jeudi, mai 31, 2018

Dilapider ma fortune

Alors, c'est par une magnifique matinée ensoleillée que j'ai dépensé plus d'argent en une seule fois que je ne l'ai fait de toute ma vie. Une expédition chez IKEA qui m'aura délestée de la plus grande partie de mes économies. Ce sont des choses qui arrivent à une fille qui part vivre en appartement toute seule et qui a décidé que cette fois, elle entrerait chez-elle et non plus dans un ramassis de toutes sortes d'affaires disparates pigées un peu partout, surtout sur le coin des rues.

J'avais déjà fait la visite du magasin cité plus haut avec une amie, quelques semaines plus tôt. Ce qui m'avait permis de faire deux choses importantes : premièrement établir mes besoins réels, deuxièmement établir un budget. À la seconde visite, j'étais accompagnée de ma mère. Nous étions comme deux gamines entre les rangées, occupées à remplir nos paniers un peu n'importe comment jusqu'à ce que les empilades deviennent des tours à écrouler et que je mette mes compétences à l’œuvre pour remplir les paniers de manière ordonnée afin de nous permettre de les remplir encore davantage.

J'avais prévu passer à peu près heure trente pour ce genre d'activité. Mais quand on a tout à acheter, toutes les pièces à meubler, même si elles ne sont que trois, il peut arriver que ce soit beaucoup plus long. Deux fois plus long en réalité. L'air de rien, il faut essayer les divans avant d'opter pour celui qu'on va adopter. Et que dire du matelas... Je me suis donc laissée choir sur beaucoup de matrices avant de finalement en choisir une qui conviendrait à ma nouvelle vie. Il faut dire que je dors sur un futon depuis plus de vingt ans. Alors, il me semblait que tous les matelas à ressorts étaient passablement mous. Sauf que je ne veux plus de futon justement parce que l'absence de moelleux fait en sorte que je me réveille de plus en plus souvent engourdie dans le bas du dos. Je vieilli, que je le veuille ou non.

Meubler mon nid. Ce n'est pas la même chose que de prendre un appartement dans lequel je mettrai des morceaux raboutés que je n'ai pas choisi. Meubler mon nid, ça signifie imprimer une partie de ma personnalité dans tous les choix que je fais. Et de plus en en plus, il me tarde d'y être enfin. En partie parce que j'en ai plus qu'assez de mon voisinage actuel et en partie parce que j'ai bien envie de déballer mon nouvel environnement pour découvrir quelle femme je suis devenue depuis que j'ai quitté le logis parental. Je crois que je vais au moins un peu me surprendre. En tout cas, je l'espère.

Mais surtout, il me tarde d'avoir atterri en un seul morceau afin de pouvoir inviter toutes les personnes que j'aime à venir me visiter dans cette nouvelle version de moi, celle que je me se serai créée. Et j'ai la chance d'avoir une maman extraordinaire qui non seulement m'aura accordé une matinée de sa vie pour me voir dilapider ma minuscule fortune (je dois souligner qu'elle m'a dit plusieurs fois avoir beaucoup de plaisir durant cette sortie), mais qui en plus a accepté d'être celle qui attendra les meubles et les monteurs de meubles deux matinées durant dans le but de me permettre d'arriver en douceur.

Je suis en train de tourner une page de ma vie et j'ai la chance d'avoir l'occasion de m'en apercevoir.

Et je sais que c'est précieux.

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dimanche, mai 27, 2018

Dis Tatie, Zazou, c'est qui?

Hier, c'était une grosse journée, pleine de rebondissements. D'abord, c'était mon dernier cours de natation avec Grand-Mamie. Comme d'habitude, dès qu'elle m'a sorti de la voiture, je me suis mis à courir vers la porte en criant : « attend-moi! Attend-moi! » J'ai fait tous les exercices comme il faut et Grand-Mamie était fière de moi. Et puis, j'ai vu que Papa était venu me voir pour mon dernier cours. Je ne le savais pas, c'était une surprise. Moi, j'étais très content de lui montrer comment j'étais bon maintenant.

