou par d'autres moyens à leur réalité faisant en sorte que j'ai franchement eu l'impression de devenir une proie un peu trop facile pour tous ces réfugiés du climat.

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dimanche, avril 22, 2018

Lutins de printemps

Moi je dis que les fins de semaines, ce n'est pas reposant. En tout cas, celle-ci ne l'a pas été du tout.

D'abord, on a eu de la visite vendredi soir, et je me suis couché tard. Heureusement, j'ai eu une belle surprise en me levant le lendemain. Ma chambre était toute jaune. Je me suis levé et j'ai couru voir Maman pour le lui dire. Elle m'a expliqué que c'était le soleil du printemps qui faisait ça. Alors, on a chanté si tu aimes le soleil ensemble, parce qu'on trouvait ça si joli, tout ce jaune.

Après, je suis allé à la natation avec Grand-Mamie. Je ne sais pas si j'aime ça la natation. J'ai peur un peu. Beaucoup même quand le moniteur me demande de me mettre sur le dos. J'ai peur de couler, même quand Grand-Mamie me tient la tête contre son cœur. Alors, après mon cours, je suis toujours très fatigué. Et des fois, je suis tellement fatigué que je ne fais pas une belle sieste. Et puis, hier, on avait encore de la visite pour le souper et j'avais très hâte de la voir. Évidemment, après tout cela, je me suis encore couché tard.

Ce matin, on est allé à la bibliothèque. Moi j'aime ça aller à la bibliothèque, parce qu'il a des livres partout et que je peux en choisir plein pour les rapporter à la maison et les lire et les relire avec Papa et Maman. Même des fois, je les lis tout seul. Quand on est revenus à la maison, Papi est arrivé avec une maison d'escargot (une roulotte) pour nous. C'était super excitant d'en faire le tour et de voir où étaient caché les lits. J'étais tellement content que j'ai fait un spectacle dans de chant à partir de la maison d'escargot. Et en plus, j'ai eu une maison d'été juste pour moi pour mettre sur la galerie et pouvoir cuisiner sur le barbecue en même temps que Papa ou Maman.

Après toutes ces émotions et ma sieste, on est allés chez Grand-Mamie parce que c'était la fête de Francis. J'avais très hâte de les voir lui et Tatie, mais quand j'ai eu fini de grimper les marches, j'ai pilé net. Je ne sais pas comment elle a fait son compte, mais Coccinelle était déjà-là et Tatie l'avait dans ses bras. Alors j'ai dit : « Non, tu la prends pas, t'as pas le droit ». Mais Maman et Papa ont dit qu'elle pouvait. Moi, je n'étais pas content. C'est moi qui veut dire bonjour à Tatie en premier, pas Coccinelle, elle ne parle même pas.

J'avais prévu de lire mes nouveaux livres de chez Grand-Mamie avec Tatie, sauf qu'après cette entrée ratée, ça ne me tentait plus. C'est donc Francis qui me les a lus. J'aime beaucoup ça quand il me lit des livres, parce qu'ils met plein d'intonations et rend l'histoire vivante. Et j'ai dit à Tatie qu'elle n'avait pas le droit de lire mes livres. J'ai continué à la bouder pas mal toute la soirée, ne pliant qu'au moment de manger le gâteau parce que j'aime bien manger le gâteau sur ses genoux.

Ensuite j'ai mis mon beau pyjama d'ours pendant que Maman donnait le lait à Coccinelle. J'ai même sorti ma suce. Et je me suis collé sur Grand-Mamie pour qu'elle me lise Le chat botté. J'avais ma doudou et ma bouteille de lait avec moi pour me préparer au voyage de retour jusque dans ma maison.

Je crois bien que je vais dormir sur mes deux oreilles après toutes ces activités en deux petites journées...

