samedi, avril 29, 2006

Changer de cap

Jeudi 14h10, le couperet est tombé : je n’ai pas obtenu l’emploi sur lequel j’avais appliqué. Au bout de cinq longues semaines, on a fini par me dire que je manquais d’expérience en gestion. J’étais déçue, forcément. Irritée aussi, un peu parce que la sanction me semblait inadéquate pour une si longue attente. Et puis, les personnes qui ont pris la décision, ne m’ont pas rencontrée. Je n’ai donc pas pu me défendre, mettre mes idées de l’avant, poser ma candidature adéquatement. À l’heure actuelle, ce que je sais c’est que ça ne me donnerait rien de reposer ma candidature pour ce type de poste, parce qu’ai toujours l’expérience lacunaire. Pourtant, je sais que je serais excellente dans ce type d’emploi. Je suis une personne avec qui apprendre est facile, voir rassurant. J’ai une solide expérience en formation de personnel et toutes les personnes que j’ai entraînées pour la caisse trouvent me le disent très souvent.

J’ai pris 24 heures pour penser à tout cela. Visualiser les conséquences. Je crois qu’entre temps, j’ai pris un certain nombre de décisions qui me seront utiles. Je n’ai pas agit en fonction de mes espérances : j’ai pris la décision de déménager d’un appartement où je suis bien, avec une personne que j’aime beaucoup, pour m’excentrer un peu et payer beaucoup moins cher. Je sais que ce sera un changement drastique. Il m’effraie d’ailleurs un peu. Mais j’ai pris sur moi d’arrêter d’attendre que la vie me gâte. En parlant avec ma mère, je me suis rendue compte que j’ai fait beaucoup de chemin depuis mon séjour au pays des zombies. Je ne suis pas complètement démolie par la nouvelle. La décision de mes supérieurs ne me rabaisse même pas à mes propres yeux. Je sais ce que je vaux.

Traitez-moi d’idéaliste, mais je pense sincèrement que si je n’ai pas eu ce poste, c’est parce que quelque chose d’autre m’attend quelque part. Quoi et quand, je n’en n’ai pas la moindre idée. Je ne sais pas où ni quoi chercher. Je sais que ce doit être à la fois avec des gens et avec des responsabilités. Mais je ne suis pas pressée. Peut-être est-ce préférable pour moi d’attendre un peu. Platement, parce que l’horaire de ce poste était particulièrement atypique, j’avais un peu la trouille de ne pouvoir écrire comme je le voudrais. Surtout que le beau temps revient nous caresser la peau et qu’il m’est plus difficile de me restreindre à l’intérieur de l’appartement, devant l’écran cathodique, quand la température m’invite à me jeter dans ses bras.

Je ne sais pas ce qui m’attend, je ne sais pas trop où je vais. Mais j’ai envie de croire que le meilleur est encore à venir. Je n’ai plus envie de me dénigrer et de me dire que d’autres sont meilleurs que moi dans toutes les sphères où j’évolue.

Je n’ai peut-être pas eu le poste, mais j’ai gagné en expérience d’entrevue. Et en détermination aussi.

jeudi, avril 27, 2006

Les répétions

« Je ne sais pas si je t’ai raconté » m’as-tu dis, en enchaînant du même souffle sur cette histoire que je connaissais déjà. Je t’ai laissé parler pour m’assurer que je ne me trompais pas et j’ai souri dans ma barbe imaginaire. Quand je t’ai donné des détails de ton anecdote, tu t’es exclamé : « Ah, tu vois je radote déjà! Qu’est-ce que ce sera quand j’aurai 100 ans! » Tu discernais les premiers signes de la vieillesse. Moi je riais. Parce que je sais que les répétitions ne sont pas l’apanage de l’âge. Tu me diras que ça me rassure de croire à cela parce que je serai toujours plus vieille que toi.

Il y a des histoires qu’on porte aux oreilles d’autrui parce qu’elles nous font rire. Elles nous mettent en valeur ou au contraire nous montrent dans notre plus sincère ridicule. Quoiqu’il en soit, on les narre à tout venant, parce qu’elles ne sont pas menaçantes pour nous. On se pointe du doigt, on se marre à nos dépends, en étant les premiers à le faire pour éviter que d’autres nous mettent sous le nez nos propres travers en mettant l’accent sur les détails qu’on évite, plus ou moins sciemment. On entre alors dans une zone de confort qui nous permet de ne pas nous dévoiler plus avant. Je crois que plus on connaît quelqu’un, moins souvent on répète les mêmes histoires. Comme si tranquillement on se défaisait pelures étanches qui nous donnent l’impression de nous protéger d’un certain danger.

Lorsque je sévis dans les sphères sociales, je me sens l’obligation d’être drôle. De toute manière, ça passe toujours un peu mal quand je réponds autre chose que « bien » au sempiternel « comment ça va ». Je veux me faire apprécier, comme tout le monde, j’imagine. Alors je me drape de légèreté. J’ai mes tabous et mes faiblesses que je préfère garder pour moi ou encore partager avec des gens en qui j’ai pleine confiance. Et même à ce stade, je garde pour moi ce que je considère comme des informations qui pourraient être retenues contre moi. Il y a bien quelques personnes qui ne me laissent aucune chance de taire mes secrets, celles-ci respectent mes pudeurs et attendent que les mots sortent d’eux-mêmes; de ma plume ou de ma bouche.

Je choisis de dire ce que je veux bien dire. Ici ou ailleurs. En un peu plus d’un an, mes chemins se sont pavés d’éléments redondants. Je ne dévoile de moi que ce que je veux bien livrer. Quels que soient les propos que je tiens, j’ouvre mon cœur dans les espaces où il n’est pas fragile. Pas trop. Depuis quelques semaines, je sais bien que je suis prise sous le joug de mon censeur. Il est grand, tenace et froid. Il égratigne mes frustrations que je ne me sens pas le droit de crier. Parce que chacun de mes accrocs porte un nom. Alors je répète sans cesse les mêmes histoires, avec des nouveaux mots, des nouvelles images. Alors je me confine dans ces petits riens qui parlent de ce qui m’est sécurisant de montrer. Mes bons coups, le fait que j’ai appris à rire de moi, mes amours passées, mes amitiés tenaces, mes envies d’écrire. Tous ces pans de ma vie qui me dévoilent sans me déshabiller.

Non, on ne se répète pas tant parce que notre mémoire est courte. Je crois moi, moi qu’on se coltine dans des formules qui nous font bien, parce que c’est beaucoup plus rassurant que de se lancer, tête première, dans nos plus grandes vérités.

mercredi, avril 26, 2006

Des rives

J’ai vu des phares se dresser sur les falaises de mes heurts, inondant de lumières les nuits insomniaques de mes angoisses, sans réaliser qu’ils tentaient me montrer une voie sans récifs. Des hommes qui me tendaient une main que je refusais nonchalamment puisque je ne la voyais pas. Un souvenir surgit de l’enfance dans le regard de qui je discernais toutes les splendeurs que je ne me reconnaissais pas. Et les silences qui vinrent assommer une affirmation prouvant que mon indifférence involontaire était une arme plus sanglante que toutes les insultes que j’aurais pu cracher. J’ai senti mon cœur se rebeller contre une attirance que je ne voulais pas provoquer, attisant ma gêne et mes maladresses. Je me suis sentie brûler sous un acier pénétrant toutes mes pores, burinant mes tripes des malaises insondables de mes peurs.