Alors, je suis retourné à la maison avec Papa. J'étais déçu un peu en arrivant parce que Maman et Coccinelle n'étaient pas-là. Après ma sieste, je suis allé dans un grand magasin avec Papa. Dedans, il y avait des grosses bêtes presque vraies, comme un orignal et un ours. C'est gros, ces animaux-là, beaucoup plus que dans mes livres en tout cas. Papa m'a acheté un filet pour que je puisse aller pêcher avec lui. J'ai bien hâte qu'on s'y mette tous les deux. On est aussi allés au Club, mais il n'y avait pas grand monde parce que la piscine n'est pas encore ouverte.

Ensuite, on est allés chez Grand-Mamie parce que c'était l'anniversaire de Tatie. Je pensais que Maman et Coccinelle seraient arrivées avant moi, mais elles n'étaient même pas là. Je trouvais que la maison manquait d'activité alors j'ai mis la musique, presque tout seul, j'ai eu à peine un peu d'aide pour mettre le disque dans le lecteur. Après, j'ai couru tout le long du corridor dans un sens puis dans l'autre plein de fois. Je crois que les adultes trouvaient que je m'activaient un peu trop parce qu'un moment donné Tatie a dit qu'il y avait un nouveau livre pour moi, à laisser ici. Je me suis précipité pour le découvrir et demander à Tatie de me le lire.

Quand Maman est arrivée, j'ai fait plein de bisous à Coccinelle, mais j'ai peut-être été un peu trop enthousiaste parce que je l'ai fait pleurer. En tout cas, après je me suis collé sur Maman parce que je m'étais ennuyé dans la journée. Au souper, les grands mangeaient du homard, moi je n'aime pas ça, même si je n'y ai jamais goûté. Alors j'avais du steak, mais je n'en ai pas tellement mangé parce que je m'étais bourré la face dans les craquelins et les noix avant le repas. De toute manière, ce que j'attendais, c'était le gâteau. J'avais dit à Tatie qu'on chanterait bonne fête à moi avant de chanter bonne fête à elle.

Le gâteau était vraiment très beau, avec des graines dessus. Je voulais mettre mes doigts dans le glaçage et Tatie a tiré le gâteau vers elle pour m'en empêcher en disant : « Non, Zazou, ne mets pas tes doigts dans le glaçage. » J'ai penché un peu la tête sur le côté droit et j'ai dit : « C'est qui Zazou, Tatie? » Elle m'a répondu que c'était moi dans des histoires qu'elle écrit et qu'un jour, je les lirais. Ça fait bizarre d'être Zazou quelque part que je ne connais pas.

Ensuite on a chanté bonne fête à Tatie et on a oublié de chanter bonne fête à moi. Mais j'ai quand même soufflé les bougies presque tout seul, je pense que Tatie avait un peu oublié de le faire. Heureusement que j'étais là pour l'aider.

Après, j'ai mis mon pyjama et j'ai dit à Papa que c'était le temps qu'on s'en aille. J'étais fatigué et je voulais me coucher dans mon lit à moi. Avant de partir j'ai fait mes câlin à tout le monde et pour une fois, j'étais content de m'en aller le premier. Il y a des fois où ça ne me tente même pas de me battre contre le sommeil, surtout après des belles grosses journées comme celle-là.

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jeudi, mai 24, 2018

Mission de sauvetage

J'étais installée devant mon ordinateur à triturer un texte qui n'aboutissait à rien. L'idée était bonne, mais il me manquait un petit quelque chose pour pouvoir dire que c'était un texte, en tout cas un texte publiable. Comme souvent, j'écoutais sans écouter la radio, une émission que j'avais entendue le matin et par conséquent qui ne m'intéressait que vaguement. N'arrivant à rien avec ma prose, j'avais décidé de fermer la radio histoire de mieux canaliser ma concentration.