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jeudi, avril 19, 2018

Cimetière de l'été précédent

Le printemps me manque. L'espèce de bouillie grise qui enveloppe Montréal depuis plusieurs jours n'est pas ce que j'appelle le printemps. C'est sans doute pour cette raison que j'ai entrepris, par un matin pas tout à fait brumeux, de marcher jusqu'au métro Berri. Comme si je croyais que cette bravade pouvait porter un coup terrible à la température automnale et ainsi faire jaillir le printemps.

Ça faisait un bail que je n'avais pas pris cette marche que je connais tellement par cœur que d'ordinaire je ne remarque que très peu le paysage, sauf si, à l'occasion je tombe sur un lever ou un coucher de soleil passablement extraordinaire. Les gens, eux, je les vois tout le temps, mais le décor, il m'arrive souvent de ne pas vraiment en tenir compte.

Bien entendu, l'air ambiant était, disons, frisquet. Je n'avais d'autre choix que de marcher d'un bon pas afin de me tenir au chaud. Et même s'il n'y avait pas vraiment de brouillard, la grisaille de ce matin précis, drapait les contours des édifices et et des véhicules d'un genre de halo qui rendait tout un peu flou. Ça me rappelait l'image qu'on a enfant d'un cimetière duquel les fantômes pourraient se lever à tout moment, si tant est qu'on avait le courage de le regarder assez longtemps ou encore de le traverser à la nuit tombée.

C'est dans cet état d'esprit que je me suis rendue compte que j'arpentais effectivement un cimetière. Partout autour de moi, les ancrages et autres poteaux portaient les cadavres des vélos de l'été précédent. Les uns étaient désarticulés, les autres démembrés. D'autres encore simplement affaissés sur des roues crevées. Beaucoup de roues solitaires, tristement attachées à un cadenas désormais inutiles. À leur base, souvent, un cerne de rouille quand la chaîne faisait encore partie de la carcasse éventée.

Sans trop m'en apercevoir, je me suis mise à les dénombrer, et à tenter de m'imaginer l'histoire de ces bicyclettes laissées pour mortes sur les pavés, ensevelies par les chutes de neige durant l'hiver rigoureux que nous venons de traverser pour se rappeler à nos bons souvenirs seulement maintenant que les trottoirs et les rues sont vraiment dégagées.

J'ai abandonné mes projets rendue à 30, surtout que je n'avais pas encore fait la moitié du chemin. J'ai d'ailleurs pu constater que la population de vélos morts augmentait dramatiquement aux abord de la station de métro, comme si tous leurs anciens propriétaires s'étaient collectivement découragés devant les avanies subies par leurs précieux destriers en s'engouffrant dans les tunnels des métro, comme pour oublier.

Je sais à quel point il est désagréable de trouver un bout de vélo plutôt qu'un vélo entier là où on l'avait laissé, mais il me semble que la base de la civilité c'est d'en détacher les restants et de les mettre au chemin pour les prochaines vidanges. Parce que même si ces cadavres ne puent pas la putréfaction, ils contribuent largement à la pollution visuelle.

Et ça, à mon sens, ça rend le printemps encore plus triste qu'il ne l'est déjà.

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dimanche, avril 15, 2018

Apparté ludique

Je connais des gens qui jouent. Je veux dire par là, des adeptes de jeux de société. Je n'en suis pas. Pas que je déteste cela, mais ça ne m'emballe pas particulièrement. J'ai joué enfant, pas mal même, mais j'ai des souvenirs de chicanes et de tricheries multiples. J'aime bien les jeux de stratégie, ceux qui me permettent de gagner quand j'use de ma tête et de mes forces, mais sinon, je me tanne vite. Bref, c'est un domaine de mon activité professionnelle dont je suis passablement ignorante. Je ne suis pas seule dans mon lot d'ailleurs, la plupart des employés, surtout au début, se sauvent presque en courant quand il y a des questions de jeux de société.