J’ai erré sur les rives des océans qui auraient pu m’emmener vers des destinations aussi exotiques que lointaines, me cramponnant aux berges de mes connus pour n’avoir pas à faire les sauts nécessaires à une véritable transformation. J’ai détourné les lanternes qui auraient pu éclairer les brouillards de mes peines de cette lumière blafarde déchirante de nuages. J’ai passé les sept dernières années à me convaincre qu’on ne pouvait pas être amoureux de moi dans mon essence. Alors je me suis lancée à corps perdu dans des conquêtes vides de sens, alors j’ai crié que je ne voulais rien. Puis j’ai accusé le monde entier de mes travers, nommant ça et là des responsables individuels pour décharger mes cales de mes propres responsabilités. Paradoxalement, je cultivais la culpabilité comme une amulette que je faisais tourner entre mes doigts.

J’ai été l’épave de mes écueils, la reine de mes tempêtes, la diva de mes drames. Je me suis enfouie sous les mers agitées de mes frustrations. Riant trop fort pour cacher mes peines. Criant trop fort pour être vraie. J’ai exigé toute l’attention du monde, quémander le follow spot, attirer le mépris pour me donner raison. J’ai cassé mes larmes sur le dos des vaisseaux qui me menaçaient. Réduisant mes faiblesses au silence. J’ai promené une désinvolture que je ne ressentais pas pour me protéger contre les assauts des corsaires qui hantaient mes fantasmes. J’ai oublié que de baisser les épaules, quelquefois, était nécessaire. Je me suis lancée à la proue des conquêtes qui ne voulaient pas de moi. Courant les échecs comme d’autres cherchent des trésors.

Je me suis laisser choir sur des plages de galets tranchants pour voir mon sang couler, pour me rassurer quand à mon état de vivante. Je me suis fait hara kiri devant des bourreaux innocents, les accusant de tous mes maux. Je me suis fait victime pour la pitié. Et je me suis choquée d’en faire l’objet.

Aujourd’hui, je tente de reprendre le balan de mes dérives inachevées, infinies.

mardi, avril 25, 2006

Fatiguée

Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip!

J’émerge. Il fait gris, la pluie est froide comme un jour de novembre. Dans mon esprit aussi brumeux que la température extérieure, j’entends encore résonner une sonnerie de plus en plus forte. Je ne sais pas ce qui produit ce son exténuant qui brise ma torpeur. L’heure est entre loup et chien. Le noir de la nuit ne fait pas encore place à la grisaille de ce jour sans soleil. Je ne sais pas si c’est la sonnerie de mon école secondaire dans laquelle j’erre depuis les petites heures du matin ou bien quelque chose de réel, dans le monde des vivants. J’ouvre mes yeux bouffis par les larmes qui ont bercé ma soirée. L’horloge marque 6h00 du matin, c’est mon dimanche. Je sais que je n’ai trouvé le sommeil que très tard dans la nuit. Il me semble avoir vu passer toutes les heures comme des rappels de mon insomnie qui caressaient mes sanglots meurtris.

Bi-bip! Bi-bip! Bi-bip! Biiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip!

Le bruit est un rappel à l’ordre. Je m’assieds dans mon lit, hagarde, et je repense à tout le fiel qu’on s’est lancé par la tête dans les dernières heures. Jamais je n’aurais cru qu’on se rendrait-là. Je voulais juste te dire que j’étais lasse de ces piques qui me chatouillent l’estime personnelle, ces sous-entendus qui font de moi une dépravée dans tes paroles incisives. Je voudrais simplement vivre sans avoir à faire face à une smala de questions à toutes les fois où je choisi de ne pas être à toi pour une soirée. Je voulais uniquement que tu comprennes que, quel que soit l’étendue de l’amour que je te porte, je ne suis pas à toi. Je ne suis à personne. Sinon à moi. Mais tu t’entêtes depuis des mois à me considérer comme l’objet de tes désirs sans tenir compte de mes propres envies. Tu me dis que tu m’aimes et qui si je t’aimais en retour je devrais toujours vouloir être avec toi quand tu es disponible.

Je suis épuisée de sentir ton regard peser sur ma nuque quand tu me vois parler à un autre homme. Encore plus harassée de savoir que tu me questionneras sans relâche sur tous le propos échangés. Tannée de te mentir sur mes activités lorsque tu n’es pas là pour n’avoir pas à justifier tous mes gestes. J’ai tenu le fort le plus longtemps possible, tenté de toutes mes forces de rester amoureuse. L’étincelle est morte, étouffée de questions. Et tu me regardais tristement en me disant que tu m’aimais encore. Mais sais-tu ce que ça veut dire aimer? J’en doute ce matin, acculée par ma peine. J’en doute ce matin éventrée par ta phrase assassine : « Ça me fait chier de faire tous ces kilomètres pour te voir et que tu ne veuilles pas baiser avec moi ». Tu venais de me dire que j’étais un assouvissement sexuel facile. Pas une femme qu’on aime.

Biiiiiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip! Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip!

Le son hallucinant ne s’est toujours pas tu. Je me lève en ébrouant ma torpeur et m’avance dans l’atmosphère cotonnée de cette aube que je n’aurais pas voulu voir se lever. Sur la commode de ta chambre, le cadran sonne encore, souvenir d’un départ en coup de vent dans les larmes qui blessent et les mots qu’on aurait mieux fait de taire.

vendredi, avril 21, 2006

Tu m'énerves

Ceci est une déclaration à tous mes amis vraiment proches qui sauront sans doute se reconnaître au détour d'une phrase où d'une interrogation.

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Tu m’énerves quand tu lis entre mes lignes les mots que je ne voudrais pas tracer, quand tu me débusques aux confins de mes retranchements muets et que je ne puis rien faire d’autre qu’acquiescer. Ça me mets en rogne de te sentir t’infiltrer dans ma tête lorsque je ne m’y attendais pas. Comme si tu t’étais prévalu d’un passe-partout que toutes mes barrières ne savent pas déceler. Tu m’énerves quand, de ton chez-toi lointain, tu m’annonces que tu sais que je ne vais pas si bien que cela parce que tu connais mes silences mieux que moi-même. Surtout quand je ne veux pas que tu me soulignes le manque d’importance que je m’accorde et que tu me signales, le plus naturellement du monde, qu’une Mathilde qui n’écrit pas ne peut pas être une Mathilde heureuse. Ça me fait chier de te voir avaler les kilomètres et les non-dits comme si je t’en avais donné l’autorisation. Tu me tapes sur les nerfs quand tu me dis que tu m’aimes et que j’ai le goût de me complaire dans mon marasme.