J'ai aussitôt été happée par un autre bruit de fond beaucoup plus dérangeant.

Depuis quelques semaines, j'ai un nouveau voisin. Il s'est mêler au voisinage existant comme s'il faisait partie du tout de départ, autant dans sa manière d'être que dans ses goûts en décoration, en musique et tutti quanti. Et il a eu l'heureuse idée de mettre un haut-parleur sur son balcon dont le son donne directement sur la fenêtre de ma chambre, c'est dirigé sur elle et il y a genre un mètre qui les sépare. Alors j'entends sa radio commerciale quasi 24/7.

Oh, ce n'est pas très fort, le problème, ce sont évidemment les publicités tonitruantes qui changent le volume régulièrement et m'éveillent constamment. Et ce, même si le voisin en question est enfermé à l'intérieur. Comme s'il avait pris sur lui d'animer quiconque aurait la chance de passer sous ses fenêtres. En réalité, il est très rarement dehors, ce qui fait que la seule personne qui bénéficie de sa largesse d'esprit, c'est moi. Et disons que je m'en passerais volontiers. Je me couche donc la fenêtre fermée, des bouchons dans les oreilles, que j'ôte autour de 3 heures du matin quand je me rend compte que la radio est enfin éteinte.

Depuis un certain temps, je tergiverse avec l'idée d'appeler la police, parce que c'est une forme de pollution pour moi. Ce qui me retenait, c'est que je n'avais pas adressé mes doléances à la personne concernée.

J'ai résolu ce point ce soir en rentrant du travail. Ça ne me tentait pas d'aller le trouver, surtout qu'un homme lui parlait à partir du trottoir et juste à passer derrière lui, j'avais senti tout l'alcool dont il était imbibé. Je suis presque rentrée dans la maison sans rien dire, puis j'ai tourné les talons et je suis allée le voir pour lui expliquer que sa radio me dérangeait. Il m'a répondu que ce n'était même pas fort. J'ai dit que c'était vrai mais que ma fenêtre était presque sous son haut parleur. Il m'a regardée comme si je débarquait de la planète mars en disant : « tu tiens ta fenêtre ouverte? » J'ai répondu que sans climatisation, ça s'imposait. Il a opiné. Il m'a dit qu'il accepterait de couper sa musique à 23 heures la semaine seulement.

J'ai rétorqué que s'il était dehors, après cette heure, je pouvais comprendre qu'il laisse la musique, mais que je ne voyais pas pourquoi il la laisserait jouer quand il est à l'intérieur. Il a considéré ma demande et m'a dit oui, à reculons.

Pendant ce temps l'autre homme tentait de m'expliquer où il habitait et de me dire que lui ne faisait pas de bruit. Sérieusement, je n'en avais rien à faire : je n'étais pas en mission sociale mais en mission de sauvetage de ma santé mentale.

J'espère vraiment pouvoir dormir sur mes deux oreilles la nuit prochaine. Disons que j'en ai grandement besoin...

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dimanche, mai 20, 2018

18-05-2018

Elle avait parcouru les quelques mères qui séparaient l'entrée de la caisse sans aucune vitesse, ce qui ne l'avait pas empêchée de courcicuiter la ligne de caisse, l'air de rien. Elle s'était planté devant moi pour de me demander si elle pouvait avoir zoo ou la melbona. Il va sans dirre que je n'ai rien compris. Ses yeux étaient couverts d'une chape blanchâtre qui indiquaient qu'elle n'y voyait pas très bien. De plus, elle avançait avec une canne, toutes des choses que n'importe qui peut comprendre. Le problème c'est qu'elle s'exprimait en créole, que je ne parle pas. Et qu'au moment où elle m'avait abordée, j'étais juchée sur un escabeau en train d'essayer de changer une batterie défectueuse pour le système d'alarme.

