vendredi, avril 29, 2005

Je, vous, tu

Je, vous, tu…

Il y a de ces missives toutes mêlées. Je, vous, moi. Je vous absence dans les nuits d’encre trop éclairées par les néons des bars.

Je, vous, tu, moi. Sous la lanterne de l’ennui d’Une qui devient mon stéthoscope.

Je, vous, tu… Je ne sais plus. Entre l’image «live», sous les projecteurs d’une caméra qui ne me montre que le visage, et les mots qui me harponnent.

Je, vous, tu et j’ai la trouille. Trouille de ne jamais voir, jamais rencontrer celui qui se terre derrière les fenêtres qui animent mes minutes. Je vous tue parce qu’au quart de tour vous ne me faites pas l’effet que Celui me fit. Je me tue, car je me sens idiote de rêver à vous; homme infini/non fini. Je me tue parce que je n’ai aucune idée de la réalité en dehors de nos échanges trop fréquents. Je me tue, parce que vous êtes un poème de vie et de vouloir vivre.

Je, me, toi. Parce qu’il y a de ces confidences qui se disent en chuchotant. Parce que j’ignore ton odeur, la texture de ta peau et ton rire qui est primordial dans la relation établie entre toi et moi.

Je, vous, tu.

Car la soirée est longue et que j’aurais dû dormir.

Je, me, moi.

Parce que j’aimerais avoir le courage de retranscrire tous ces mots demain matin dans un courriel.

Je, vous, tu.

Parce que je sais pas (n’ai jamais vraiment su?) sur quel pied danser (dansez-vous?) en votre compagnie.

Je, vous, tu parce que mes rêves (que je ne me rapelle pas assez) sont tout entremêlés du King de la récrée, avec son nez d’aigle, et de Celui qui déménage (au sens propre du terme). Mais qu’au bout du compte vous en êtes l’ancre.

Je, vous, tu parce qu'en résumé, tu me tues...

mercredi, avril 27, 2005

Carnet de doute

J’ai passé au moins la moitié de la soirée à écouter Sébastien, Simon, Philippe et les Jean-François rire du monde : Celui-là est habillé n’importe comment, celui-ci a l’air nerd. Les lunettes de celle-là lui donnent un air de mouche tandis que celle-ci a des broches pas trop seyantes, etc.

Moi, je suis bon à l’école ET au basket. Alors je suis in.

Ce qu’il y a de moche, quand on est in, c’est que le cercle des filles qu’on peut fréquenter est restreint. Dans ce cercle, en ce moment, il n’y a aucune place disponible.

Anyway, je n’en veux pas.

Pendant que les gars faisaient les coqs à côté de moi, et que je devais les approuver de temps en temps, je regardais Marie. Je regarde toujours Marie. Quand j’étais petit j’osais même prendre sa main quand elle était près de moi. Maintenant, je n’ose plus. Si je le fais, les gars vont rire de moi.

Et ce soir, elle était avec ses amies que je n’aime pas. Celles qui se pensent belles et qui traînent Marie avec elles pour se valoriser. Parce que Marie, elle n’est pas si jolie… Juste un peu ordinaire et mal habillée.

Sauf que Marie sent toujours bon.

Des fois je pense que c’est mon nez qui est un peu amoureux d’elle.

Parce que moi, bien entendu, je ne le suis pas.

Alors pourquoi j’ai toujours envie de la coller?

mardi, avril 26, 2005

Le temps d'une majorité

Hier j’ai eu fini par prendre une bière avec les gens de ma récrée. Il y avait, le King, son Ministre, le Tacticien, une Jeune Fille Bien, une Tom Boy et votre Drama Queen.

Étrange moment. Comme si nous avions volé du temps au temps pour le suspendre au dessus de nos têtes. J’ai encore l’impression de sortir d’une twilight zone. L’école ou nous sommes allés se rapprochait assez de la secte dans sa manière d’être : petits groupes, un peu à l’écart de la norme, proposant des valeurs d’éducation qui ne nous mettaient pas en compétition les uns avec les autres.

Je ne peux pas parler pour les autres, du moins pas tous les autres, mais je sentais que c’était si facile de se retrouver. Sans faux-semblants, sans attentes. Sans avoir à se dire les platitudes qui d’ordinaire meublent ces rencontres 18 ans plus tard. Il n’y avait pas de grandes surprises pour moi de savoir que le Ministre travaille avec la Terre, que la Jeune fille Bien est en enseignement, que notre Tom Boy s’occupe d’enfants et n’a toujours pas peur du ridicule. Je n’ai pas été surprise de savoir que le Tacticien est technicien et que le King travaille de ses mains. Je crois qu’ils trouvent que l’histoire me fait bien.

J’ai dans la tête des images de jupes qui dansent durant de longues minutes. Un souvenir fugace des batailles de gars. Mes oreilles sont pleines d’intonations françaises qui tournent autour d’un sempiternel : « Mathilde ma p’tite fiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiille! » À cela je peux ajouter, quatre belles heures de complicité. Savoir que quoiqu’il advienne de nous, nous serons toujours signifiants les un pour les autres. Même si on ne se parle plus jamais.

Nous avons tous notre lot de blessures et de maux d’enfant. Aucun d’entre nous ne fut totalement épargné.

Hier j’étais de retour dans un port connu.

J’ai vraiment passé une belle soirée.

lundi, avril 25, 2005

M'appeler

Un ami qui a l’habitude d’avoir un prénom aussi rare que le mien (appelons le Ben) m’a dit, il y a quelques temps : «Je déteste rencontrer quelqu’un qui porte le même prénom que moi. Surtout au téléphone, lorsque je dois dire salut Ben, c’est Ben. Argh!!!»

