lundi, octobre 31, 2005

Une fille en soie

Il est 5 heures du matin et il y a une petite boule de fille couchée dans mon lit. Tout contre moi. C’est un truc de fille, j’en suis certain. De venir se coller contre toi ainsi, la nuit. Pendant son sommeil. Ses cheveux, fins comme de la soie me chatouillent le nez. Je ne veux pas la déplacer, au cas où ça la réveillerait. Et je sais que si elle se réveille, elle va encore aller se réfugier à l’autre bout du lit. C’est gigantesque un lit double lorsqu’elle est consciente qu’on est deux dedans.

Je ne sais pas à quelle heure elle est rentrée, mais forcément, elle était soûle. Ou gelée. Ses cheveux sentent le sperme. Je ne me demande même plus qui, je sais que ça n’a aucune espèce d’importance. Ce n’est qu’un symptôme. Elle baise quand quelque chose lui fait mal et vient toujours se réfugier dans mon lit, après. Je suis un gros nounours. Rien d’autre. Et je me déchire le cœur à tous les matins où elle quitte mon lit. Parce que je l’aime. Je l’aime pour sa détresse, ses silences, ses doutes. Je l’aime parce qu’elle joue la dure de dure, mais que c’est de la foutaise. Je l’aime parce que, dans le cœur de la nuit, quand elle dort paisiblement, ses défenses tombent et elle se tourne vers moi. Sans le savoir.

Il est 5 heures du matin et il y a une femme qui se débat avec l’existence du mieux qu’elle peut qui me demande silencieusement de rester celui que je suis pour elle : l’ami, le grand frère, celui qu’on aime sans aimer. Le plus dur c’est de ne pas la regarder avec des yeux amoureux, le matin au déjeuner. De ne pas lui demander avec qui elle est rentrée la veille. De ne pas jouer l’amoureux jaloux. De ne pas tenir le rôle de mes sentiments. Je sais que c’est une voie pavée pour la perdre complètement, et ça, c’est en dehors de mes possibilités. Alors je me fais discret. Je sais très bien que dans 2 heures, lorsque mon cadran va sonner, elle sera sagement couchée dans son lit et fera comme si elle n’était jamais venue me rejoindre.

Je bouge un peu, histoire de faire circuler le sang dans mon bras gauche. Elle lève la tête vers moi et me dit pas tout à fait réveillée : « C’est quand que tu vas me le dire que t’es amoureux de moi? » Elle se rendort aussi tôt.

Je reste là, silencieux en me disant que ce n’est certainement pas cette nuit.

samedi, octobre 29, 2005

Te bousculer

Tu m’aimes et j’ai peur. Il y a un mur de silence qui se dresse entre nous, quelque chose qui te travaille. Je ne sais pas ce que c’est, je ne veux pas te poser la question parce que si tu me disais que c’est à cause de moi, j’en perdrais le Nord. Je m’enfonce dans le plancher, je me fais discrète. Je veux tellement te plaire, je ne veux pas te brusquer. Je veux que tu me trouves parfaite, belle et parfaite. Je rentre la tête dans mes épaules comme une enfant qu’on chicane. Je souris pour deux, mais je ne demande pas. Et tu ne parles pas, bien entendu.

Il y quelque chose qui te dérange sauf que tu me dis que tout vas bien. Tu me fais l’amour, mais je sais bien que quelque chose a cassé dans le courrant. Tu es là, sans être là. Tu me regardes dans les yeux et j’ai l’impression que tu vois à travers moi. Un mica en chair et en os. Tu m’embrasses pendant que je cherche l’apaisement sur tes lèvres. L’apaisement que je ne trouve pas. Je questionne chacun de des gestes, chacun de tes mots tandis que le silence pèse et que je n’arrive pas à le crever. J’ai tellement peur que tu me dises ce que je veux à toute force éviter d’entendre. Tout ce que je veux c’est que tu m’aimes. Encore. Je me tais. Tu te tais. L’incommunication est parfaite.