Évidemment, je m'étais résolue à descendre de mon ciel inconfortable (j'ai toujours le vertige) pour essayer de comprendre ce que la dame me demandait. Après beaucoup de questions j'avais fini par comprendre qu'elle voulait obtenir le dvd de Tne mark of Zorro (version 1940), que nous n'avions évidemment pas surtout qu'elle voulait une version créole de la chose. J'étais un peu estomaquée de sa demande. L'autre titre, c'était, après enquête approfondie, La mélodie du bonheur, ça on l'avait. Sauf que, le tire inscrit en grosses lettre sur l'objet, l'était en anglais. La dame était donc totalement dubitative du fait qu'il puisse y avoir une version française (ce qu'elle semblait très bien comprendre à défaut de le parler). J'ai dû passer au moins vingt minutes à lui expliquer qu'une fois inséré dans le lecteur, elle pourrait choisir la langue dans laquelle elle verrait le film. Il est possible qu'elle n'ai jamais vu un dvd de sa vie, avant cette discussion.

Quelques instants plus tard, un client nous informait que le piano public, installé près de notre commerce était monopolisé par un itinérant qui alignait les canettes de bière vides et les mignonnettes d'alcool fort sur le dessus du piano. Il semblerait, de surcroît que l'homme en question haranguait les clients qui sortaient du magasin afin qu'ils lui offrent une certaine obole. Sérieusement, je n'étais pas très emballée à l'idée d'aller le confronter au moment d'avoir à poser la bâche en fin de soirée, si ça impliquait d’interrompre son concerto (erratique). Je n'ai pas eu à faire l'intervention, parce que quelqu'un du marché, ou fréquentant le marché l'a dénoncé, tout ce que je sais c'est qu'au bout de beaucoup d'heures, il a été accompagné, ailleurs, par un couple de policiers.

C'était une journée parmi tant d'autres, une journée simple en service à la clientèle, mais c'était aussi la journée ou j'atteignais ma quarante-cinquième année de vie. Je n'en avais pas fais un plat au travail, je n'avais pas demandé une journée de congé, ce qui fait que je n'avais personne à blâmer pour par journée pas si simple.

Alors, à la fin de mon quart de travail, j.avais attrapé un homard, une barquette de frites et un bon livre pour me réfugier dans mon espace.

J'en ai savouré chaque bouchée, comme si c'était ma dernière, et je me suis couchée sur le simple bonheur d'exister.

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jeudi, mai 17, 2018

Apprivoiser la bête

La plupart des gens croient qu'on adopte un animal. Moi je crois que c'est parfois l'inverse qui se produit et à ma connaissance, lorsque cela se produit le lien entre l'humain et l'animal en est décuplé. Quand j'ai déménagé ici, j'ai laissé derrière moi un chat qui vivait depuis toujours avec sa sœur et nous ne voulions pas les séparer. Lui et moi on s'entendait assez bien, mais sans plus. Mon départ ne l'a pas dérangé outre mesure, il est tombé sous le charme de l'amoureux de la personne à qui je l'avais laissé. Il s'était donc choisi un maître à sa mesure et ils ont vécu de longues années d'affection partagées. Il était le chat P beaucoup plus qu'il n'a jamais été le mien.

Parallèlement, ici, il y avait deux chats. Un des deux m'a adoptée en quelques semaines à peine. Nos personnalités se correspondaient à merveille. Nous aimions passer du temps ensemble sans toutefois être collés continuellement. Il venait se faire flatter cinq minutes, puis allait se coucher sur mon lit, veillant de loin à mes activités. Quand je me couchait il restait là, le temps que je m'endorme et migrait ensuite vers mon divan. Je l'entendais descendre, peu gracieusement, dudit divan quand j'étais éveillée depuis un moment et je savais qu'il m'attendais devant son plat de nourriture, impatiemment.