Tu m’énerves quand tu m’envoies un courriel tellement plein de questions pertinentes que j’ai l’impression d’être toute nue devant l’Univers. T’as ce dont de retontir à toutes les fois où je me suis dit que je n’écrirais rien cette journée-là, me forçant à regarder le papier dans le blanc des yeux, comme si tu connaissais la formule magique qui préside à ma créativité. Et je me sens tenue de t’ouvrir mes tripes, parce que je sais que tu sauras tout ce que j’essaierai de te cacher. Et je me sens tenue de me regarder dans le plus profond de mon identité pour éviter l’amusé de ton regard qui sait que je me mens. Tu m’énerves parce que je sais où commencera ma réponse, mais jamais où elle se terminera. Et je me retrouve tout le temps en train de te dévoiler ces choses que je ne dis pas; que je ne sais même pas de moi.

Tu m’énerves quand tu m’obliges à regarder mes petites jalousies, me poussant à m’apercevoir de l’importance réelle de ce que telle personne ou tel événement ont sur moi. Tu m’énerves quand tu me fais réaliser à quel point je suis imparfaite et envieuse des bonheurs qui peuplent les vies que je côtoie, mais qui ne sont pas les miens. Tu m’énerves quand je ne veux pas admettre quelque chose pendant que le bleu de tes yeux me darde de cette étincelle qui me connaît tant et tellement et que je fini par te dire : « vas chier » parce qu’évidemment, tu sais mieux que moi ce qui me taraude en réalité. Parce que tu ne me laisses aucune chance de me cacher dans mes raisonnements logiques qui dissimulent toutes mes fragilités.

Tu m’énerves quand tu m’aimes malgré moi, quand tu me dis que je te manque et que je sais que c’est vrai. Tu m’énerves quand tu m’affirmes que tu ne me changerais pas. Tu m’énerves quand tu souris du fond du cœur et que je sens que quelque chose en moi est touché. Tu m’énerves de m’aimer ainsi, parce que je t’aime aussi.

mercredi, avril 19, 2006

Je vous écris comme je vous aime

J'ai écrit ce texte parce que j'ai placé une nouveauté en libraire qui porte le même titre que ce billet, une inspiration volée à un auteur dont j'ai oublié le nom.

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J’avais la calligraphie hésitante et l’orthographe fantaisiste lorsque je me suis mise à tracer mes histoires de cœur sur les lignes de mes journaux violentés. J’ai coloré à, ce jour, des tonnes de feuilles qui exprimaient, mes doutes et mes colères et parsemaient mes itinéraires de cette quête sans âge que je poursuis. J’aurais voulu qu’on me choisisse, qu’on me déclame, qu’on me vénère. J’aurais voulu ne pas avoir à faire d’efforts pour être aimée, profondément. J’aurais préféré éviter les récifs de mes abandons et de mes solitudes. Mais je ne suis qu’une femme, pas une déesse ni un ange. Je ne suis qu’une femme pétrie de peurs et de contradictions.

Pour m’attacher à vous, je vous écris comme je vous aime. Une entrave dans vos gestes que je tisse doucement. J’ouvre mon cœur comme d’autres ouvrent les portes des demeures dont ils sont les gardiens. Je vous laisse toucher les palpitations qui frémissent mes organes et la chaleur qui s’en dégage. Je vous écris comme je vous aime, mais je reste féline et ne me laisse caresser qu’à mes heures et à mes conditions, comme si vos sentiments n’avaient que peu à voir avec les exigences que je porte telles des écharpes de soies, fragiles et ostentatoires. Je vous écris comme je vous aime dans un mouvement de défense qui traverse vos murailles formant des brèches qui s'érodent avec le temps.

Il y a des amours qui fleurissent les pavés des villes à venir. Il y a des histoires qui se cisèlent au gré des intempéries, comme un rocher creusé par les ressacs des mers. J’ai traité mes propres histoires comme des places fortes à envahir tapant du pied et de l’impatience lorsque les murs d’enceinte me résistaient. Certaine qu’en ayant à me battre comme une forcenée pour atteindre mes objectifs, qu’en souffrant des famines qui en découlent, je pourrais atteindre la plénitude des amours que chantaient les troubadours de la cours d’Aliénor d’Aquitaine. Et lorsqu’on m’assiégeait, je repoussais inlassablement les assauts semant les pièges et les accrocs dans tous les passages de mon royaume, provoquant, de ce fait, mille trahisons que je pouvais, par la suite, montrer du doigt.

Je vous écris comme je vous aime pour me montrer indispensable sans jamais croire vos paroles lorsque vous me dites que vous m’aimez de retour. Comme si cette faculté ne vous était pas acquise. Comme si, moins que tout autre sur cette planète, je méritais d’être aimée. Vous me direz que vous me trouvez belle que je n’entendrai pas ces paroles, mais me concentrerai sur le venin d’un reproche à peine formulé qui, à vos yeux, n’aura pas d’importance. Vous me direz que je suis suffisante en moi-même et je crierai à l’inconfort devant cette situation que je ne connais pas. Je vous repousserai de la paume de la main tout en vous écrivant que je vous aime, pour vous lier à moi.

mardi, avril 18, 2006

La princesse et l'hippocampe

C’était une princesse de Noël, dans sa robe évasée et ses délicats escarpins qui donnaient l’impression de la voir sortir d’une cours du XIXe siècle. Elle avait attendu son prince, impatiemment, toute la soirée et j’avais pu voir ce soulagement sans réserve quand il avait franchi la double porte assez tard dans la soirée. Un oasis qui se déplace pour protéger la belle. Il y avait dans leurs échanges, leurs regards et leurs rires, cette complicité propre à ceux qui se connaissent et s’aiment profondément. Poser les yeux sur eux, c’était s’abreuver de paix. Il était évident qu’ils étaient seuls dans leur monde amoureux, sans doute et sans hésitation. Ils étaient seuls, mais forts. Je les observais de loin, fascinée par cet amour qui transperçait l’espace et le temps. Ils on quitté la fête parmi les premiers, las de toute l’agitation qui nous entouraient. La princesse portait une fatigue immuable en elle-même que son prince ne voulait pas voir trop s’étendre. Derrière leurs pas qui s’éloignaient, la salle perdit un peu de sa splendeur, mais on voyait ça et là, impressions de leur passage. Comme une fleur oubliée sur une table, qui ne fane pas.

Quelques semaines plus tard, la princesse est devenue régente de son royaume. Fière future maman de l’héritier de cet amour qui s’étalait en corolle autour d’eux. Elle portait la vie. La suite. Elle traversait les places publiques, forte comme un bélier, malgré sa petite taille et ses os menus. Son nouveau statut lui donnait de l’assurance. Elle me racontait les décisions à prendre pour fabriquer cet héritage, les bouleversements à venir dans la vie de son roi et d’elle-même. Elle me racontait les responsabilités et les dangers. Elle savait qu’elle n’aurait pas un million de chances, coincée qu’elle était par une santé sous surveillance. Elle était jeune et resplendissante. Sa bédaine pas encore apparente lui donnait du coffre, du souffle, de l’espoir. Dans son rire brillait désormais une sagesse que je ne lui connaissais pas auparavant.