Pour palier à cette lacune et pour favoriser le bon développement de l'esprit convivial dans mes troupes, j'ai convié les employés de mon département à une soirée de jeux. Il existe maintenant plusieurs salons de jeux avec des formules différentes. Le dénominateur commun est constitué par des fous des jeux qui les connaissent sur le bout des doigts et peuvent les expliquer à tout public afin d'en faire comprendre les arcanes.

Nous avions choisi d'aller découvrir le Randolph sur Beaubien parce que cet endroit accepte les réservations, ce qui n'est pas le cas partout. Et comme nous le faisions dans un cadre semi-professionnel, nous aurions été bien marries de ne pas trouver d'espace où nous installer et encore davantage de n'avoir aucun jeu à tester.

Sitôt installées, nous avons expliquer aux animateurs que nous vendions des jeux que nous en connaissions pas ou peu et que nous voulions les tester afin de pouvoir les expliquer. Nous avons soumis une liste de jeux qui nous sont fortement demandés et nous avons entrepris de les essayer. L'air de rien, quatre heures, passent très vite dans ce contexte. Nous avons une moyenne d'un jeu à l'heure, soit beaucoup moins que ce à quoi je m'attendais, mais au moins je peux désormais dire que je sais jouer à ces jeux-là.

Nous avons rapidement découvert, que la plupart des jeux très populaires sont faciles à apprendre et comportent des règles simples. Mais aussi que beaucoup de jeux primés le sont certainement par des joueurs qui comprennent rapidement des arcanes complexes comme s'il s'agissait d'un langage pour lequel, nous simples néophytes, ne connaissons pas l'alphabet.

Ce fut une belle soirée, très bruyante et rieuse. J'avais l'impression que les décibels en présence côtoyaient de très près celles des salles de spectacles musicaux. Ça m'épuisait les tympans. Je suis donc retournée à la maison épuisée comme si j'avais marché toute la ville de long en large en une journée.

Et j'ai été complètement sidérée, à notre sortie, de voir l'étendue de la foule qui attendait patiemment une table pour s'y installer.

Bref, j'ai passé un bon moment, qui me sortait totalement de ma routine. J'avais presque oublié à quel point ça fait du bien.

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jeudi, avril 12, 2018

Bouteille à la mer

Ça y est, le bail est signé pour 14 mois. J'aurai un logement à moi toute seule à partir de juillet prochain. Pas très grand, mais pas si petit non plus. Juste à l'endroit où j'avais envie de vivre, sur la Promenade Fleury, près de tous les services, même si c'est un peu éloigné des métros. Mais je préfère de loin être près d'une épicerie que d'une station, parce que c'est beaucoup plus simple pour une fille qui n'a pas de permis de conduire.

Ce ne sera pas spacieux, juste assez grand pour une femme seule. Juste assez petit pour que le ménage hebdomadaire de me donne pas de l'urticaire. Un petit nid, en réalité. Composé d'une belle grand pièce bien éclairée, dans laquelle j'imagine déjà un salon et une salle à manger, une toute petite cuisinette, mais je n'ai pas besoin de davantage, et une grand chambre lumineuse.

Le prix du loyer entre à peu près dans mon budget idéal, mais le plus important pour moi c'est que c'est un quartier dans lequel je me sentirai bien. Je le connais par cœur, l'ayant arpenté toute mon enfance et mon adolescence. Bizarrement, il me semble toujours. à ces latitudes. que les distances à parcourir sont moins grandes qu'ailleurs, même si je sais pertinemment qu'il s'agit-là d'un effet de mon imagination. Comme si mes repères amincissaient les écarts entre les points à relier.

Et j'ai le trac. Le trac d'aller vivre seule d'une part, celui aussi de quitter un endroit que j'habite depuis près de dix ans. Cependant, je sais que ma famille immédiate, sera toute proche et sans doute beaucoup plus facile à visiter sur un coup de tête. Je rêve de pouvoir garder mes neveux et nièce si l'occasion se présente ou encore, lorsqu'ils auront un peu grandi, de pouvoir faire des activités avec eux sans que cela implique un trop grand branle-bas-le-combat.