Lorsqu'il est mort, j'ai eu beaucoup de peine. C'était la première fois que je pleurais tant un animal, la première fois que je m'étais attachée à ce point. À un point tel que je n'ai pas voulu en adopter un autre, malgré l'ennui, parce que le chat que je voulais c'était celui qui était parti et que trouvais qu'il aurait été bien injuste pour une créature affectueuse de se contenter de miettes de mon attention.

C'est aussi arrivé à ma sœur, avec un chien. Elle et son amoureux avaient commencé par garder ce chien de temps en temps, mais il s'est adapté à leur environnement avec pugnacité et finalement ils l'ont gardé. Et aimé. Il y avait de quoi, c'était un chien adorable qui m'a grandement aidée à diminuer ma peur des grosses bêtes, même si je manque encore souvent de courage lorsque j'en croise une dans la rue. Si celle-ci n'est pas en laisse, je ne me pose pas de question et je change de trottoir. Quand il est mort, la famille au complet a porté son deuil. Moi comprise.

Il y a deux ans, ma grande amie a perdu son chat pendant qu'elle était en vacances. Elle en a été très peinée et l'a cherché pendant longtemps. Et puis, un jour, elle a pris chez elle le chat devenu celui de trop dans une famille déménagée en appartement. Elle ne le voulait pas et n'était pas naturellement portée vers lui. Mais il a été patient et l'a apprivoisée tout doucement. Il s'est installé dans sa maison et dans son cœur, l'air de rien.

Personne ne le savait mais ce chat avait une anomalie respiratoire et cardiaque. En moins de temps qu'il n'en faut pour dire « ouf », la fin de semaine dernière, il est parti. Euthanasié pour éviter trop de souffrance. Ce départ a été aussi subit que brutal pour sa maîtresse qui l'aimait complètement. Deux toutes petites années de vies partagées qui laissent dans leur sillage un vide immense. Et une peine tout aussi grande.

Alors non, je ne suis pas du tout certaine que l'apprivoisement soit un geste nécessairement humain. Je pense que les bêtes savent d'instinct trouver la meilleure personne avec lesquelles partager leur vie.

Qu'on se le tienne pour dit.

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dimanche, mai 13, 2018

Veiller au grain

Aujourd'hui, c'était la fête des mères alors, évidemment, on est allés souper chez Grand-Mamie tous ensemble. Ben, presque tous, il manquait Geoffroi. J'ai demandé à Grand-Mamie pourquoi il n'était pas-là. Je ne comprends pas qu'il ne vienne pas à toutes nos fêtes de famille parce que lorsqu'on me dit qu'il habite loin, je ne saisi pas vraiment ce que ça veut dire «loin».

Mais les autres étaient là, Tatie et Francis. Mais je suis arrivé le premier. Juste avant Tatie. Quand je l'ai vue, je me suis caché derrière les jambes de Papa et je lui ai dit que je ne voulais pas être son ami aujourd'hui. Des fois, c'est important de bien établir les choses. Mais je me suis un peu fait avoir parce que Tatie a décidé que comme je ne voulais pas être son ami, elle prenait Coccinelle dans ses bras. Je ne pouvais pas vraiment rouspéter parce que c'est moi qui avais mis la limite en premier. Alors j'ai lu le livre du lion avec Papa et puis on est allés mangé du concombre avec de l'humus.

Après, Papa est allé chercher le souper. Pendant ce temps, je courrais partout en toussant. Maman allaitait Coccinelle et je trouvais qu'on ne s'occupait pas de moi. Tatie a proposé de me lire Jack et le haricot magique. J'ai dit non, bien entendu, mais elle a sorti le livre et je n'ai pas pu résister. On s'est assis dans la chaise bleue et on a lu l'histoire. Je posais plein de pourquoi pendant la lecture et je ne comprenais pas toujours les réponses de Tatie. Ensuite, on a lu le Chat botté. J'aime le chat botté, mais je ne suis pas certain de comprendre l'histoire. C'est qui le Marquis de Carabas? C'est qui le fils du meunier? Pourquoi on ne voit pas l'ogre dans les images? Plein de grandes questions importantes, quoi.