Elle est venue me voir une semaine plus tard, convulsée de larmes. La veille, elle avait saigné jusqu’à la lie cette vie qui grandissait en elle. La veille, elle s’était écrasée impuissante contre le mur de toilettes publiques, tentant tant bien que mal de retenir cet asticot qui désertait ses chairs. Elle pleurait des larmes pluriséculaires, une douleur hors du temps, cette perte qui vrille le cœur et décourage l’espoir. Elle traînait autour d’elle un parfum de tristesse que j’aurais aimé pouvoir chasser d’un coup de baguette. Mais je n’en avais pas. Quelques jours plus tard, elle est allée voir un médecin à cause de la violence des événements récents. Et c’est là qu’ils ont découvert, un minuscule hippocampe, fermement accroché à sa paroi utérine. Il avait bravé l’ouragan et restait-là, tout beau et plein de vie à narguer les pires prédictions. Un petit Prince voulant éclore.

Depuis ce temps l’hippocampe a bien changé. Il a pris toutes sortes de forme passant à la crevette puis au têtard, faisant de son habitacle maternel un véritable aquarium. Maintenant, il ressemble à un petit garçon, encore un peu fragile pour sortir de sa maison. Mais moi, quand je vois la nouvelle reine croiser mon chemin, je dis toujours et à jamais : « Alors Madame Hippocampe, vous allez bien tous les deux? » Elle me sourit sans me reprendre, parce qu’elle sait très bien que son bébé restera toujours le prince des hippocampes, puisque c’est sous cette apparence qu’il nous a montré sa fureur de vivre.

mercredi, avril 12, 2006

Je ne t'aime pas

Elle triturait le sous-verre en se disant qu’elle en avait plus qu’assez. Assez d’être plus seule et plus forte que supposé. Assez de ne pas avoir le droit crouler dans les larmes salvatrices puisque personne ne pouvait l’imaginer faillir. Aussi loin qu’elle se souvenait, elle avait toujours endossé le rôle de la psy avec les gens qui l’entouraient. Toujours mis un sourire sur son visage, de l’entrain dans leur vie. Désormais, elle était épuisée. Morte avant l’arrivée. Seule dans la coquille qu’elle s’était forgée pour ne pas déplaire. Prise dans un donjon imprenable dont elle n’était plus certaine d’avoir la clef. Elle n’était même plus certaine d’avoir les indices pour se décoder elle-même. Elle traînait sa bonne humeur comme un boulet. Plus lourd que toutes les peines des condamnés. Elle aurait tant voulu qu’un magicien vienne éclairer sa forteresse de ses solutions sans heurts. Elle aurait voulu croire qu’un méchant roi la tenait prisonnière dans sa tanière et que n’importe quel preux chevalier pourrait venir la secourir. Mais elle savait qu’il n’en était rien. Elle savait être la seule responsable de cette distance.

Au lieu de lui dire : « Tu me plais, j’aimerais bien te plaire, » elle lui avait demandé de lui laisser de l’espace pour respirer. Penaud, il était parti. Retourné jusqu’au fond des douleurs. Il avait contenu sa petite tragédie toute personnelle, endigué les éclats de chagrin, ri quand il ne fallait pas. Il n’avait rien compris. Elle l’avait regardé partir en apparente indifférence, faisant comme si rien de tout cela ne l’atteignait vraiment. Il était revenu quelques mois plus tard, lui dire qu’elle était la seule à hanter ses rêves. Elle avait sourit, sachant très bien qu’il disait vrai. Elle avait dit : « je ne t’aime pas », comme on annonce le beau temps, contenant à grand peine l’envie de lui hurler de sacrer son camp, de déguerpir, menacée qu’elle était de cet amour sans borne qui la déchirait davantage que tous les abandons qu’elle avait essuyés. Elle était plantée dans la peur. Alors elle disait que l’amour faisait trop mal pour qu’on s’y attarde. Alors elle disait n’importe quoi pour justifier le fait qu’elle le repoussait.

Lorsque d’autres hommes se présentaient sur le pas de sa vie, elle se réfugiait invariablement dans son donjon. Elle égrenait les souvenirs de ses amours meurtries, tapissant son avenir des nostalgies que miroitaient son âme. Elle accusait son corps, sa vie, des responsabilités trop tôt drapées sur ses épaules. Elle criait que la solitude n’était pas un fardeau, qu’elle n’avait pas envie de pis-aller. Elle était forte et ne pleurerait pas. Elle accusait les coups, les déchirures, les désillusions. Elle riait à en perdre le nord, elle riait pour chasser les fantômes. Elle riait d’elle-même et des autres pour n’avoir pas à avouer son inconfort. Elle disait que le bonheur était dans les petites phrases de la vie, ces perles qu’elle réussissait à construire à partir du vide. Elle faisait fi de ses angoisses, les chassant des gestes désinvoltes qu’elle avait appris par cœur. Elle répétait : « je ne t’aime pas. »

Dans le creux de l’hiver, à la brunante ce soir-là, elle se disait que les donjons étaient de bien tristes forteresses dans un monde où les magiciens n’existaient pas.

mardi, avril 11, 2006

L"innocence m'aime

Je vous ai annoncé, il y a un mois, que j'avais été publiée dans une revue littéraire. Voici le texte que j'avais pondu. Maintenant que le numéro dans lequel on m'a publiée est retiré des tablettes, je crois qu'il est temps que je vous le présente.
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La toute première fois, je n’étais pas encore un homme. Il y avait cette femme à la maison, une amie de ma mère, qui laissait planer son regard sur moi. Insistant. La toute première fois, sa poitrine était lourde, son ventre distendu, sa peau un peu ridée sous mes doigts gourds. Ce soir-là, j’ai payé la drogue de ma mère de mon corps. Mon enfance s’est échouée sur les rives d’une vie adulte trop vite arrivée. Dans les ronronnements langoureux des gestes du désir, j’ai sniffé ma première ligne de coke. J’avais onze ans. La toute première fois, ma mère m’avait vendu.

Cette amie est revenue souvent. Profitant de chaque moment de manque pour réclamer son dû sur mon corps. Elle m’a initié aux frissons, aux formes, à lire les nervures des corps et des coups. Elle a regardé mon corps se transformer. Devenir grand et puissant. Grand dans tous ses angles. Elle a écouté ma voix se casser sur les octaves de ma mue. Elle a posé ses ongles laqués, en silence, sur mes interdits, bravant les convenances, me poussant jusqu’à l’extrême. Elle m’a appris la retenue, l’écoute silencieuse de mes doigts aux aguets. Moi je plongeais dans la drogue. Course folle pour atteindre l’éphémère du bonheur. Les sensations n’étaient jamais assez fortes. Les drogues insuffisantes, mes prestations défaillantes à combler les frais de mes déficits euphoriques.