J'ai aussi la date du déménagement. Normalement, l'appartement devrait être libre le 28 juin, mais je crois que je vais bouger le 30. Parce que c'est un samedi et qu'il me faut, maintenant, faire une chose avec laquelle je ne suis pas très à l'aise, soit demander de l'aide. Comme je l'ai mentionné plus haut, je n'ai pas de permis de conduire. Je ne peux donc pas compter que sur moi-même pour me déménager. Cependant, je n'ai pas assez de choses à bouger pour que ça soit logique d'engager des déménageurs, ce que je ferais sans l'ombre d'une hésitation si le jeu en valait la chandelle. Mais voilà, en tout et pour tout il y une table de salle à manger, 4 chaises, 4 bibliothèques, deux classeurs, un vélo et des boites à bouger.

La question est donc : est-ce que je connais quelqu'un qui serait apte à conduire un camion de petit volume entre Ville-Marie et Ahuntsic? Bien entendu, je paierai la location dudit camion. À moins que parmi mes connaissances ou les connaissances de mes connaissances, quelqu'un aurait une remorque à prêter à cette date, avec la voiture et le conducteur qui va avec. Je suis aussi prête à payer pour le service. J'aurais aussi besoin de quelques bras, parce que ça accélérerait singulièrement le processus.

Alors voilà, j'ai jeté ma bouteille à la mer. J'espère très fort que dans les semaines à venir je verrai de quelle manière je pourrai entreprendre ce nouveau pas dans ma vie.

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dimanche, avril 08, 2018

Zone d'inconfort

J'ai une amie qui a pris la décision de déménager en dehors de sa zone de confort. Elle et moi, on se connaît depuis longtemps. Plus de quinze ans. On en a déménagé, ensemble, ou séparément, des meubles. Mais depuis une douzaine d'années, on s'était plus ou moins établies dans des secteurs que nous connaissions par cœur toutes les deux. Notre zone s'étendait autour de l'axe de la station Berri avec un jeu de 7 sept stations en direction nord et est.

Quand l'immeuble ou elle vivait depuis plusieurs années avait été vendu, elle s'était aussitôt mise en quête d'un nouveau nid. Elle avait déjà en tête Verdun comme prochain lieu de vie. Je ne connais pas cette partie de la ville, c'est très au sud et très à l'ouest, pour une fille qui a grandi dans Ahuntsic. Pour ma première visite officielle dans son nouveau logis, je m'étais perdue en m'y rendant. J'avais pris sa rue dans le mauvais sens et m'étais retrouvée une station de métro en aval. J'avais un peu honte quand je lui avais annoncé que je m'étais perdue, mais je ne pouvais pas faire autrement que de rebrousser chemin jusqu'à ma destination finale.

Il y a une autre station de métro dans son secteur, mais après ma mésaventure, je n'avais pas envie de tenter un nouvel itinéraire, dans le noir. Je suis donc retournée à la station De L'Église qui m'est totalement étrangère. C'est, à mon avis, un étrange endroit. De part sa structure, entre autres, étant donné que les rames sont superposées plutôt que face à face. Ça donne une profondeur hors norme. Et le dimanche soir, les métros en général, et cette station en particulier, ne sont pas des lieux très fréquentés. Comme pour faire exprès, j'ai manqué le train d'une vingtaine de secondes alors je m'étais engagée sur un quai vide qui me semblait glauque malgré sa propreté, simplement parce que je n'en connaissais pas les marques.