Un peu comme s’il avait le sentiment que son prénom était, de ce fait, dénaturé.

Lorsque j’étais une mini Mathilde, je n’aimais pas mon prénom. À l’époque, c’était vraiment rare. Quand on me demandait comment tu t’appelles et que je répondais Mathilde j’entendais invariablement : «Comment? Martine? Nathalie? Isabelle?» Je n’ai d’ailleurs jamais compris ce que Isabelle faisait dans cette énumération. Je devais donc répéter lentement en articulant chaque syllabe et on concluait par un : «Ah! Matilda.»

Non!!!

Puis, il a cessé d’être étrange. Rare, mais sans plus. Il y avait de surcroît une Clothilde dans ma classe. J’ai donc connu l’époque qui vous fait lever les yeux lorsqu’on interpelle un homonyme. Et j’ai compris, à ce moment, là que finalement s’appeler Mathilde avait des avantages. Dont celui non négligeable de donner le sentiment de porter un nom propre parce que d’ordinaire lorsque je l’entendais, c’était à moi qu’on s’adressait. Lui et moi avons fait la paix.

Ensuite il y eu l’époque Brel. Partout où j’allais, mon entrée se faisait souligner par la chanson de Brel. Au début, c’est amusant. Après deux ans on en vient à se demander qu’est-ce que ce prénom a de si marquant pour qu’il faille le souligner ainsi chaque fois. Je suis revenue bien souvent.

Un jour je suis tombée amoureuse et j’ai compris que mon prénom pouvait se modeler aux inflexions de l’affection qu’on me portait. Je crois que, ce jour-là, je me suis mise à habiter mon prénom.

Aujourd’hui, je travaille comme caissière dans une librairie. Il y a plein de familles qui viennent faire leur tour dans le magasin. J’entend souvent fuser des : «Mathilde reste tranquille!» Comme je suis sagement à ma caisse, je présume que ce n’est pas à moi qu’on s’adresse. Quand mes homonymes se présentent à ma caisse je dis, dès que possible : «En tout cas, j’espère qu’elle va avoir autant de plaisir à porter ce prénom que moi.»

Vous devriez voir les yeux des mamans!

samedi, avril 23, 2005

Pas libre

Sur le blog Les marées Lumières, Catherine s'interroge sur la liberté.

J'avais tant de chose à dire sur le sujet que j'ai décidé de lui répondre ici plutôt que de simplement poster un commentaire.

Alors voilà Cath, tu as raison. La liberté c'est quelque chose de difficile à cerner. Les libertés s'entremêlent et se coupent souvent. Ma liberté peut être ta prison. Et franchement, liberté et libertinage sont des concepts qui ne sont pas appariés.

Je ne me sens pas libre, entravée que je suis de mes dettes. Je ne me sens pas libre parce que je ne peux rien faire sans culpabiliser. Toute dépense en est une de trop si ce n'est pour me nourrir et me loger. Ce n'est pas une vie et ce n'est certes pas la liberté.

Je ne me sens pas libre parce que je suis seule. Et que la solitude amène une quête certaine de l'âme soeur : l'être humain est un personnage reproductible qui suit son instinct et fonctionnne en paire.

Je suis pas libre parce que j'ai mes souvenirs d'enfance qui me roulent sur le corps et me disent de moi, qu'au fond, je ne suis qu'une petite fille. Je ne suis pas libre parce que j'ai dû, toute petite, être grande.

Je suis liée à mes pères et mères, frères et soeurs et je ne suis pas libre de tout dire par respect pour eux.

Je ne suis pas libre de mes amitiés mortes ou blessées.

Je ne suis pas libre de mon estime de moi qui fait parfois de grands plongeons vers le Néant.

Ce soir, je me sens toute chose, sur le bord de la crise.

Demain est un autre jour.

Demain, j'aurai sans doute dans la bouche, un acidulé de liberté.

vendredi, avril 22, 2005

Casque plein

Je suis une ex étudiante endettée.

C’est probablement ce qui me définit le mieux.

Depuis que je suis sortie de l’université, dettes en sus, je n’ai pas trouvé d’emplois mieux payé que 8,40$/heure. En gros, si on fait le calcul, plus du 2/3 de mon salaire passe en loyer. Je n’ai toujours pas mangé là-dessus. Alors vivre dans mon cas, c’est espérer.

Il faut aussi souligner que je me suis tapé une belle dépression, pour cause de dettes, l’an dernier. J’ai choisi de vivre. Par conséquent, de ne pas trop me soucier de mes dettes. C’est une stratégie de survie dans mon cas.

Pendant mes études, j’ai eu le malheur de prendre deux cartes de crédit que je ne paierai pas de sitôt. L’idéal serait pour moi de faire faillite, de toute manière, ma cote de crédit est à R9. Mais voilà que, comme la majorité de ma dette est liée à mes prêts étudiants, on me refuse ce droit.

En ce moment il y a un gars qui m’appelle tout le temps et qui me laisse des messages plutôt aliénants. «Madame Cazelais, il serait temps que vous preniez vos responsabilité et que vous nous rappeliez. Je ne vais pas passer ma vie à vous téléphoner tous les jours».
Ce gars-là travaille pour une de ces compagnies de crédit qui année après année produit des bilans de profits astronomiques. Ce n’est certainement pas ma petite dette qui va faire une différence dans sa vie, joual vert.