L’Ogresse m’a présenté d’autres maîtresses. Des hommes aussi, parfois. J’avais le corps en varicelle, piqueté des déchirures étoilées des aiguilles. Je me jetais dans la mort à toute force. Trop de vécu sur mes épaules. Elle me tenait en laisse. Pris dans le piège du silence. Fragile que j’étais à toute forme de dénonciation, je ne pouvais pas la quitter. Elle me dévorait, exigeait, en redemandait. J’étais son joujou, son homme. J’étais son oxygène, son péché nécessaire, sa tentation suprême. J’étais son gagne-pain. Un jour, je ne suis plus arrivé à rien. Ni a feindre le bonheur, ni à bander.

Alors je me suis enfui.

Je savais qu’elle me chercherait. J’étais sa construction, sa chose. Je suis donc allé assez loin pour avoir la paix un certain temps. J’ai reconstruit ma vie, posé un masque de respectabilité sur mes joues; fait comme si mon passé ne me touchait pas. J’ai arrêté la drogue d’un coup sec, tout seul. Je suis devenu froid. Calculateur et froid. Rien ne me touchait plus. Ni physiquement, ni autrement.

Puis, j’ai entendu un rire. J’ai frissonné de tout mon être. Des perles pour les oreilles. Un peu de candeur dans beaucoup d’innocence. Cette fille-là ne venait pas de l’Enfer. Je suis retourné souvent sur ce coin de rue, la voir. Elle ne me remarquait pas vraiment. De temps à autre, j’avais droit à un léger hochement de tête en signe de reconnaissance. Mon cœur faisait dix-huit tours et manquait un battement. Je restais muet à la regarder, l’air hagard. Incapable de dire quoique ce soit.

J’étais assis sur un banc de parc lorsqu’elle s’est glissée à côté de moi, une étincelle malicieuse dans les yeux. « Moi c’est Manu, mais tu le sais déjà. Toi t’es qui? » Qui je suis? C’est la question la plus difficile qu’on m’ait posé. J’ai réussi à bredouiller un « Sylvain » pas trop convaincant. Elle a sourit. Elle m’a demandé : « Tu me trouves de ton goût, hein?»

Si je la trouve de mon goût? J’aurais voulu hurler. Lui dire que c’était plus que cela, qu’elle ne pouvait pas comprendre, que personne ne pouvait comprendre. À la place, j’ai hoché la tête comme un enfant qui avoue sa faute : timide et rougissant. Nouveau sourire, nouveaux papillons. Un hit plus puissant qu’avec n’importe quelle drogue. Elle a pris ma main avant de dire : « Ça tombe bien, moi aussi. »

Une toute petite menotte dans ma grosse main calleuse d’homme. Un oiseau perdu dans une caverne. Je voulais lui dire de partir; que je n’étais pas pour elle, que je lui ferais du mal, que mon cœur était tout rabougri, tout flétri. Elle a porté ma main à ses lèvres simplement. Un pétale humide sur du roc.

Je ne sais pas comment je me suis retrouvé dans son salon baigné de lumière. Elle a pris ma bouche, caressé mes tempes, posé mille baisers sur mon visage. Comme si c’était le plus beau tableau du monde. Moi qui avais tout fait, avec toute sorte de gens, j’étais démuni, perdu, sans aucun repère. Et ce corps chaud qui me parlait d’amour et de tendresse plus encore que de luxure. Mes mains tremblaient sur sa peau soyeuse, cherchant à reproduire des gestes connus qu’elles ne savaient plus faire. Manu a ployé le cou, un cygne s’est envolé sur sa nuque; une offrande de délices. Des embruns de rire heureux ont égrenés les heures. Je la touchais, c’était beau.

Je pensais depuis longtemps que le sexe sans la drogue manquait de saveur. J’ai compris que le sexe sans amour était vide.

Je suis parti deux jours plus tard. Sans rien dire. En restant, je l’aurais souillée de ma lourdeur. Je lui ai murmuré merci en fermant la porte sur son sommeil. Je suis retourné au village. J’ai dit à ma mère qu’elle n’aurait pas dû vendre mon enfance; que je ne lui pardonnais pas. L’Ogresse était là. Avec son nouveau chum, plus jeune que moi. Dans ses yeux, la même fêlure que dans les miens. Une autre enfance censurée.

J’ai tué l’Ogresse, lentement. Et je me suis dénoncé.

Manu n’a jamais eu de mes nouvelles.

lundi, avril 10, 2006

Vingt ans encore

Voici ma contribution pour le Coïtus impromptus de la semaine.
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Petite fille, je croyais qu’à vingt ans, on étaient vieux. J’étais persuadée que je serais alors femme et mère. J’ai toujours su avec qui je me marierais. Mais mon prince changeait au gré des histoires qu’on me racontait. Je croyais qu’à vingt ans, on savait déjà tout. Qu’il n’y avait plus d’inconnu, que des certitudes. Et surtout, cette liberté sans bornes échue aux grandes personnes, celle de se coucher à l’heure qu’elles veulent. Quand j’avais huit ans, vraiment, avoir vingt ans était l’essence même du bonheur. Entre cette enfance et aujourd’hui, j’ai fait un certain nombre de choix, d’erreurs aussi. J’ai une allergie profonde pour les gens qui gardent tout. Sans doute parce que j’ai eu à cohabiter longtemps avec ce type de personne qui donne l’impression, souvent, que ses souvenirs sont plus importants que les gens qui s’animent autour d’elle dans le présent. Alors j’ai jeté tout ce que j’ai pu écrire avant 1997.

Cependant, je me souviens qu’à vingt ans j’écrivais à répétition que j’étais une jeune personne que l’on ne pouvait qualifier ni d’adolescente ni de femme. Je me sentais prise entre deux. Je n’étais ni la chair ni l’écorce de moi-même. Je ne savais pas, je ne me voyais pas. Je me débattais avec des valeurs romantiques à souhait, désirant à toute force ne jamais me tromper ni dans mes choix amoureux ni dans mes choix scolaires ou professionnels. Je caressais ce rêve de réussite, en ligne droite. Je me voyais avec homme et enfants dans une grande maison. Mes chimères ont toujours rêvé d’un Prince sur son blanc destrier qui me sauverait de cette vie sans conduite. Paradoxalement, j’ai foncé vers l’inconnu, en bon taureau que je suis, donnant ce faisant l’impression que j’étais tout sauf une personne qui désire être prise en charge.

Je crois que j’avais lâché prise. Que je ne voulais pas me définir. À vingt ans, je rêvais encore au King de la récré. Même si nous ne nous étions pas vus depuis près de 10 ans. Il était mon ennemi intime, le bourreau désigné de mes heurts. Quand ce n’était pas de sa faute, j’imputais à bien des gens autour de moi, mes lacunes. Un pas dans la facilité. Pourquoi prendre la décision moi-même quand je pouvais laisser à d’autres le soin d’être responsables de toutes mes peines? Je disais que je voulais écrire, mais je me suis repliée dans un silence qui s’affirmait stratégique, quand au fond il n’en était rien. Je disais que je m’écoeurait d’écrire des histoires qui finissaient toujours par tourner autour du cœur et que je voulais apprendre à me détacher de cette écriture rose bonbon. Foutaises! Je crois que j’en ai au moins pour vingt ans encore, à raconter les mêmes histoires qui s’accrochent aux émotions, que ça me plaise ou non.