J'avais à peine posé mes fesses sur un banc pour attendre patiemment l'écoulement des neuf prochaines minutes quand un homme s'est mis à hurler. Je n'avais aucune idée de l'endroit où il était, mais sa voix portait. On aurait dit un rugissement immense dans les voûtes de la station. Il criait à une femme de le laisser tranquille en émaillant son « discours » de noms d'oiseaux aussi violents que dérangeants. Malgré l'armure du livre que j'avais dans les mains, je n'arrivais pas à me concentrer. L'homme me semblait loin, mais je me trouvais bien seule dans cet antre de la Terre. Dans les stations que je fréquente d'ordinaire, je vois constamment des agents circuler. Là, j'étais seule. Complètement seule avec un rugissement venu de je ne savais où.

Jusqu'au moment ou une ado aux yeux et à la chevelure d'un noir de geais s'était arrêtée devant moi en me disant quelque chose en arabe, ce que je n'ai évidemment pas compris. Je l'avais regardée surprise en lui rétorquant : « Quoi? » Elle s'était assise tout à côté de moi, même si tous les autres bancs étaient disponibles et m'avait répondu dans un québécois parfait : «  Oh! Désolée, j'ai juste eu peur. Je suis passée à côté de cet homme et s'est mis à m'insulter, comme si tous ses malheurs étaient de ma faute ».

J'avais eu peur de loin, je comprenais donc un peu. Je n'avais rien à dire, alors je lui avais serré la main très fort, sur mon cœur.

Et c'est ainsi que j'avais attendu le prochain vers ma zone de confort, coincée entre un peu de chaleur humaine et beaucoup d'inconfort.

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jeudi, avril 05, 2018

Mesure d'humanité

Je viens d'écouter un reportage sur la migration illégale en Amérique. Les personnages en présence étaient sensiblement les mêmes que ceux des routes migratoires d'Afrique et d'Europe, mais le pays de destination était celui dans lequel je vis, cette terre promise ou l'une rêvait de conduire une voiture pour amener ses enfants à l'école et l'un souriait à l'idée d'une maison dont le toit ne coulerait pas.

Aucun d'entre eux n'a pris la route de la migration avec légèreté. Quitter une terre natale ne se fait généralement pas sans arrière pensée. Pour ceux qui décident d'arpenter un continent du Brésil jusqu'au Canada par des routes qui n'en sont pas, c'est parce que leur pays natal n'a plus aucun espoir à leur offrir. Ils savent qu'ils verront plusieurs compagnons de voyage périr en cours de route, que ce sort leur est peut-être même réserver et pourtant, tous les jours, ils se battent pour avancer. C'est horrible.

C'était une route ardue, impitoyable et incroyablement chère. Une route ou l'on abuse des gens désespérés, de leurs maigres ressources financières et bien souvent aussi de leur corps. Un chemin ardu qui s'étire sur des mois et peut-être même des années. Partout où ils passent, ils dérangent et personne ne veut d'eux parce que personne n'est équipé pour les accueillir.

Surtout que moi je sais que s'ils parviennent jusqu'ici, même leurs rêves simples tarderont à se réaliser. Se créer une vie ici ne se fera pas sans heurt, ils y vivront mille difficultés et plus encore. Quel travail pourront-ils obtenir? Rien ne sera simple et à regarder leurs yeux brillants devant le possible Eldorado que représentent pour eux le Canada, j'avais le cœur qui se saignait par compassion.

En tout cas, ça remet mon existence en perspective. Oui, j'ai mes enjeux, mes difficultés, mes échecs. Rien toutefois de comparables avec ce qu'ils fuient avec assez de détermination pour entreprendre une aventure aussi dangereuse. Je peux bien me dire que je ne suis pas riche, mais par comparaison, je le suis immensément. J'ai une solide éducation, une belle culture générale, un emploi que j'aime et qui me nourri autant émotionnellement que physiquement. J'ai une famille qui m'aime et avec qui j'entretiens de bonnes relations. J'ai un toit, une chambre pour moi toute seule, assez d'argent pour décider de manger au restaurant quand j'en ai envie ou de me payer un spectacle de temps à autre. Et surtout, je me sens, généralement, en sécurité.