Monsieur le Con, je vous ai PARLÉ la semaine dernière. Je vous ai expliqué ma situation. Vous m’avez dit que vous m’enverriez un avocat. Ben faites, faites! Je n’ai pas l’argent pour vous payer. Je ne suis qu’une ex étudiante endettée. Mettez-moi en prison, faites de quoi maudite marde! Mais arrêtez d’appeler ici 5 fois par semaine. Ça ne règlera rien. Et surtout arrêtez de m’infantiliser! Je sais que je ne suis pas une citoyenne responsable. Je sais que j’ai raté ma vie (si tant est qu’on mesure la réussite à l’aune de l’argent). Je sais tout cela. Alors, je vous en prie, foutez-moi la patience. Le savoir est un prix suffisamment cher payé.

Je voudrais avoir la paix un peu. Je peux-tu?

mercredi, avril 20, 2005

Conclusion

Il y a un an, j’étais certaine que je ne pourrais plus jamais plaire. Tout allait de travers, surtout ma vie.

Quelques jours plus tard, je suis allée annoncer à Monsieur P. que j’étais sa plus grande fan et j’ai recommencé à parler à mon père.

Il y a presque 10 mois, je suis virtuellement tombée amoureuse de toi. Complètement et follement. Je t’aurais suivi au bout du monde si tu me l’avais demandé. J’aurais tout laissé tomber ce que je n’avais pas encore commencé à construire ici. Je me serais lancée à corps perdu dans l’inconnu pour être avec toi.

Tu me comprenais si bien. Tu me disais très exactement ce que j’avais de besoin d’entendre. Tu me tenais, au chaud, dans ton cœur.

J’ai vécu un superbe rêve.

Je t’ai dit : «je t’aime», sans t’avoir même vu.

Je t’ai aimé de toutes les fibres de mon être, dès que tu t’es approché de moi.

J’ai fondu pour tes lèvres qui rougissaient à force de désirer m’embrasser.

Je t’ai cru lorsque tu m’as dit que tu ne pourrais jamais plus aimer quelqu’un comme tu m’aimais moi, à ce moment très précis.

Aujourd’hui, mon grand amour traîne ses lambeaux dans les poussières d’un hiver d’absence.

L’adolescente capable d’aimer une promesse s’en est allée.

Je suis une femme bien infidèle.

Aujourd’hui, je trahis cet amour.

mardi, avril 19, 2005

Arrggggggggghhhhhhhhhh

Journée de rage.

J’ai eu un téléphone ce midi pour un repas prévu qui s’est avéré un pétard mouillé : je me suis retrouvée, gros jean comme devant, sans lunch et sans argent pour manger. Ce petit moment d’incompréhension m'a pratiquement fait brailler, moi qui ai les yeux quasiment secs depuis l’époque larmoyante du King.

J’ai mal dans tout mon corps comme si j’avais couru des kilomètres depuis ce matin : je n’ai fait que me tenir debout à ma caisse. Ce qui est une habitude, sans plus. Rien ne va. Je serais un danger public si je conduisais. Heureusement que je n’aie jamais eu l’idée saugrenue de me prémunir d’un permis de conduire.

Il a fallut que le soleil se cache et le vent se lève durant mon heure de dîner quémandé : me renvoyant à la salle des employés, moi qui aurais préférer de loin m’isoler dans un rayons de chaleur. J’étais frustrée.

Ce soir, je me suis branchée dans l’espoir de voir une personne en particulier, qui est TOUJOURS en ligne sur msn, mais évidemment, point de sa présence pour moi aujourd’hui. Je boue.

Mais au fond, rien n’est si grave.

Ce n’est qu’une question d’hormones.
Platement.
Grommelle, grommelle.

Maudits spm.

lundi, avril 18, 2005

Il n'aurait pas dû

Cette semaine pour le blog collectif, le message devait se terminé par Il n'aurait pas dû. Voici ma mouture.
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L’air se faisait de plus en plus rare.

Depuis des kilomètres déjà, ils avaient peine à respirer. Le bois était dense. Les troupes avançaient avec difficulté. La masse s’étiolait dangereusement.

Les signes et les savants lui avaient pourtant affirmé que c’était le moment.

Cependant, au creux de la nuit, dans la noirceur de la forêt, sur les pentes abruptes, il savait.

On ne défie pas impunément les dieux.

Il n’aurait pas dû.

Corps en courbes

Quand j’étais ado, j’étais convaincue d’être grosse. Parce que mes amies me disaient que je l’étais.

Et pourtant. Lorsque je regarde les photos de moi à l’époque, je dois nécessairement me rendre à l’évidence que je ne l’étais pas du tout.

Maintenant, je suis ronde. Et j’ai pris la décision, il y a un certain temps, que je ne passerais pas ma vie à faire des régimes.

Un jour, je me suis mise à dire : «Si tu ne me trouves pas belle, regarde ailleurs. Je ne suis pas obligée de le savoir! »

Cependant la vie me rattrape.

J’entends souvent ces quelques mots : « Tu étais bien plus jolie lorsque tu étais mince. »

Ce qui est sans doute vrai.

Je suis si lasse de cette obsession du corps.

J’aimerais tant pouvoir être juste belle maintenant. Sans comparatif. Ni avec les autres ni avec mon passé.

Je ne retrouverai ni ma jeunesse ni mon corps d'adolescente. Je suis une femme, avec un ventre et des seins, ce qui donne une certaine illusion de grossesse, en moins joli.

Je suis ronde et femme.

En réalité, je suis.

dimanche, avril 17, 2005

Drama Queen, toujours

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de mon King de la récrée.

J’ai fini par avoir des nouvelles. J’ai commencé par envoyer un courriel au King et à son Ministre en leur disant que j’avais vu MJ qui semblait aussi désireuse que moi de prendre un pot en leur auguste compagnie (j’aime bien l’ironie).