Je suis capable pourtant de les poser ces questions. Je l’ai fait par le passé. Avec des amis aussi silencieux que toi. Ils ne m’ont pas laissée tomber. Au contraire, ils ne m’en ont que davantage appréciée. Ils m’ont trouvée forte, courageuse et capable d’assumer la vie. J’ai su le faire aussi avec les amants de passage. Ceux qui font vibrer mon corps en laissant mon cœur froid. Mais, c’est de la triche tout cela. Parce qu’ils ne m’aiment pas. M’enfin, pas comme tu m’aimes, toi. Ils ne me prennent pas dans leurs bras la nuit. Ils ne me murmurent pas des mots doux au creux de l’oreille pour bercer mon sommeil. Ils ne me disent pas à quel point je suis belle de la surface de leurs doigts. Et s’ils me quittent, ils ne précipiteront pas dans le vide de toi.

Tu m’aimes et j’ai peur. Il y a un mur de silence qui pousse entre nous. Je te regarde, les yeux meurtris, une petite fille engoncée dans le doute. Je n’ai pas de courage. J’essaie de lire ton silence : il y a trop d’avenues possibles pour que je sois certaine de la cause. Parmi les raisons il y a la possibilité que tu me m’aimes plus. Ou moins. J’ose pas te demander.

Pourtant, je sais au fond de moi que tu m’aimerais mieux, pas plus simplement mieux, si je te bousculais un peu.

vendredi, octobre 28, 2005

Laissés pressés

Ils arrivent préoccupés, pressés, sur le qui-vive. Ils sont bien mis, parlent fort et gesticulent beaucoup. Ils viennent voir des gens, dans l’atmosphère embuée du bar, mais ne sont jamais vraiment là. Ils sont en attente, en expectative. Ils sursautent au moindre son aigu. Ils sont à peine arrivés qu’ils se lèvent, portent leur main à l’oreille et se mettent à parler encore plus fort, au téléphone.

Pour se faire entendre, ils écrasent toute forme de conversation à leurs côtés. Ils mettent le cap vers la sortie ou les toilettes et continuent leur conversation. Dans les toilettes des filles, les cabines sont souvent occupées par ces demoiselles en grande discussion avec leur cellulaire. Et les autres attendent, faute de mieux que les cabines se libèrent, ce qui peut parfois être très long. Et je les entends dire : « Attends, je vais sortir, là il y a du monde qui joue avec la chasse d’eau ». À chaque fois j’ai le goût de leur demander : « C’est quoi? Tu voudrais que je te laisse une cuvette avec un tampon plein de sang pour que tu puisses terminer ta conversation? »

Qu’ils soient hommes ou femmes, ils retournent dans le bar, vissés à leur téléphone. Ignorant la conversation qui se tient sous leurs yeux comme si ce qui se passait au bout du fil était hautement plus important. Ça me sidère. J’ai eu un téléavertisseur pendant un certain temps, implication oblige, et j’avais l’impression d’avoir une laisse. Quand je ne suis pas chez moi, je n’y suis pas. Quand je décide de ne pas répondre au téléphone, je ne réponds pas. Et quand je suis dans un bar avec des copains, je suis dans un bar avec des copains. Je ne suis pas au téléphone avec quelqu’un d’autre. Je profite de l’intimité du moment pour sonder le fond de leurs yeux et écouter les textures de leurs silences. Il paraît que je suis assez douée là-dedans.

Au fond, j’ai peut-être rien compris. Peut-être que c’est comme pour le permis de conduire : ça ne me manque pas parce que je ne l’ai jamais eu. Je préfère encore m’en tenir loin pour profiter pleinement des instants que je vis. Au présent s’il vous plaît.

Variations sur un même t'aime

Le premier avait un an ou deux de plus que moi. J’ai toujours eu l’air jeune, alors forcément, ça paraissait, la différence d’âge je veux dire. Il venait d’un pays de solitude. Essentiellement parce que son visage était marqué par une acné puissante et rosissante. Il était timide, un peu réservé. À fortiori intéressant pour un oiseau de mon espèce. Une curiosité en somme. Une curiosité candide. Parce qu’il était si seul et si triste, je crois qu’il s’est accroché à moi au premier signe d’attention. Il a dû me trouver jolie aussi. Je ne sais pas… Il ne me l’a jamais dit. Un jour, il m’a donné une lettre dans laquelle il me déclarait son amour. Et moi, je suis restée bouche bée devant lui. Assommée par la nouvelle. Je ne voulais pas qu’il m’aime. Je n’avais aucun intérêt pour lui. Mais le rejeter comme ça? Voir que j’ajoutais une blessure dans le noir de ses yeux? Trop pour moi. Je lui ai répondu, mais j’ai tardé à lui répondre en me disant que ça allait passer. Il m’a écrit à nouveau. Je n’ai plus la lettre aujourd’hui mais je me rappelle que les dernières lignes étaient : « Je vois de l’amour dans tes yeux, mais quelque chose semble le retenir ». Alors j’ai explosé. Je lui ai écrit quelque chose de vachement méchant. Au bout du compte, j’ai donné la première lettre. Et j’ai quitté la gang que nous partagions, pour qu’il m’oublie. Après tout, moi j’allais à une école différente des autres.