Quand Papa est revenu, on a mangé du poulet. C'était un peu bon, mais très, très piquant. Trop pour moi. Je m'essuyais la langue avec ma serviette et j'ai découvert que ça ne goûte pas très bon une serviette en papier. Alors je n'ai pas beaucoup mangé, même les frites parce que je n'aime pas tellement le piquant. Mais j'ai eu droit à un popsicle super bon, tout mauve qui me faisait tout un maquillage de clown quand je le mangeais.

Ensuite, je suis allé cherché le casse-tête de fonds marins et j'ai joué à la garderie avec Tatie et Maman. Je leur montrais les animaux et elles devaient me dire ce que c'était avant que les mette à leur place. Mais elles se trompaient si souvent que je devais leur donner les bonnes réponses. Heureusement que j'étais là pour mettre un peu d'ordre dans la leçon! Puis, j'ai fait des casse-têtes très difficiles avec Tatie, avec des morceaux qui ont des drôles de formes. On a bien travaillé ensemble. C'était agréable.

Enfin, on a mangé le gâteau. Et j'ai évité la catastrophe! Un peu plus et on le mangeait sans chanter bonne fête. Vous imaginez? Mais j'ai rappelé à tout le monde qu'il fallait chanter, alors on l'a fait et j'ai soufflé les bougies tout seul, sans aide. Et pendant que je prenais une grosse bouchée de gâteau, j'ai réalisé qu'on avait juste chanté bonne fête et pas bon anniversaire. J'ai dit aux adultes qu'on avait oublié mais qu'il ne fallait plus oublier pour les prochaines fois.

Des fois, je me dit que sans moi, les adultes passeraient à côté des toutes les choses vraiment importantes.

Heureusement, je veille au grain...

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jeudi, mai 10, 2018

Traits de sexisme ordinaire

Lorsque j'ai ouvert la boite, j'ai presque eu mal aux yeux tant le rose était intense à l'intérieur. C'était un paquet provenant d'une compagnie de jouets bien connue et nous venions de recevoir une nouvelle ligne dédiée à un public féminin. Personnellement, je n'aime pas. Ça m'horripile ces jouets genrés. Surtout que ces collections n'existaient pas dans ma propre enfance, ce qui ne m'a pas empêchée de m'amuser follement avec leurs produits : je n'avais absolument pas besoin que ce soit rose pour m'y intéresser.

J'ai été très contente de voir que la réaction des employés était semblable à la mienne. La plupart d'entre eux y sont allés de surcroît de petites et grandes impatiences au sujet de tous les livres, particulièrement les livres-jeux, pour garçons ou pour filles (dans les titres) comme si labyrinthe ou un cherche et trouve devait absolument être destiné à l'un ou l'autre des deux sexe et non à l'ensemble des enfants qui posent leurs mains dessus.

D'idées en digressions, on s'est mis à se dire que c'était le reflet d'une situation problématique. Depuis quelques années, on entend beaucoup dire que les garçons lisent de moins en moins, qu'ils perdent rapidement de l'intérêt pour cette activité. Je constate, presque quotidiennement que l'offre de lecture est très abondante pour les filles et beaucoup moins pour les garçons. Il y a beaucoup de littérature fantastique dans laquelle les personnages principaux sont des garçons, mais peu de romans du quotidien du même acabit.

Mais je trouve que cela reflète autre chose. Personnellement, quand j'ai commencé à lire, je suis tombée dans des tonnes de mondes dont je ne voulais plus me sortir. Je n'ai jamais eu de difficulté à m'identifier aux différents personnages principaux qu'ils soient garçons ou filles. Jamais il ne me serait passé par l'idée que je ne pouvais pas lire les aventures de Bob Morane. Oui, le personnage était masculin, mais ça ne m'empêchait pas d'y prendre plaisir et de m'y reconnaître.