Ça fait deux ans que je lance des invitations de temps à autres pour cette foutue bière. Je n’ai jamais eu de réponse du King. À ce demander s’il lisait mes courriels. Par provocation, et sans doute parce que sommeille toujours en moi la Drama Queen de mon adolescence, j’ai écrit : « Si c’est transiger avec moi qui ne fait pas votre affaire, le numéro de téléphone de MJ c’est 000-0000 vous pouvez toujours vous organiser avec elle qui communiquera avec moi ultérieurement.»

Je me suis fait dire que je faisais un peu de parano.

Hon! Ça a l’air qu’il fallait que je fasse de la parano pour me faire entendre! Ce qui m’a fait réaliser à quel point c’était ainsi dans le temps. Pour qu'on m'écoute, dans cette classe, je devais toujours péter ma coche. Sinon, on se disait sans doute que j’étais capable d’en prendre. Et parce que je devais exploser, après coup, on me considérait un peu comme l'hystérique de service.

Aujourd’hui, je suis super satisfaite. J’ai eu une réponse, un numéro de téléphone et une fenêtre pour que nous nous rencontrions.

Étrangement, elle me tente moins que la semaine dernière.
Si MJ n’est pas disponible, je crois que c’est moi qui vais laisser tomber.

samedi, avril 16, 2005

Confitures

J’ai fêté fort hier soir.

J’ai partagé ce fou rire qui fait du bien et qui met le cœur en joie. Je crois que ça a fait ma soirée.

Ce matin, j’avais la tête en bouillie et mon cerveau était resté sur mon oreiller. Je me suis levée pour écouter la voix de Monsieur P. Je ne peux pas la manquer. Ce serait me faire violence davantage que de m’endurer dans mon lendemain de veille.

Même le café passait difficilement. Cependant, j’avais le soleil d’avril pour me fortifier. En pyjama rose sur ma galerie, je me suis sentie bien. La clope au bec et les idées qui passaient un quart de tour moins vite que d’habitude.

J’ai écouté Monsieur P lovée sur le divan, le plus minuscule possible dans mon corps.

Je suis retournée me coucher, ne tenant pas la route de mes heures.

De retour à la vie, l’étau de mes pensées s’est distendu. J’ai écris en navigant entre la galerie ensoleillée et l’ordinateur.

Une camisole verte et une jupe dans les mêmes teintes suffisaient à me tenir au chaud.

Quel plaisir!

Souper dehors sans manteau ni veste.

Et une petite discussion complice avec ma colocataire, comme nous en avons le secret elle et moi. Autour d’une mauvaise bière, trop forte en alcool, histoire de me remettre d’hier.
La rue Saint-Hubert et pleine de gens qui marchent sans se presser et nous les regardons passer, nonchalamment assises autour d’une table d’été qui attendait impatiemment que nous lui présentions le voisinage.

vendredi, avril 15, 2005

Colère

Dans le texte qui suit, les parties en bleues sont mes pensées retenues par professionnalisme.
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Hier j’expliquais à une cliente que je ne pouvais pas lui donner un coupon cadeau (ça c’est une facture sur laquelle on ne voit pas le prix) parce qu’un échange est une vente finale. Elle me dit que je peux faire une exception pour elle – C’est certain voyons – parce qu’elle est venue la veille et que c’est moi qui l’ai servie – pis moi je me rappelle de la face des 200 clients que je voie dans une journée - . Que c’est important qu’elle puisse avoir le coupon cadeau parce que c’est pour un cadeau justement et qu’elle est une bonne cliente – 16,09$ ça fait une bonne cliente ça? –

Je lui explique que je ne peux rien faire pour elle et elle me dit : « T’es quand ben rien que juste une caissière, il doit y avoir du monde plus élevé que toi dans la hiérarchie qui va faire une exception pour moi. »

Vrai.

Mais accessoirement, je suis aussi un être humain. Et je mérite le respect comme n’importe qui. J’ai sans doute plus d’études que toi derrière la cravate sauf que ça ne m’empêche pas de bien traiter tout le monde qui se présente devant moi, nonobstant ma supériorité d’études. Je suis le bas de l’échelle dans cette entreprise c’est certain, cependant je refuse de donner à quelqu’un, de borné comme toi, un avantage sur moi. Ce n’est pas parce que tu as une carte de crédit gold que tu vaux plus que moi! Financièrement peut-être, mais pas autrement.

Moi, le gens qui pensent que l’argent et le «good looking» social achètent tout, ça me pue au nez. Dans le présent cas, c’est clair que la classe, ça ne s’achète pas!

jeudi, avril 14, 2005

Rencontre fortuite

Je devais avoir 21 ans lorsqu’elle est tombée dans mes oreilles.

Arrivée directement d’Amérique latine, je crois, drapée dans un foulard de type arabe. Avec ces images poignantes qui défilent et ce commentaire juste et posé qui m’emporte beaucoup plus loin que les maux.

C’était en 1994, à l’époque de la Course destination monde.

Je ne me rappelle que peu des images. Mais j’ai conservé une empreinte de cette voix. Sans trop le savoir pourtant. Un jour d’été 1997, j’écoutais innocemment la radio quand des courbes vocales m’on prise dans leur filet. Je suis devenue fan de la voix (et des propos accessoirement). C’est Sauterelle qui me fera réaliser en 2001 qu’il s’agissait de la même personne.

Un jour, je suis allée voir le porteur de cette voix, pour lui dire que j’étais sa plus grande fan. Je crois qu’il me reconnaît comme telle aujourd’hui. Je le suis dans tout ce qu’il fait. Et il le sait. Il sait aussi que c’est avant tout sa voix que j’aime alors il me fait la fleur de baisser le ton un peu lorsqu’il me croise, adoptant ainsi la voix radiophonique qui me fait tellement vibrer.