Le second a été mon coloc l’espace d’un été. C’était Sherbrooke et son système coop. Il est arrivé chez moi après avoir trouvé l’annonce de la chambre à louer sur le campus. Il était en sciences et moi en lettres (oui, oui, j’ai fait cela dans ma vie). Si ce n’avait été de cette annonce, nos chemins ne se seraient jamais croisés. Nous étions quatre dans l’appartement. J’étais célibataire et innocente, vraiment. Je sortais jusqu’à la fermeture des bars et je rentrais chez n’importe qui en spécifiant tout le temps que je n’avais qu’un dodo à offrir. Et les gars acceptaient et respectaient cela. Ils essayaient toujours de passer la barrière, mais je leur rappelais notre entente de départ et ils reculaient ou je partais. J’arrivais à la maison vers 7h du matin et je me laissais tomber sur le lit de mon coloc, déjà levé et je lui racontais ma nuit. Je n’ai jamais compris pourquoi il était tombé amoureux de moi. Mais c’est arrivé. Et lui aussi me regardait avec cette douleur dans le regard. Douleur que je causais. Je me suis aussi choquée. J’ai plus jamais voulu le revoir.

Ça me fait peur avoir de l’ascendance, comme ça, sur des hommes qui m’aiment mais que je ne n’aime pas. Et je deviens intolérante à leur égard. Tout ce qu’ils me disent, que ce soit gentil ou non, me tape sur les nerfs. Je n’ai pas de patience à leur endroit et je me sens coupable de ressentir ces choses. Ce qui me choque le plus, c’est cette impression persistante qu’ils sont amoureux d’une image de moi qui n’est pas moi.

Je n’ai plus vingt ans et les hommes ne tombent pas amoureux de moi au premier regard. Mais il m’arrive encore de croiser ce type de regard-là. Et à chaque fois je maudis la nature de m’avoir donné ces yeux en amande qui se plissent quand je ris.

mercredi, octobre 26, 2005

Coupe-gorge intimes

Ils me font miroiter la lune, ils me promettent tous les bonheurs du monde pour que je m’approche assez afin qu’ils puissent m’enchaîner après le calorifère. Ils me disent : «je t’aime» pour en faire une prison. Ils me demandent un amour que je ne pourrai jamais offrir, jamais réaliser. Ils me demandent de faire d’eux le centre de l’univers, de mon univers.

Je me sens vile parce que je n’y arrive pas.

Ils m’écrivent des courriels que je ne lis même pas. J’ai des coups au cœur, une peur au ventre, une nausée de l’esprit. Une grosse panique qui remonte à la vitesse des restes d’ouragans qui frappent le Québec. Je ne suis pas capable. Trop de pression. Rien que de lire le message. J’ai le sentiment de revenir en arrière dans les pays des zombies que je croyais avoir quitté.

Je me réveille au cœur de la nuit, marrie d’avoir failli, de ne pas avoir lu.

Je les quitte. Toujours. Ils ne me laissent pas partir. Ils ont mon adresse intime. Je les quittent : ils ne me quittent pas. Je sens dans mon cou leur haleine avide. Ils écoutent mes mots sans comprendre mes maux, sans comprendre ce que je dis. Ils m’épient. Terrés dans l’obscurité de la lumière d’automne. Ils sont toujours autour de moi. Quoique je fasse, où que j’aille.

Je sens leurs lèvres sur ma peau, comme des brûlures permanentes qui me souillent toute entière. J’essaie d’en nettoyer les impuretés alors qu’ils passent leur langue sur le dos de mes mains pour me montrer que je leur appartiens. Ils m’invitent à passer la journée en leur compagnie, me promettant qu’on ne parlera pas de mon départ imminent. Cependant, je sais que j’aurai à faire face à un regard lourd de reproches. Ils me demandent une dernière fois qui n’est jamais la dernière.