Est-ce là un minuscule trait du sexisme ordinaire? Que les filles peuvent lire des histoires dans lesquelles les personnages principaux sont des gars et s'en faire des modèles tandis que les garçons ne peuvent pas faire l'inverse? Je me demande ce que ça nous dit de la société soit-disant égalitaire dans laquelle on vit si les garçons ne peuvent pas, socialement du moins, prendre un personnage fictif féminin en exemple simplement parce que celle-ci est sympathique.

Je ne sais pas trop où l'on s'en va avec cela, mais j'essaie tranquillement, quand je rencontre un lecteur assidu qui est en panne de lecture et très curieux de l'orienter quelquefois vers des auteurs traditionnellement féminin, comme Lucy-Maud Montgomery. Je m'y suis essayé la semaine dernière et je me suis laissée dire par le jeune lecteur que j'avais tenté qu'il avait beaucoup aimé Anne. Parce qu'elle est drôle, pas parfaite et passablement humaine. Lui a pris cela comme un bon cours d'histoire canadienne en condensé.

J'ai pensé que c'était un petit pas de franchi.

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dimanche, mai 06, 2018

Germaine

Je ne prends pas très souvent l'autobus en fin de matinée le dimanche parce que c'est généralement, pour moi, un jour de congé. Ce qui fait que je quitte généralement mon domicile tôt, ou beaucoup plus tard, ou encore pas du tout. Bref, je ne savais pas que sur cette ligne de bus à cette heure précise il y avait un certain code à respecter. Je n'avais d'ailleurs aucune raison de m'en douter puisque je fréquente cette ligne quasi quotidiennement depuis près de 10 ans.

Je suis donc montée à l'arrêt habituel en trouvant un peu étrange que tout le devant du bus soit vide mais que l'arrière soit bondé. Je me suis donc installée près de la chauffeure en toute innocence. Je me rendais au dernier arrêt, j'en avais donc pour assez longtemps pour me plonger le nez dans un bouquin bien confortablement habitée par les personnages que j'allais y rejoindre.

J'avais à peine déplacer mon signet pour entreprendre ma lecture quand un homme est venu demander un renseignement sur les arrêts déplacés par la construction. La chauffeure avait répondu, grandement gênée, qu'elle en était à son tout premier trajet sur cette ligne et qu'elle ne connaissais pas bien le nom des rues. Comme je suis une personne gentille et que j'ai un genre de travers de service à la clientèle bien implanté dans mes manières, j'ai fourni l'information demandée au grand soulagement de l'homme qui semblait aussi perdu à Montréal que je le serais dans le bois. La conductrice elle était ravie de mon aide et m'a chaleureusement remerciée de ma gentillesse.

Je lui ai souri en retour et je me suis entrée dans ma lecture. Je venais de terminer un second paragraphe tandis que l'autobus était à l'arrêt quand une femme s'est plantée devant moi en me disant : « S'cuse-moi. » J'ai levée les yeux, surprise, pour constater deux choses; premièrement, elle ne s'excusait aucunement, elle exigeait la place que j'occupais; deuxièmement, il semblait évident que j'avais commis un impair majeur en prenant ce siège précis à cette heure particulière un dimanche, parce que visiblement, c'était le sien.

Je suis bien élevée, même si je lis souvent en transport en commun, je jette des regards fréquents autour de moi et je n'hésite pas à céder ma place aux femmes enceinte, aux vieilles personnes ou celles à mobilité réduite. Mais si cette dame était plus âgée que moi, elle ne l'était pas de beaucoup et surtout elle resplendissait de santé. Elle aurait tout aussi bien pu marcher les trois pas de plus qu'il fallait faire pour atteindre le prochain banc libre.