Hier, il est passé au magasin. Par hasard. Moi, j’ai été toute énervée pendant le reste de l’après-midi parce que Monsieur P m’a fait la bise. Juste d’y penser j’ai encore des papillons dans l’estomac.

Que voulez-vous, je suis une groupie assumée.

mercredi, avril 13, 2005

Rue/elle

Les ruelles pullulent sur le Plateau. Derrière chez moi, c’est plutôt une rue. Si petite toutefois que certaines maisons, dont la mienne, s’y rendent comme si c’était une ruelle. Ce n’est donc pas une véritable ruelle avec les bruits qui l’habitent d’ordinaire. Point de cris enfantins ni de jeux. C’est relativement calme.

La rue/elle a dormi tout l’hiver. Sur le balcon, j’ai un petit fumoir. Faute de pouvoir consommer ma dose de nicotine dans la maison. J’y ai passé de longs moments hivernaux, drapée dans une douillette de neige qui étouffait les bruits possibles de mon environnement. Et ma chambre était un havre de paix au cœur de la froidure. Je dors toutes les nuits avec la fenêtre ouverte, même au plus fort des descentes du mercure sous zéro.

Assommée par un rhume, ça fait deux jours que je me couche tôt. Il est rare, en fait, que je sois alitée avant minuit. J’allais sombrer dans le sommeil lorsqu’une porte s’est ouverte. Tellement près que j’avais l’impression que huit étrangères venaient d’entrer dans ma pièce. Elles étaient seulement sur le balcon d’à côté. À fumer des cigarettes et à discuter à bâtons rompus. Dans le temps qu’il faut pour le dire, un nuage de fumée bleutée s’engouffrait par la croisée. Avec, en sus, les confidences de filles qui rigolent sous cape, se racontant ces histoires d’hommes avec ce rire un peu gêné des aventures qui commence à tourner vers la relation.

Je devenais le réceptacle bien involontaire de ces demi mots cachés aux oreilles des principaux intéressés. Dans la fumée de leur nicotine qui m’empêchait de dormir.

À quoi ça sert, dans ces cas-là, de décréter un appartement non-fumeur?

mardi, avril 12, 2005

La loi de Murphy me guette

Il y a de ces trucs.

J’ai un certain talent pour me retrouver prise à acheter des livres dont je ne veux pas, parce qu’à vouloir les protéger je les abîme.

Avant Noël, j’avais emprunté la série Le clan des Otori. Bonne série, somme toute, de fantastique sur fond asiatique. Les deux premiers livres étaient en format poche, mais pas le troisième. Je le traînais dans un sac de plastique du magasin.
Je me suis un jour trompée de sac. Je l’ai mis dans le sac de mes bottes… Je ne vous dit pas l’état dudit livre!!! De la sloche sur papier.
Pour me consoler Laurie a fait ceci :


Mamathilde décidant de vaincre la loi de Murphy

Pendant un très long moment, je n’ai fait que prendre des livres en format poche histoire de ne pas me retrouver avec des factures plus élevées que mon salaire à payer. Et puis récemment, je me suis mise à voir passer un livre qui avait l’air d’un insipide incroyable. Je n’avais pas le goût débouser pour le lire. Alors, je l’ai emprunté.

Malheur à moi! La loi de Murphy me guette de très près. Je l’ai foutu dans un sac de plastique dans lequel j’avais renversé du café (sans m’en apercevoir, bien sûr). Me voilà donc quitte pour une dépense inutile, pour un livre que je n’aime pas.

Avis aux intéressés (je parle de ceux qui veulent ménager leur portefeuille), le livre s’appelle Les aventures d’India Jones. J’ai trouvé cela particulièrement mal écrit et d'un prévisible à toute épreuve.

lundi, avril 11, 2005

L'imparfait du subjonctif

Texte publié dans le cadre du blog collectif Coitus Impromptus.
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« Il eût fallu que je susse aimer », m’as-tu dit, mettant ainsi un point à la relation.

D’accord je trafique un peu l’expression. Jamais tu n’aurais employé un tel temps de verbe, toi qui te dépatouilles avec le français du mieux que tu peux.

Mais tout y est. Le résumé de toute la situation dans ces quelques mots. La condition et la fin de non recevoir. Sans discussion possible.

Je crois par contre que personne n’est parfait et qu’aucun amour ne puisse l’être non plus.

J’aurais aimé que tu me donnes le choix de vivre avec tes lacunes amoureuses ou de vivre sans. Je suis démunie, sans appel.

Il eût fallu que tu pusses lâcher prise sur le contrôle. Toujours à l’imparfait du subjonctif, pour t’apercevoir que toute relation se conjugue au subjectif imparfait.

dimanche, avril 10, 2005

Printemps platonique

Le printemps darde ses rayons sur le Plateau.

Une cigarette sur le balcon. Je suis bien sous la caresse de l’air et le clin d’œil du soleil.

Les rues sont pleines de gens qui rient. J’entends les voisins d’en haut installer leur table d’été.

Passant la main dans mes cheveux, je trouve un bourgeon que je caresse comme une peau de bébé.

Hier soir, j’ai eu un rendez-vous manqué.

Je me sens louve plutôt que requin.

Je suis seule pour la toute première fois depuis 36 heures et j’ai cette impression de liberté qui s’ancre dans ma chair pendant que j’encre mon blog.

Je pense à Celui qui ne m’a pas répondu. Et je me berce dans les amitiés qui me supportent depuis bien plus longtemps.