Ils me disent : « Je ferais tout pour toi » tout en appuyant sur ma gorge jusqu’à ce que j’en perde le souffle. Ils sont les gardiens de mes peurs, mes manipulateurs.

Je voudrais simplement un cœur, pour un peu respirer.

lundi, octobre 24, 2005

Les brodeurs

Ils se dressent fiers comme des paons, droits dans leur maladresse, courageux dans leurs peurs. Ils affirment qu’ils n’ont besoin de rien, que l’esthétisme de leur ascétisme consenti leur suffit. Il me proposent un verre, une nuit et me demandent gentiment de partir au matin.

La fois suivante, ils me parlent de leurs ambitions, des femmes qui ont marqué leur corps, leur âme, leurs sensibilités. Ils m’en jasent l’air de rien, comme s’ils étaient indifférents; pour ne pas que je sache. Ils rient en cascades ces aventures sans queue ni tête dans lesquelles ils se sont enfoncés. Ils m’ouvrent le noir de leur cœur, les désirs inassouvis, les haines qui les habitent et me demandent de les aimer inconditionnellement. Ils versent des larmes de désespoir sur les maux qu’ils ont laissé couler sans s’en apercevoir.

Ils sont jeunes et me racontent l’impossible de se trafiquer dans une relation durable. Ils me tiennent la main en hurlant en silence qu’ils ont peur. Pour, eux, pour moi, pour ces femmes qui les touchent. Pour moi encore. Ils me parlent de leurs travers, doutant un peu de ma fidélité, doutant un peu de me perdre au hasard d’un mot blessant dont ils ne m’épargnent jamais les épines. Ils se roulent en boule à mes genoux, quémandant du geste mes phalanges dans leurs cheveux.

Ils se cassent sur mes silences, se retirent d’un pas. Leur voix se disloque. Ils pirouettent une drôlerie pour se sortir de l’embarra, acceptent des roses sans trop savoir comment. Ils me quittent en mordant le creux de ma paume, me promettant de revenir bientôt. Mais je sais que ce ne sont que de belles paroles.

En voyant leurs doigts trembler lorsqu’ils ramassent leurs paquets, je sais toujours que c’est la fin.

samedi, octobre 22, 2005

Un trottoir qui te remonte dans la face

Il y a quelques mois, tu t’en foutais complètement. Rien n’avait d’importance, si ce n’est l’immédiat. Et cette impression, fausse évidemment, de pouvoir, de supériorité. Tu les laissais s’asseoir à tes côtés, te dire qu’ils te trouvaient jolie, charmante, intéressante ou attirante. Et tu souriais.

Sûre de toi, prédateur jusqu’au bout des doigts, tu demandais : « T’as envie de passer la nuit avec moi? » Eux te regardaient, sidérés, balbutiant un semblant de réponse, trop soufflés pour que ce soit clair. Et t’en rajoutais : « Non mais, regardes; on peut se le dire tout de suite, régler la question maintenant et après parler d’autre chose. Parce que je ne suis pas rendue à partir immédiatement. »

Puis t’es rentrée de plein fouet dans un mur de tendresse. T’as perdu un max d’indifférence parce que tu t’es souvenue que t’étais pas au-dessus des autres. De toute manière, t’avais le cœur écrabouillé dans cette histoire qui n’allait nulle part, mais que tu choisissais de vivre pour enfin additionner les baisers et la tendresse. T’avais triché, tu t’étais présentée en femme-requin, mais t’as livré la femme-tendresse. Alors il a pleuré quand il a vu que tu t’étais blessée. T’as tout arrêté.

Ça fait une dizaine de semaines que tu te tiens tranquille, que t’as plus envie et que tu sais plus comment « pêcher » les mecs. Eux se souviennent de toi. Ils viennent te voir et t’invitent à leur table, te disent : « Ah! Ça fait longtemps. Je suis content de te voir, Mathilde. » Et toi tu te rappelles des détails stupides : celui-ci avait perdu ses lunettes, celui-là n’aimait pas les chats; lui ronflait bruyamment; l’autre avait cette tache de vin. T’as oublié un détail cependant : leur nom.