Je sais depuis longtemps que ceux qui prennent ces routes migratoires entament en fait un saut dans l'inconnu. Je sais que leurs trajectoires seront semés de passeurs et de bolides surpeuplés et non sécurisés. Mais c'est comme si en les voyant marcher ce continent qui est le mien, je les voyais de beaucoup plus proche que par le passé. Ils me deviennent plus tangibles et me forcent à réaliser à quel point je suis née du bon côté du monde.

J'ai eu de la chance et je suis bien heureuse d'être assez curieuse du reste de l'humanité pour le mesurer, à tout le moins en partie.

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dimanche, avril 01, 2018

Une tête à histoires

Aujourd'hui, c'était Pâques (je dis pawques) et aussi la fête de Grand-Mamie. J'avais bien hâte toute la semaine, parce que je voulais manger du gâteau, souffler les bougies et manger du jambon. J'avais aussi hâte de voir Francis et Tatie, mais moins que les autres choses. Et puis, même si je suis toujours content de les voir, je me sens toujours un peu gêné, au début.

J'ai été ouvrir la porte à Tatie, je lui ai fait un beau sourire et je suis retourné en courant grimper sur les genoux de Maman pour lire un livre. J'en profitais parce que Coccinelle était dans les bras de Grand-Mamie. Je n'ai plus très souvent les genoux de ma maman pour moi tout seul. On a bien regardé toutes les images ensemble, j'étais content.

Tatie s'était assise en face de nous avec Coccinelle qui dormait. Elle m'a demandé ce que j'avais fait avec Grand-Mamie la semaine dernière. Je le savais; j'étais allé à un cours de natation. Je lui ai raconté que j'ai sauté dans la piscine, sans flotteur et que j'ai mis la tête dans l'eau. Mais surtout, je lui ai dit qu'il y avait une petite fille qui s'appelait Éléonore, comme ma maman à moi. Le papa de la fillette avait l'air bien surpris qu'une maman s'appelle Éléonore. Moi, je trouve ça normal, beaucoup plus normal qu'une petite fille qui s'appelle comme cela.

Tant qu'a être dans mes aventures, j'ai raconté à Tatie que le Lapin de Pâques était passé chez Grand-Mamie et je lui ai montré les cachettes où il avait laissé les chocolats pour moi. Je les ai tous trouvés. J'ai aussi dit à Tatie que j'avais vu le Lapin de Pâques hier avec Papi, il avait des bottes et des mitaines et un panier pleins de cocos. Je l'avais vu, vrai de vrai.

Quand Papa est arrivé, on s'est mis à table pour manger, mais j'ai un rhume et je n'ai pas très faim. Alors, Papa m'a pris sur ses genoux pour que je mange. Je ne sais pas pourquoi, la nourriture goûte meilleur sur les genoux de Papa. Après, c'était le moment des chansons d'anniversaire. Maintenant, je connais presque toutes les chansons par cœur et je les chante avec tout le monde. Grand-Mamie était très émue en me regardant chanter pour elle. Je lui ai aussi remis une belle carte que j'avais faite pour elle et j'ai aussi donné des dessins à Francis et à Tatie. C'était mon tour de donner des cadeaux.

Mon rhume me donne de la difficulté à respirer. Après avoir chanté, j'étais pas mal fatigué. Il fallait que je prenne ma pompe, mais je n'aime pas beaucoup ça. Tatie m'a dit : « Zazou, moi je crois que la pompe c'est une bien bonne manière de chasser le tigre dans ton bedon ». Je l'ai regardé surpris. Maman m'a expliqué que Tatie parlait du bruit que faisait ma respiration. C'est vrai que ça ressemble un peu.

Moi, ce que j'ai compris, c'est que dans la tête de Tatie, il y a des histoires. Des histoires comme dans les livres.

Un jour, il va falloir que j'explore cette piste-là.

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