Le printemps darde ses rayons sur Montréal.

Je me sens amoureuse, mais je n’ai personne à aimer.

C’est peut-être plus simple que d’aimer sans être aimée.

samedi, avril 09, 2005

Matin complice

Un trait oranger m’éveille. Ma fenêtre donne sur l’est.

Mes draps sont trop froids parce que Pp dort sous ma douillette dans le salon. Sur la pointe des pieds, je traverse vers la cuisine. Au passage, j’observe sa langueur. Je le sens en sécurité. Comme il me sécurise moi-même.

Ils ne sont que deux hommes à me garder hors de tout danger.

Je ne suis cette femme que pour Pp, je crois. Une telle confiance abandonnée dans le sommeil. Des discussions interminables qui vont dans toutes les directions, sans jamais se questionner sur le sens ou la justesse des mots. Une pointe d’accent venu du fond de l’enfance.

Et ce rire.

Un réveil dans le bonheur d’une complicité amicale.
L’entendre parler à cette amie qu’il drague un peu.
Réaliser que ce n’est plus un enfant.

Lorsqu’il avait 12 ans, voulant me consoler, il m’a dit : « Quand je vais être grand, je vais vouloir être amoureux de toi. » Il est toujours aussi petit cependant qu’il est devenu un homme. Il ne veut pas être amoureux de moi. Par contre, il a choisi de se lover confortablement dans mon amitié.

Je trouve que c’est une merveilleuse manière de tenir parole.

vendredi, avril 08, 2005

Histoire de chien


Je travaille avec une Ontarienne qui a adopté Montréal et le français depuis peu. Elle a la joie lunaire comme seconde nature. Malgré le fait qu’elle soit super bonne en français, quelques expressions lui échappent.

Je lui racontais une histoire de mec et j’ai conclu en affirmant : « Son chien est mort alors je suis partie. »

Tout étonnée elle me regarde et dit : « Oh! Tu n’avais pas envie de le consoler? »
Illustration de Laurie Gagnon Posted by Hello

Passé/présent

J’ai quitté Montréal pour Sherbrooke en 1994.

Je suis revenue vivre ici à la fin 2003 avec l’impression que ma vie n’était plus là où j’étais, sans savoir à l’époque que c’était parce que je m’enfonçais tranquillement dans le pays des zombies.

Depuis mon retour, je passe mon temps à croiser mon passé. Je rencontre à tout bout de champs des gens qui en ont fait partie. Comme un trottoir qui me remontrait en pleine face. Je dois avoir quelque chose à régler avec lui. Aujourd’hui j’ai revu M-J. Elle était à l’école avec moi du temps du King de la récrée. Nous avons parlé comme si nous nous étions vues la veille. Et pourtant notre dernière rencontre remontait à 1996.

Je me demande régulièrement ce que je fais à travailler comme caissière pour un salaire de misère. Je crois cependant que ce n’est pas pour rien étant donné les nombreuses rencontres que cela m’a permis de faire.

Ce qui m’amuse le plus dans tout cela, c’est que durant des années, j’étais convaincue que les gens ne gardaient de moi que des mauvais souvenirs. Aujourd’hui, je pense que j’étais franchement dramatique de croire une telle chose,parce qu’à voir la réaction de ces personnes, elles ont toutes envie d’avoir de mes nouvelles.

C’est drôle parfois la censure qu’on se met à soi-même. C’est étrange à quel point on est bons pour se dire non avant de se dire oui.

Mon projet pour 2005, c’est de me dire oui en premier.

mercredi, avril 06, 2005

Scène de travail


Illustration de Laurie Gagnon
Ce qu'on peut lire dans la bulle :
Je vais vous donner un sac pour la pub
et mettre vos achats dans un autre sac!
Posted by Hello

Freins

Je travaille comme caissière sur le Plateau Mont-Royal.

Depuis deux semaines, je promène ma bonne humeur jour après jour et je raconte plein de folies à mes coéquipiers.

C'est la saison des madames en ballon (pour reprendre Raymond Plante), c'est aussi celle durant laquelle les jeunes parents sortent leurs nouveaux-nés. J'ai toujours eu un faible pour les jeunes enfants. Je possède ce petit talent d'entrer facilement en contact avec eux. C'est génial parce que je peux leur dire exactement ce que je pense d'eux, les parents sont fiers et moi je m'amuse.

Mais voilà qu'il n'y a pas que des jeunes enfants qui passent à ma caisse. Et comme le printemps me fait, semblerait-il, son effet, j'ai des désirs de dire à tout le monde ce qui me passe par la tête. Surtout les trucs positifs. Hier, un jeune homme aux yeux d'un vert intense a croisé mon chemin, j'avais tellement envie de lui dire : « Je trouve que tu as vraiment des beaux yeux! » Aujourd'hui, j'ai failli dire à un autre mec que je le trouvais beau. Simplement comme ça. Mais je me suis retenue. Je sais vivre.

Je me demande donc, pourquoi plein de gens se sentent obligés de dire les choses désagréables et que nous sommes tous mal à l'aise de dire les belles choses?

Je me pose la question parce que, pour revenir à mon éternelle problématique du corps, il m'est arrivé par le passé de me faire dire par un gars que je ne connaissais pas : « Tu ne devrais pas t'habiller de même, t'as l'air grosse. » Ça ne m'a pas particulièrement fait plaisir. Ça ne m'a pas particulièrement aidée à me construire une estime de moi non plus. Oui d'accord, je suis ronde. Ce n'est pas une raison pour me le dire. Dans une société où l'on cultive le look ultra-mince, ce n'est pas particulièrement champion d'être ronde.