Y’a une main qui te tape sur l’épaule. Il te demande de te joindre à son groupe. Et tu te rappelles qu’il t’avait dit que cette tache de vin le complexait et que t’avais répondu que tu le trouvais beau pareil. T’es pas allée le voir. Il t’a attendue, espérée toute la soirée. Il te regardait de loin, tout le temps Tu le percevais et tu te sentais mal. T’as pas su lui dire : « Je suis désolée. » Parce que qu’il y a un trottoir qui t’a remonté dans la face quand t’as compris que de lui annoncer que tu le trouvais beau, pour lui, ça voulait tout dire.

jeudi, octobre 20, 2005

Une princesse à Montréal

Je me promenais sur la rue Saint-Hubert. Entre une ébauche de contrat et une activité socialisante gratifiante. C’était sur la Plaza. À Montréal, c’est l’endroit par excellence pour voir les robes de mariées. Les robes toutes blanches et pleines de froufrous. Et je me suis retrouvée en enfance.

Quel enfant québécois, n’a pas fait son magasinage de Noël dans le magazine du Distribution au consommateur. Ça arrivait quelque part en automne et je me blottissais sur le divan du salon, bien au chaud sous une douillette, sous la lampe brinquebalante à force d’avoir trop souvent été allumée et éteinte. Je passais des heures à rêver de ce que le Père Noël allait m’apporter en cadeau. Je voyais tout, longuement, réfléchissant au primordial « pourquoi » je voulais telle ou telle chose. Ensuite, j’en discutais très sérieusement avec maman. Et nous écrivions la lettre qui me permettrait de réaliser mes souhaits.

Je crois que j’ai toujours été une princesse de contes de fées dans mes songes. À l’époque, déjà, j’étais invariablement déçue des vêtements féminins en démonstration. Parce que je voulais des robes comme celles de Romy Schneider dans Sissi. Des crinolines longues comme la vie. Des robes qui craquent et bruissent sous vos pas, et des salles de bal. Bien entendu, je pensais qu’avec de tels vêtements, je serais aussi splendide que l’actrice en question. Alors, je demandais à ma mère de m’acheter des robes qui tournent. Quand j’étais petite, je ne portais pas de pantalons. Jamais. Ou presque. Que des robes. Qui tournent, svp. Ceci voulant dire qu’une fois dedans, quand je tournais sur moi-même, les robes devaient faire un joli rond autour de moi. Sinon, je faisais renvoyer la marchandise. Princesse je vous dis.

Il a bien fallut un jour que je réalise que l’époque des robes à crinolines était révolue. Honnêtement, je ne suis pas certaine que j’aurais apprécié le corset. Mais je rêvais encore de la fois ou je pourrais aborder une tenue de jeune première à sa soirée d’ouverture. Ma mère n’a pas voulu m’acheter une robe de ce genre pour mon bal de finissants. Elle trouvait (à juste titre) que mieux valait acheter une tenue que pourrais reporter par la suite. Alors j’ai pensé qu’à mon mariage peut-être…

Ce jour-là, j’avais une robe vert printemps. Toute simple. Nous sommes séparés depuis longtemps.

Je n’aurai même pas eu ma robe de mariée, le blanc m’étant désormais interdit.

Je suis tout de même une princesse. Même si je n’en ai jamais revêtu les atours. Demandez-le à mes amis, ils vous le confirmeront.

mercredi, octobre 19, 2005

De Max à André

Mon premier souvenir de Maxime est plutôt flou. Il était tout petit, ma mère le gardait. Ce n’était pas vraiment mon bébé, c’était celui d’une de mes amies. Mon bébé frère lui, était rendu grand, il faisait des legos dans le sous-sols, génie de construction qu’il était. Et ma mère n’avait pas encore dans le ventre le bébé sœur que j’attendais tellement. Ce soir-là, Max était sur le comptoir de la cuisine et j’ai capté son premier quelque chose, mais je ne me rappelle plus quoi. Je sais cependant que j’étais très émue.

Quelques années plus tard, en vacances aux Îles-de-la-Madeleine, Max nous faisait rire par la justesse des imitations qu’il faisait des accents des îliens que nous croisions. Déjà l’oreille développée et l’humour. Je crois qu’il a toujours été drôle. Je ne le sais que très peu, trop préoccupée que j’étais à jouer avec les grands pour porter une attention réelle à ce petit bonhomme de six ans mon cadet. Mais mon frère, riait beaucoup en sa compagnie. Ça je m’en souviens.