Je ne voudrais plus avoir vingt ans, malgré le fait que je croyais que la vie me réservait des tonnes de promesses, comme la nature au printemps. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour fuir toujours vers l’avant les symptômes qui m’ont menée au pays des zombies. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour attendre qu’un chevalier me délivre de ma vie. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour attendre simplement.

Mais quelquefois quand les heures s’effeuillent sur mon calendrier, que ma boite de réception et mon téléphone restent muets, je me rends à l’évidence que j’ai vingt ans encore lorsque vient le temps d’espérer trop fort.


dimanche, avril 09, 2006

Des vautours et une souricette

Sur les routes desséchées de nos heures, il y a des escaliers qui bousculent. Quelquefois, on fait des rencontres qui ne donnent pas l’impression de porter un sens particulier, puis le fil du temps déploie l’étoffe des possibilités et on s’aperçoit qu’il existe autre chose que les apparences extérieures. Il y a des ces filles qui m’ont surprise à travers le temps. Et qui m’ont plu aussi, amicalement. J’en connais une qui m’a tellement exaspéré, au départ, que je pensais sincèrement qu’on en resterait toujours au stade des connaissances fortuites. Je me rappelle de lui avoir dit qu’elle en faisait trop, qu’elle en demandait trop aux hommes qui l’entouraient. C’était avant que je comprenne. Cette fille porte son isolement comme si ce n’était pas lourd. Elle porte des cicatrices qui auraient tué un tigre. Pourtant, lorsqu’on la regarde elle donne l’impression d’être un oiselet, tout frêle et délicat.

Elle me touche dans sa détermination. Elle me touche parce qu’elle continue à mordre dans l’existence, malgré les coups qui auraient assommé la plupart d’entre nous. Depuis quelques semaines elle se présente devant moi drapée dans une tristesse si profonde que j’ai le cœur gros à chaque instant. Je ne pleurerai pas cette fois, non pas par orgueil, mais pour la préserver, elle. On a conclu un pacte ensemble : quand le glas sonnera l’heure dite, nous porterons un toast à l’avenir et nous pleurerons la disparition, toutes les deux. J’y tiens. Depuis quelques semaines, des gens qu’on connaît me demandent de ses nouvelles et j’en donne aussi à tous ceux qui omettent de me poser la question. Il y a des choses qu’on ne peut pas continuer de taire. Il y a des douleurs qu’il faut ébruiter. Ce qu’elle fait d’ailleurs très bien.

Elle nous raconte, sans fausse pudeur, les bassesses dont font preuve les vautours qui se sentent prêts à n’importe quoi pour avoir un peu du butin. Je la vois bien parer les vrilles à coups de gourdins, mais nous savons qu’elle finira par perdre quelques plumes, malgré toute la hargne qu’elle met à défendre ceux qu’elle aime. Elle nous raconte ses défaites de la même manière qu’elle nous racontait ses histoires de cœur qui ne la menaient nulle part. Étrangement, malgré la similitude du discours, elle a beaucoup changé. Elle ne me croit pas. Et pourtant, tous les indices sont présents pour confirmer mon impression. Elle ne me croit pas cependant elle commence à se douter que je n’ai pas complètement tort. À preuve, lorsque je lui dis qu’elle est une belle fille, elle me répond « merci » plutôt que « ben voyons! »

Sur les routes desséchées de nos heures, il y a des gens que l’on croise mine de rien et ceux-ci participeront à faire de nous de plus belles personnes. D’habitude, je n’écris pas la fin de semaine, par manque de temps. Ce matin, quand je me suis levée, il y avait un commentaire de cette fille-là, qui était triste de n’avoir rien à lire parce qu’on était samedi. Alors, j’ai décidé de vous l’écrire, pour la consoler, un peu.

vendredi, avril 07, 2006

La pulpe des mots

Il s’étonnait chaque fois qu’il rencontrait ces gens qui carburent à des histoires de passion tout droit sorties de la littérature. Un peu en dehors du réel. Il me disait : « Ça ne m’arrivera jamais. » Penaud. On savait bien tous les deux que ce n’étaient que des balivernes, qu’un jour, un jour il s’en irait si loin que je ne pourrais plus le rejoindre. On riait de ce malaise qu’il porte en lui, cet inconfort qui lui fait fuir la foule et ces rencontres sans importance. Ces moments où il me tend la main, pour s’accrocher à la terre, parce que le monde a toujours été trop grand pour lui. Parce que le monde a toujours été trop petit aussi. Il fuyait les hasards qui rencontrent des dialogues à refaire. Il ne voulait pas qu’on le perçoive et qu’on le reconnaisse.

Il me parlait des femmes de sa vie. Celles qui avaient croisé son chemin et celles qu’il voulait dans un quelconque avenir. Il murmurait des promesses à mon oreille attentive. Ces gestes qu’il déploierait pour se rendre jusqu’à elles. Il me disait : « Je prendrai sa main comme on tient un oiseau. Je caresserais ses doigts pour en connaître toutes les textures et ainsi reconnaître chacune de leurs inflexions sur ma peau, quand elle caressera mon dos. » Il me racontait le ton de la voix, le pétillant du regard. Il me racontait les détails que j’aurais préféré ignorer, me décrivait ce corps dans lequel il vivait, sans complaisance. Il m’en montrait les bleus et les défauts. Il pressait ma main sur sa poitrine pour me faire sentir le râle qui s’en échappait tout le temps. Il me disait : « je suis blême. » Et c’était vrai.

Il m’affirmait qu’il ne croyait plus en rien. Ni en l’amour ni en l’amitié. Il pensait qu’il ne croyait plus en moi, en nous. Je le regardais s’époumoner sur les falaises de ses craintes et je le berçais des heures durant. On pleurait en silence, abîmés par la vie. Trop jeunes pour mourir. Trop vieux pour vivre. Je lui racontais ma solitude, mes abysses. Il caressait ma chevelure emmêlée de ses doigts gourds. Je le laissais aller plus près de moi que quiconque avant lui. Je lui confiais mes rêves et mes projets. Un temps avant de réaliser qu’ils m’habitaient. Il embrassait mes tempes et déclarait qu’il y croyait. Plus fort que moi, plus clairement que moi. Il dessinait une colline là où je voyais une muraille infranchissable, il me poussait dans le dos juste assez pour la montée. Je me sentais plus légère et je ne tombais pas.