Et moi, je suis là, déconfite avec mes compliments qui me restent à travers la gorge parce que je me sens malvenue de les lancer à la tête des gens.

Et pourtant, qui sait, peut-être que ça ferait du bien à l'un d'eux?

mardi, avril 05, 2005

Totem mouvant

Texte écrit dans le cadre du blog collectif Coïtus impromptus.
Milieu de semaine, la rue St-Denis s’agite en tous sens. Les passants n’ont d’autre manteau qu’une mince veste, ça sent l’été. Le bruit des conversations se fait plus dense, comme si le camouflage hivernal servait aussi à étouffer les paroles.

J’entends des rires heureux résonner dans mes oreilles. Le printemps éveille les joies. Les vélos se bousculent la rue et les trottoirs tandis que les pauvres piétons de mon espèce doivent se remettre aux sauts de puce pour éviter la bousculade. Les pétarades des motos refont surface et l’odeur d’essence qui s’en suit aussi.

Plus que tout, les radios portatives arborées par maints adolescents me font endurer des musiques qui me narguent, comme un totem mouvant de leur identité.
Et ça me tue.

lundi, avril 04, 2005

Caresse nostalgique

Jour de printemps, je me rappelle Simon. Il était déjà mort, je pense, à ce temps-ci de l’année lorsqu’il nous a quittés. J’ai l’impression que ma mère m’a dit autour de cette date-ci qu’on était sans nouvelles de lui depuis un certain temps déjà. Ça fait si longtemps; j’allais avoir 17 ans.

Simon c’était un cousin de ma mère. Que j’aimais beaucoup parce qu’il me parlait comme si j’étais une adulte. Il était plus vieux que moi, 30 ans, je crois, au moment de sa mort. Il était beau et, à mes yeux émerveillés, immensément vivant. C’était un musicien, un charmeur, un rieur. Du moins, dans la partie que j’ai pu voir de lui. Je ne le connaissais pas. Je ne le voyais qu’une fois par année, et quelque fois une année sur deux. Mais je l’aimais.

J’ai été une petite fille et une adolescente rétive : je me cachais dans les garde-robes ou en dessous des lits pour ne pas avoir à donner de becs aux invités. J’avais peur de laisser les gens entrer dans ma bulle, peur de me faire voler un peu de mon essence. Je faisais les gorges chaudes de mes oncles, des amis masculins de mes parents, et de ces petits cousins, plus vieux que moi, qui m’impressionnaient tant. Simon en faisait partie.

Faux, Simon en était l’essence. Un jour, j’avais son fils sur les genoux et je regardais un clown faire des animaux en ballon. J’étais super concentrée et je n’ai jamais vu Simon se pencher sur moi et me coller un bec-mouillé-dégueulasse sur la joue gauche. Quand j’y pense, plus de 15 ans plus tard, j’ai encore la sensation gommeuse désagréable sur ma peau. OUACH! Ce soir-là, il m’a conquise à jamais. Je crois qu’il s’est suicidé trois ans plus tard et, pour moi, ce fut un drame.

J’aurais tant voulu l’aider, le sortir de sa détresse. Mais je sais aujourd’hui que c’était impossible. Je sais quel courage ça peut prendre de décider de vivre. Moi, j’ai décidé de vivre il y a un an. Depuis je mords le plus possible dans toutes les parcelles que l’existence m’offre.

Aujourd’hui une amie a perdu un collègue de classe, mort d’un arrêt cardiaque à 36 ans. Ça m’a fait penser à Simon et à ma première vraie rencontre avec la mort prématurée. Je crois qu’on n’est jamais prêt à laisser partir brutalement les gens qu’on aime. Parce qu’au fond la mort c’est bien pire pour les vivants.

dimanche, avril 03, 2005

À propos de frissons

« Le monde ne sait pas frissonner »

Je n’ai pas compris lorsque tu m’as sorti cette phrase que tu parlais au sens propre du terme. Depuis cette discussion, dans la morsure d’un printemps hésitant, je me demande jusqu’à quel point le figuré de cette phrase est faux. Et je me dis qu’en fait, tu as probablement bien résumé une bonne part de mes problèmes avec la vie.

Il aura fallu que tu reviennes de l’autre côté du monde, là où il n’y a qu’une saison chaude et une saison trop chaude, pour me faire réaliser que je n’ai pas toujours su frissonner. Je me suis trop souvent engoncée dans des comportements acquis qui me tiennent en laisse. Je suis passée à côté d’un paquet de trucs importants.

Te souviens-tu de mes discours grandiloquent sur le film Dead Poet Society? Peut-être pas. Peut-être que je ne te connaissais pas à l’époque. Mais ce film nous apprenait à saisir le jour. Ce que j’ai tant voulu faire adolescente. Je me rends compte, à presque 32 ans, que je n’y suis pas du tout. J’ai oublié mes objectifs romanesques pour m’enfoncer dans une vie d’adulte pleine de responsabilités, dans laquelle avenir rime avec amortir. J’ai voulu être grande, j’ai voulu me sécuriser et je me suis enfoncée dans mes peurs. Un millier de peur pour une seule fille.

Peur d’aimer et d’être aimée. Peur de gagner comme celle de perdre. Peur d'être abandonnée. Mais avant tout peur du ridicule : laissant ainsi à d’autres le droit de diriger ma vie par le seul regard qu’ils portent sur moi. Je suis tombée à un certain moment.

Depuis quelques mois je me relève. Étrangement, j’ai vraiment réussi à mettre la plupart de mes peurs de côté : elles ne sont plus mon principal moteur. «Qui suis-je? Que fais-je? Où vais-je?» sont encore des questions ouvertes auxquelles je n’ai pas de réponse, mais au moins je n’ai plus l’impression d’être attachée à un boulet qui me draine vers les fonds d’océans.