Hier soir, je suis allée au Verre-Bouteille sur Mont-Royal. Il y avait un lancement d’album : Les derniers modèles de la mode masculine du groupe André. Maxime en est. Bon, je le savais avant de m’y rendre. Je savais aussi qu’il n’est plus un petit garçon, mais je crois que si pour moi, son frère et sa sœur ont vieilli normalement, lui il restait un enfant, à la limite un adolescent. Dans ma tête du moins. Mais hier, il y avait un homme sur scène. Un homme qui chante avec une voix d’homme.

Dans les textes, le même humour que ce dont je me rappelais vaguement. Une belle présence scénique. Vraiment, un produit à découvrir. Je suis partie avec un peu de mauvaise foi parce que je ne pensais pas que j’aimerais la musique et j’ai cru que j’irais juste pour Maxime. Eh bien, je me suis fait avoir. J’ai oublié d’acheter le disque, par contre. Mais j’irai encourager un empire, faute d’autre solution.

Mais le mieux dans toute cette histoire, c’est que les gens qui étaient présents étaient ma meute. Je l’aie reconnue tout de suite. Que des personnes de cœur.

mardi, octobre 18, 2005

Conjuguer mes identités

« Es-tu prête à apprendre à te faire consoler?
Parce qu’il y a plein de monde autour de toi qui serait prêt à te le montrer, Mathilde. »

Il y a deux Mathilde en moi. L’une d’elle est fonceuse et très sûre d’elle-même. Elle est une Dame Secrète. Elle décide, se présente, va vers les hommes qui lui plaisent, annonce ses couleurs, demande sans détour des bras pour une nuit, et autre chose aussi. Elle part au matin, tête haute sans avoir laissé de morceau d’elle-même au passage. Un peu froide, un peu calculatrice, un peu aigrie par l’éphémère des relations sans réelle importance qui ont jalonné ses nuits.

L’autre Mathilde, a posé autour de son corps une série de barrières quasi infranchissables. Cette Mathilde-là on ne peut pas la toucher physiquement. On peut l’émouvoir, la charmer, la faire rire. Elle a une capacité d’écoute très grande, peut vous dire : « je t’aime » et trouver les mots justes pour calmer la peine. Jamais elle ne vous prendra spontanément dans ses bras ni ne se laissera prendre. Elle se braquera. Elle fait de gros efforts cependant. Si on lui demande, si on lui dit que c’est nécessaire elle pourra vous prodiguer un câlin maladroit, pas trop long. Mais il faut lui demander. Sinon, elle ne sait vraiment pas poser les gestes par elle-même.

La Mathilde entravée ne sait pas trop comment plaire : faire le mouvement pour signifier son intérêt et encore moins recevoir les signes de la réciproque. Cette Mathilde-là peut passer une soirée avec un mec qui lui a arraché le cœur en passant devant sa table sans se rendre compte qu’il la drague. Et finir la soirée avec un baiser sur les lèvres plein de promesses de séduction, ébahie d’avoir charmé. Sans jamais revoir l’homme en question, puisque ses pas le menaient à l’extérieur de la ville.

La Mathilde prise dans ses chaînes pleure trop peu, se dirige à l’odeur de la peur, doute et s’engonce dans des patterns nocifs. Aujourd’hui elle a un peu le cœur dans une flaque de larmes qui ne veulent pas couler. Parce qu’une Sauterelle amicale a posé la question ci haut citée. Et qu’elle n’a pas su quoi répondre. Ignorant encore si elle est capable de laisser tomber les forteresses qui l’entourent. Malgré le fait qu’elle sait très bien que ces murs-là lui font sans doute plus de mal que de bien.

J’aimerais bien arriver à conjuguer ces deux Mathilde à la même personne.

J’ai le vertige depuis des années.

Et s’il n’y avait rien pour amortir ma chute?

lundi, octobre 17, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

18- Les visages de l'automne





Bonjour Marie-Hélène,

Maman est revenue de chez toi hier, toute pimpante. Je ne sais pas ce que l'air de ton appartement lui fait, mais elle revient de chaque séjour toute reconstruite, pleine de paix. Elle regarder tisser les anges de son imagination en souriant toute seule. Ça vaut mieux, c'est certain, qu'une maman épuisée qui n'arrive pas à revenir de voyage.