Il m’écrivait les poèmes qui traçaient son cœur. Il me disait que j’étais belle, qu’il aurait voulu être amoureux de moi, que ça aurait été plus simple comme cela. Moi, je savais qu’il me mentait. Il était amoureux des mystères, des inconnues. Il s’était toujours fait magicien, illusionniste pour ses femmes de désir. Il ne pouvait être amoureux de moi puisqu’on se connaissait jusque dans la pulpe des mots.

jeudi, avril 06, 2006

La bonne question

Il y a des traits qu’on porte comme des caricatures de nous-mêmes. Je n’avais pas vingt ans, c’était une classe de psychologie et on devait écrire comment on voyait l’avenir de nos compagnons. Dans ce groupe, on me voyait mère. Femme au foyer avec des dizaines d’enfants. À moi. Pas les enfants des autres. Les miens. On ne me percevait pas comme une femme de carrière. Les réponses pour les autres allaient de médecin à peintre en bâtiment. En passant par toutes les gammes de vie professionnelle possible. Moi, j’étais mère. Simplement. J’ai été insultée. Comme si on me disait que je ne pourrais jamais être quelqu’un en dehors d’une hypothétique maternité. Treize ans plus tard, je ne suis pas une maman. Je ne suis que Mathilde. Pas vraiment professionnelle non plus. Juste Mathilde qui se dépatouille dans la vie, du mieux qu’elle le peut. Par contre, je suis toujours aussi maternante avec les gens qui m’entourent. Je crois que je me suis battue très fort pour devenir n’importe quoi d’autre qu’une maman. Et que j’ai tué dans l’œuf toutes les possibilités de réaliser cette prédiction. En choisissant, inconsciemment, des hommes qui ne seraient jamais les pères de mes enfants.

Il m’a dit : « Je n’ai jamais laissé quelqu’un me consoler comme tu le fais. » De sa part, c’était un aveu de confiance sans limite. Je le savais, je le mesurais, je prenais pleinement l’ampleur du compliment. J’ai posé un baiser sur son front et je me suis tue. On ne s’est jamais revus. Sans doute était-il allé trop loin dans ses possibilités d’intimité. Je ne saurai jamais, cela importe peu, au fond. J’ai passé des heures à prendre sur moi les peines des gens qui m’entourent, à comprendre pourquoi ils agissaient ainsi. À excuser leurs comportements. À pardonner les blessures qu’ils m’infligeaient, pour qu’ils m’aiment. Prendre au compte-goutte leurs balafres, les panser jusqu’à en extraire tout le venin. Pour qu’ils m’aiment. J’ai donné. Mon sang, ma vie, mon âme. J’ai pris tous les reproches qu’on me faisait en tenant compte de ma propre humanité. J’ai prêté le flanc aux épées qui s’avançaient sur moi. Pour qu’ils m’aiment. Et j’ai souri. Forte et fière.

J’ai appris à pleurer, un peu. C’est encore difficile pour moi. Toujours cette peur que ma tristesse, mes lourdeurs fassent fuir les gens que j’apprécie. Pourtant, quand ils sont tristes, je suis-là. Et je les aime autant. Davantage même parfois. Je me sens faillible. Il me semble que je doive en faire un peu plus pour qu’on m’aime. Alors je suis drôle, rapide, conviviale. Ma porte est ouverte, mon cœur et mes oreilles aussi. Je fais les liens, démontre mon intérêt. Je cherche à comprendre. N’empêche que les coups de cochon, je les reçois quand même. Il y a des gens qui sont pris avec moi dans leur vie et ne m’auraient pas choisie. Ils le disent. Je voudrais pouvoir changer le passé, ces moments lors desquels j’ai semé des maux. Je ne peux rien faire d’autre que demander qu’on me pardonne. Je l’ai fait souvent. On ne m’a pas pardonné malgré le fait que j’essayais d’être si gentille, si maternelle et si compréhensive.

On m’a demandé pourquoi je ne m’entourais pas d’enfants qui me rendraient un peu de ce que je donne. J’ai répondu que je manquais de temps. C’est une belle foutaise. En réalité ce qui me manque, c’est le courage de prendre ces parcelles d’amour qu’on voudrait bien m’offrir. Si seulement je me laissais aller.

mercredi, avril 05, 2006

À fendre le coeur

Je trouve souvent des questions tristes dans mes requêtes de recherche. Aujourd'hui, j'ai décidé de répondre à l'une d'entre elles.
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Comment on sait quand un amour est terminé? Qui que tu sois, je ne sais pas quoi te répondre. Je ne connais pas toutes les données de ta réalité. Il y a autant de réponses que d’êtres humains. Ce que je sais par contre, c’est que ça donne rien de rester dans une relation parce qu’on y a déjà été bien. Que ça ne sert encore moins de se fendre le cœur en mille morceaux pour garder quelqu’un qui n’est plus là. Étrangement, quand deux personnes se rencontrent et se plaisent, elles ne se demandent pas pourquoi ça arrive. Elles le prennent, comme un bonbon longuement espéré et le savourent le plus longtemps possible. Quand les sentiments s’éteignent, lorsque la lumière n’est plus qu’un fétu, les questions s’agitent et bousculent tout. On veut des réponses. Et on n’aura de cesse de questionner tant qu’il n’y aura pas une réponse satisfaisante au bout de la ligne. Ces réponses ne viendront jamais de la personne qui nous quitte, parce qu’aucun individu ne s’explique la vie de la même manière. Les réponses sont en nous. Dans nos mots. Je sais aussi que ça fait toujours aussi mal.

J’ai été la larve qui s’accrochait à un homme qui me quittait. Je ne voulais pas. J’étais certaine que personne ne me verrait comme il me voyait. Je n’avais pas tort du reste : chaque perception est propre à l’individu qui la porte. J’aurais voulu qu’il reste et m’aime parce que je l’aimais encore. J’aurais voulu qu’il me fasse des promesses d’amour éternel et j’étais prête à me rouler dans la boue pour gagner un sursis. Au fond de moi, je savais très bien que ça ne pourrait pas durer. J’aurais voulu me l’attacher, là, sur le nœud de mes émotions. Lui faire dire que j’étais Celle. Celle qui était différente de toutes les autres, comme si c’était comparable. J’aurais voulu qu’il me choisisse pour toujours. J’avais cet idéal d’amour infini tatoué dans les chairs : je ne me donnais pas le droit à l’erreur. Mais étaient-ce vraiment des erreurs? J’ai paniqué parce qu’ils ne m’écrivaient pas aussi souvent que moi, j’ai hurlé d’impuissance en comptant les points, me rappelant de tous les détails de leurs carences. Et je croyais de toutes mes tripes que cette souffrance était la preuve de mes amours immuables.

J’ai été celle qui partait aussi. Plus mal en point que lorsqu’on me quittait, en fait. Parce que je voyais toutes les plaies que j’ouvrais. Parce que le sang giclait de ce cœur en sursaut, pour moi. Et que je ne pensais pas mériter cet amour-là. Je me sentais coupable. Coupable d’avoir arrêté d’aimer. Je me jugeais responsable, irrésolue, faible. Responsable de cette douleur que je savais exister. Quelquefois, je suis restée jusqu’à la lie, pour tenir parole. Parce que j’avais promis de toujours être là. Le nectar de ces relations s’est mué en poison. Le mal devenait plus sourd et plus profond. Je les usais jusqu’à ce qu’ils partent pour ne pas avoir à porter l’opprobre de mes manquements. J’ai toujours été bonne dans la fuite. Pourquoi aurais-je porté un coup que d’autres pouvaient porter à ma place. Je n’ai pas eu de courage. Pas souvent. Et les quelques occasions lors desquelles je me suis tenue debout me laissent encore un goût de fer dans la bouche. Je préférerai toujours porter les bleus que les coups.