Je me suis levée en vitesse et suis allée me réfugier sur la banquette arrière pour camoufler mon fou rire. La dame qui m'a chassée s'est ensuite mise à parler avec la conductrice, ou plutôt à lui expliquer sa job, critiquant sa conduite (pourtant douce et agréable), la vitesse à la quelle celle-ci ouvrait les portes, etc... C'était vraiment trop pour moi, j'ai monté le volume de mon baladeur sans quoi je me serais écroulée de rire et ça n'aurait pas vraiment été subtil.

Quand le véhicule a atteint son terminus, j'étais la dernière passagère. La Germaine était descendue peu de temps après être montée. J'ai souhaité un bonne première journée à la conductrice qui m'a répondu avec un demi-sourire : « Maintenant je sais pourquoi aucun ancien ne veut faire ce trajet à cette heure précise ».

J'ai éclaté de rire en m'engageant sur le trottoir ensoleillé.

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jeudi, mai 03, 2018

Fillette étincelle

Je crois que j'ai été témoin de son tout premier voyage en autobus de ville vers son école. C'était il y a longtemps, quelque chose comme 7 ans. C'était une toute petite filles aux vêtures colorées. Elle portait souvent une multitude de rubans dans sa chevelure crépue et la plupart du temps elle était en robe. Elle me faisait un peu penser à la petite Mathilde qui n'aimait donc pas porter des pantalons durant l'enfance parce qu'elle rêvait d'être princesse et devait systématiquement faire tourner ses robes pour s'y sentir à l'aise. Combien de fois aie-je vu cette petite fille effectuer cette manœuvre que je connaissais si bien?

Les premières fois, sa maman l'accompagnait jusqu'à l'école, je présume. Je descends de l'autobus avant, je ne peux donc pas confirmer mon impression. Mais je sais que graduellement, la maman s'est contenté de conduire la fillette à l'arrêt d'autobus et un beau jour, elle est venue toute seule, et très fière sous le poids de son sac à dos surdimensionné. Avec les années, il nous est arrivé d'échanger quelques mots. Généralement c'était elle qui me demandait l'heure, histoire de s'assurer qu'elle n'avait pas manquer l'autobus (il lui arrive parfois de se présenter à l'arrêt presque en même temps que ledit autobus). Elle est toujours très polie et déférente avec moi, parce que je suis son aînée, je suppose.

Pendant quelques années, elle restait vers l'avant du bus jusqu'à un certain arrêt où une de ses amies montait à son tour. Alors la fête commençait et elles s'enfonçaient dans le ventre de la bête, le plus loin possible, pour se blottir sur un banc trop haut pour elles afin de se partager leurs messes basses bien dissimulées sous les contours de leurs gigantesques cartables.

Il y a deux ans environ, le rituel s'est arrêté. L'autre jeune fille n'y était plus. Peut-être avait-elle changé d'école ou encore déménagé, toujours est-il que je ne l'ai plus jamais revue à cet heure, sur cette ligne de bus. Cet automne-là, ma petite compagne de trajet qui se muait tranquillement en adolescente, avait un peu l'air triste. Jusqu'à ce quelle décide de prendre en charge des enfants de son écoles qui montent au même arrêt que nous. Elle a généreusement offert aux parents de mener les enfants à bon port, de transmettre son savoir de l'itinéraire pour que les enfants soient à leur tour capables de cette indépendance.

Pendant une bonne partie des mois d'automne, elle arrivait avec sa petite marmaille qu'elle était allée cueillir à leur porte. Elle assumait avec beaucoup de dignité et de responsabilité la tâche qu'elle s'était donnée. Et quand les enfants avaient voulu voler de leurs propres ailes, elles les avait regarder monter dans l'autobus sans son aide avec une fierté toute fraternelle.

J'ai hâte de déménager, je suis plus que tannée de mon quartier, mais cette jeune demoiselle va me manquer. En fait, ce que je regrette vraiment c'est de ne pas avoir l'occasion de voir qu'elle femme elle va devenir.

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