Pendant qu'elle n'était pas là, Madame Coloc m'a pris en photo de tous les angles. Je me suis prêté au jeu parce que je savais que c'était pour la bonne cause. Maman trépignait de bonheur lorsque Madame Coloc lui a appris qu'elle avait fait des portraits de moi. Vraiment! Un peu trop empressée, elle a mis rapidement une image en ligne SANS ME CONSULTER! J'étais un peu choqué, tu vois. Parce que j'aurais voulu me présenter de pieds en cape pour que tu puisses avoir une idée plus juste de mon apparence. La fleur était magnifique certes, mais elle n'en demeure pas moins qu'un visage éphémère de ma personne. D'ailleurs, elle est tombée ce matin, et gît, sur le plancher, à mes pieds. Ce n'est donc pas très représentatif.

C'est pourquoi, j'ai décidé d'aller faire moi-même une sélection parmi tous les portraits de moi. Après tout je suis le modèle n'est-ce pas. Il est donc légitime que j'aie voix au chapitre. Tu me vois donc devant ma belle grande fenêtre de la salle à manger. Elle donne sur l'arrière cours, là où se trouve ma résidence estivale. J'ai cinq boutons en préparation. Je suis très heureux d'être à nouveau dans la maison. J'aime bien être avec tout le monde; je demeure un hibiscus social.

Sur la photo, tu ne vois pas Élisa car elle est juste de l'autre côté du mur derrière moi. Elle trône majestueusement sur le micro-ondes et babille allègrement lorsqu'on part le lave-vaisselle. Comme un oiseau tout content d"entendre quelqu'un chanter avec lui. C'est peut-être parce que le micro-ondes est posé sur le lave-vaisselle et que les vibrations la chatouillent. Je ne peux pas savoir: elle ne parle pas encore. Par contre, elle a commencé à produire des petites pousses à la racine de sa jolie et longue mèche. J'ai bon espoir d'avoir une fille à la luxuriante chevelure d'ici quelques mois.

Je sais que tu m'avais écrit que tu n'étais pas trop enthousiaste à l'idée d'échanger des photos trop rapidement. Mais au bout de 5 mois de fréquentations épistolaires, j'ai cru que ce pouvait être adéquat. J'espère que tu me trouves beau, parce que moi je te sais si belle. Surtout depuis que je vois grandir ta fille.

Ton Roger xxx

dimanche, octobre 16, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

17- Un portrait d'amoureux


Roger qui regarde les étoiles en rêvant à Marie-Hélène.

Photo prise par Madame Coloc pendant que j'étais moi-même reçue par l'hôte de ladite Marie.

vendredi, octobre 14, 2005

Je n'ai pas su

Quand tu es apparu devant moi, la peau blême et tirée, les yeux fous cherchant une réponse au mal qui t’usait les tripes, j’aurais aimé savoir faire le pont des gestes. Je suis restée démunie, silencieuse et maladroite.

J’aurais voulu savoir mettre ma paume dans ton dos, apaisante et sereine, pour te faire respirer normalement; tranquillement. Sans que la boule qui obstruait ton œsophage se mette à grossir davantage. Respirer pour prendre le temps, respirer pour vaincre les peurs.

Je n’ai pas su.

Quand je t’ai vu te tordre de douleur, sous les assauts du mal qui te rongeait, j’aurai aimé savoir te dire de t’étendre près de moi; là où ta tête pouvait rejoindre mes mains afin que mes doigts puissent éloigner la souffrance de leur attention caressante.

Je n’ai pas su.

Entre moi et les autres, il y a cette muraille invisible qui fait en sorte que je ne sais pas poser les gestes qui parlent de réconfort. Chaque élan vers l’autre, que cet autre soit homme ou femme, même le plus spontané, me donne une impression d’intrusion. Les gestes se suspendent d’eux-mêmes dans les vides des heures.

Lorsque j’ose transgresser mes limites et mes interdits, dans des moments d’humour et de convivialité : prendre vaguement un coude, donner une tape affectueuse sur une épaule, la culpabilité entre en jeu. Je revis en pensée ces gestes pendant des temps trop longs ; rappels d’une condamnation dont j’ai été à la fois la juge et l’accusée.