Je ne sais pas quand on peut deviner la fin de nos amours. Mais j’ai appris que rien ne pourra jamais retenir contre son gré un cœur qui veut s’envoler.

mardi, avril 04, 2006

Vie de comète

La première chose qu’il m’avait dit c’était qu’il refuserait de se faire attacher à une relation une fois de plus. Il voulait bien être mon amoureux, à condition que je lui laisse une certaine forme de liberté. Celle de choisir ses sorties, celle de ne pas l’attendre trop. J’étais jeune, indépendante et fière. Je ne savais pas. Avec le temps, j’ai compris que sa liberté entachait la mienne. Parce que pour le voir, ne serait-ce qu’un minimum, je devais être disponible en tout temps. Il avait ce don de toujours aboutir quand j’avais fini par me botter le derrière pour me concocter une activité. Je voulais tellement qu’il m’aime que je laissais tout tomber, dans la minute, pour profiter de sa présence à lui. J’étais son yoyo. Je ne le savais pas. Je me suis retrouvée, huit mois plus tard, isolée de toute part. J’avais repoussé ma vie dans ses derniers retranchements et je me tenais dans l’antichambre de la sienne. Quand je prévoyais une soirée avec lui, il y avait toujours un impondérable pour venir ternir mes plans. Je restais donc seule. Je n’avais plus d’amis. Et ma famille était loin.

J’ai passé des années ainsi, à attendre qu’il m’abandonne. Ce qu’il ne faisait évidemment pas puisque j’étais si pratique : toujours là pour combler les trous de son horaire, jamais questionneuse. J’étais la risée de son cercle d’amis, je le savais bien. J’étais sa chiffe molle. Je l’aimais et j’étais certaine qu’il m’aimait aussi, ou du moins qu’il finirait par m’aimer si j’étais cette femme de tous ses désirs. Un jour, j’ai craqué. Je lui ai hurlé de ramasser ses choses avant que je ne sois revenue du travail. Je lui ai dit que ma chambre n’était pas son hôtel et que je n’avais plus rien à foutre de sa présence dans ma vie. Ce soir-là, je me suis assise toute seule dans un bar, pour la première fois de ma vie, et j’ai rencontré de nouveaux amis. J’avais l’impression de vivre d’un nouveau souffle. Je n’étais plus seule quoique célibataire pour la première fois depuis longtemps. C’est à ce moment-là que j’ai décidé qu’aucune autre liberté ne viendrait ternir la mienne.

On s’est revus quelquefois. Il me disait qu’il m’avait aimée. Je savais qu’il me disait la vérité, je reconnaissais cet intérêt qui était le sien, avant. Je le regardais se débattre dans ses promesses, raconter n’importe quoi aux hommes qui m’abordaient, pour les garder à distance. Je m’étais guérie, j’étais indifférente. Il a finit par rencontrer une fille qui ne l’a pas écouté, qui ne lui a pas préservé sa liberté. Quand, je les voyais ensemble, j’avais toujours envie de rire parce qu’elle lui disait tout le temps quoi faire et comment le faire. Il ne semblait pas s’en porter plus mal. De mon côté, je me suis aperçue que j’avais tellement peur d’être abandonnée par les hommes que je provoquais l’abandon dans les premières mesures des rencontres. Je ne voulais plus perdre ma liberté. Je ne voulais plus me mettre en danger. Je fuyais à la vitesse des comètes.

Un beau jour, je me suis retrouvée assise dans mon lit avec un gars qui me chatouillait les émotions. J’avais oublié d’avoir peur de lui et de le pousser le plus loin possible. Il me disait : « t’es belle quand tu lèves » tandis que je lui faisais la grimace. Je le croyais. Cet homme-là, n’était mon danger, mais mon réconfort.

dimanche, avril 02, 2006

Heure avancée de l'Est

Depuis quelques mois, je me réveille à 8h30 tous les matins. Mon emploi du temps me permettant de n’avoir pas à me lever à l’heure des poules, j’en profite pour laisser les éclats du jour me tirer du sommeil. J’ai toujours, enfin presque, été une personne matinale. Je récupère mieux en me couchant tôt qu’en me levant tard. Je le sais depuis très longtemps. Il y a sans doute une question d’habitude dans mon truc. Une décision prise à l’université de me lever tôt plutôt que de passer la nuit debout pour faire mes travaux. J’aimais bien le silence qui régnait dans l’appartement quand tout le monde, sauf moi, dormait jusqu’à midi. Les matins sont devenus mes havres, mes solitudes dans les pièces en commun. Depuis lors, les matins sont mes territoires.

Je suis une drôle de femme. Il y a des choses qui me stressent de manière extrême. Je n’aime pas les pannes d’électricité en ville. Il n’y a rien à faire, je panique. Je sais bien que c’est absurde, mais je déteste cela. Je me sens isolée, démunie. Ça fait si longtemps que je n’ai pas été avec quelqu’un lors d’une panne que j’imagine que c’est devenu pour moi un ermitage que je ne choisi pas. Quand il n’y a pas un son, pas une lueur, quand il n’y a pas la possibilité d’être en contact avec le monde extérieur, j’ai le cœur qui fait mille tours et je ne sais plus comment être moi, tout simplement. C’est irrationnel. Des fois, je me demande si je le supporterais mieux, si je pouvais me réfugier dans des bras aimants, mais j’en doute étant donné que je n’aime pas particulièrement me coller. Une contradiction de plus à mon tableau.

Je suis une drôle de femme; depuis des mois je me réveille à 8h30. Cette nuit, on changeait l’heure. Autre source de stress. J’ai peur de ne pas être à l’heure. Je suis donc arrivée chez moi, et j’ai changé l’heure sur tous les cadrans de la maison, y compris ma montre, dès mon retour du travail. Au cas où. Quoique particulièrement fatiguée, je ne me suis pas endormie avant le creux de la nuit. Et ce matin je me suis réveillée à 8h00, heure avancée, avec l’impression angoissante que je m’étais trompée dans mon changement d’heure puisque le soleil taquinait allègrement mes persiennes, comme s’il était plus tard qu’à l’accoutumée. J’avais le cœur qui voulait sortir de ma poitrine tellement j’étais convaincue d’avoir commis l’erreur courante d’avoir bougé mes aiguilles dans le mauvais sens.

Il n’en était cependant rien. Je me suis simplement mise à l’heure d’été. Toute seule. Il fait une température de printemps. Pas tout à fait chaud, mais pas si frais non plus. Je suis allée fumer une cigarette dehors et pour la première fois de l’année, j’ai entendu des voisins mettre du beurre sur le pain grillé pour leur petit déjeuner. Incursion auditive dans leur intimité. Ailleurs, il y avait cet homme qui passait le balai devant son garage. Les bruits de la saison estivale me caressent les conduits auditifs.

Dans une ville qui voit la majorité de ces habitants encore bouffis de ce décalage, j’étais debout en avance sur mon temps. La vie s’étalait devant moi, et je n’avais que l’envie de mordre dedans.