Je crois que j’ai finalement appris à frissonner; à canaliser mes craintes et à en faire des outils positifs. Je crois que je sais, aujourd’hui, frissonner devant la beauté des gens, ou l’horreur qu’ils m’inspirent. Je sais le faire sous un regard ou une caresse. Je sais me rendre compte du froid ou du dégoût aussi. En gros, je sais reconnaître et sentir la vie.

C’est dans le calme étrange, la sérénité de ta voix que j’ai trouvé la sécurité nécessaire pour me dire que je pourrais oser frissonner davantage et ainsi tenir le pacte que je m’étais fait adolescente et de vivre ma vie plutôt que de la regarder passer.

samedi, avril 02, 2005

Question de luxure

Jour de pluie sur Montréal, les rues pleurent.

Moi, je suis une colère sourde. Depuis quelques temps une amie et moi parlons de désirs et de séduction. Je suis un peu tannée de sentir que nous nous percevons en filles d’Ève tout en tentant d’être des enfants de Marie.

Il y a, ancrés en nous, de vieux résidus de morale judéo-chrétienne qui font en sorte que le désir des femmes, leur sexualité est toujours vue en dualité entre la pute et la mère, vierge de surcroît. Pour les hommes, grand bien leur fasse d’avoir de l’expérience, mais lorsqu’une femme se présente comme expérimentée, elle est aussitôt cataloguée comme putain. Pourtant, les hommes recherchent aussi ces femmes qui savent avoir le contrôle de leur propre corps. Des femmes qui n’ont pas honte de dire ce qu’elles ressentent et, à l’occasion, en remontrer à l’amant.

Paradoxalement, ils cherchent pour conjointes des personnes s’apparentant davantage à la Mère/Vierge. Ou du moins, est-ce le sentiment qui habite bien des femmes de ma génération. Je ne suis pas si certaine que la censure vienne tant des hommes que de nous-mêmes. Comme si accepter d’avoir des envies débridées, et sans amour, était un acte contre nature. Pour cause de féminité.

Par ailleurs il est vrai qu’on regarde souvent un homme qui multiplie les conquêtes comme un gagnant tandis qu’on a tendance à dévaloriser une femme qui ferait la même chose. Et les femmes sont les premières à se juger entre elles.

Je me demande donc pourquoi nous faisons-nous cela? Pourquoi est-ce qu’on se sali les mains et les yeux à se juger entre nous pour cause de luxure? Nous ne suivons plus les dictats des 7 péchés capitaux cependant les femmes sont encore des pécheresses en puissance, détentrices de toutes les tentations.
Je crois que je puisse parfois être une tentation, mais je crois que je succombe aussi souvent.

Il pleut sur Montréal, les rues pleurent.

Moi, je ne suis que lambeaux en déception.

vendredi, avril 01, 2005

De la Drama Queen au King de la récrée

C’était le King de la récrée, pendant les six ans durant lesquels nous avons fréquenté la même école. Il y avait le Roi et son Ministre. Il y avait aussi la Reine qui avait une autre cours. Je n’appartenais à aucune cours. J’étais «rejet».

C’était le King de la récrée et, bien évidemment, j’étais follement amoureuse de lui. Qui le savait sans doute. Qui passait son temps à me faire suer. Du moins dans mon souvenir. J’ai des images d’un coup de livre de maths sur les fesses, d’une boule de chardons dans les cheveux (que je n’ai jamais pu démêler) et une multitude d’autres petites humiliations qui ont jalonné notre parcours commun. Mon journal intime de l’époque pourtant me raconte qu’il fut parfois gentil et à l’écoute de mes petites et grandes douleurs d’adolescente (Pourquoi est-ce que je lui parlais de tout cela s’il était si mesquin avec moi?).

C’était le King de la récrée quand nous avons quitté la Classe. Et j’ai commencé à rêver. De l’été 1987 à ce jour, je rêve. Au King de la récrée de mon enfance. À toutes les fois où je réussi à oublier qu’il existe, le même foutu rêve vient me hanter. Et lorsque ce n’est pas un rêve c’est parce que j’entends parler de lui d’une manière ou d’une autre. Suant. Il y a deux ans, nous nous sommes croisés par hasard dans un spectacle. Sans le savoir, il réalisait mon plus grand fantasme en me présentant ses excuses pour ses méchancetés enfantines. Parce que mes rêves récurrents portaient là-dessus. Je rêvais qu’il admettait que je n’étais pas si conne que cela. Devant lui, je n’ai rien dit sinon que j’étais un bon poisson pour ses niaiseries. Que j’étais la pire Drama Queen de ma connaissance et que par conséquent j’avais dû lui donner beaucoup de corde pour me pendre.

Ce jour là, on s’est dit qu’on pourrait aller prendre un pot.

Ça fait deux ans que j’attends. Il n’a jamais répondu à mes courriels. Bon, j’admets que j’ai pu lui faire peur. Puisque je me suis un jour tannée de ne pas avoir de réponse alors je lui ai lancé l’importance qu’il avait eue dans ma vie. Oups. La semaine dernière, j’ai croisé le Ministre qui m’a réitéré le désir de la bière. J’ai écrit et je n’ai toujours pas de réponse. Je ne verrai jamais cette bière. Je commence à m’en douter.

C’était le King de la récrée et il m’impressionnait. Aujourd’hui il n’est plus roi que dans mes souvenirs confus d’adolescente amoureuse.

J’aurais vraiment aimé aller prendre cette foutue bière.