Poser un geste, sans que les pas de l’intimité eussent été préalablement franchis, m’est quelque chose d’inaccessible. Moi la sur-maternelle femme, je suis sans solution devant l’épuisement de l’âme et des sens. Je ne sais pas voir mes amis pleurer.

J’aurais voulu te consoler.

Je n’ai pas su.

jeudi, octobre 13, 2005

Les indiscrétions

Il fallait que je mange : je n’avais avalé que quelques fruits depuis mon réveil. Il était presque 16h00. Après avoir déposé mes sacs, je suis allée faire les courses pour le souper. Sur le chemin du retour, je me suis arrêtée dans un casse-croûte pour me sustenter.

C’est un quartier qui recommence à vivre. Les devantures des magasins on reprit du pimpant. Je ne l’ai connu qu’à l’été; lorsqu’il bat dans un rythme lent, sous le soleil. Cet après-midi-là, l’automne avait déposé sa bise sur les êtres qui le fréquentent. Les pas pressés se succédaient et j’entendais le vrombissement de mille discussions sérieuses autour de moi.

J’ai pris le plateau que la caissière me tendait et je suis allée m’assoire dans la vitrine. Pour observer. J’avais attrapé un journal que j’ai ouvert devant moi sans le lire parce que mes oreilles captaient la discussion à la table voisine. Les femmes étaient particulièrement mal fagotées. Les couleurs criardes de leurs tenues juraient entre elles. Sans les regarder vraiment, je pouvais deviner les mauvaises teintures de leur cheveux abîmés. Elles devaient avoir l’âge de ma mère, mais paraissaient âgées de trente années supplémentaires.

L’une racontaient sa vie a bâtons rompus. La cruauté de son homme. Les coups. L’alcool et la drogue. Et ce fils qui avait tout vu et tout entendu. Ce fils qu’elle n’avait su protéger du monstre. Elle disait qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait partir. Qu’elle était restée beaucoup trop longtemps. Qu’encore aujourd’hui elle parlait à cet homme parce qu’il avait besoin d’elle. Moi, j’écoutais triste de sentir la détresse et le manque de ressources de cette femme. L’autre lui a demandé ce qui l’avait fait partir. Elle a répondu : « c’est quand Lise Payette a inventé le féminisme.»

J’aurais pleuré. Évidemment, ce n’est pas Lise Payette qui a inventé le féminisme. Elle a été une digne porte parole de ce courrant. A travaillé pour que les femmes sachent qu’elles n’avaient pas a tout endurer. Pour la femme à mes côtés, madame Payette était plus qu’une politicienne ou une auteur de téléromans à succès : elle lui avait permis de dire : « ça suffit ».

J’ai ramassé mes trucs, écoeurée de mon voyeurisme auditif.

mardi, octobre 11, 2005

S'étioler

Ils avaient passés des mois à apprendre à se connaître. Elle s’était laissée prendre au jeu de cette relation exclusive. Dans la mer de ses yeux, toujours la quête d’amour qui la caractérisait depuis si longtemps. Tandis que lui gardait le regard fuyant de ceux qui ne sont pas certains d’avoir mis les pieds sur le bon navire.

C’est l’histoire commune d’une rencontre. Elle qui aime; Lui ne sait pas. Et la peur qui prend les tripes. Qui monte le long de la colonne vertébrale comme un vilain serpent.

C’est le banal : « je suis bien avec toi, mais…». Et les couches de silence qui se succèdent.

Dans cette histoire, Elle a tu l’amour. Tenter de le circonscrire ; de le tuer peut-être aussi. De faire comme si ce sentiment n’était pas important. Tenant compte de tous les avertissements que Lui prodiguait. Se taire pour ne pas le perdre. Se taire pour ne pas tout perdre. Et arriver au final avec la même conclusion : il est parti.

Parler est difficile parce qu’on veut tellement garder les îlots d’amour qui nous entourent. On se fait croire que ne pas être certaine nous laisse plus de choix que de savoir que l’Autre ne nous aime pas. Et on se construit des personnages imaginaires tellement collés sur la vérité qu’on ne voit pas qu’ils en sont distancés. On interprète insidieusement leurs paroles pour approuver ce que l’on ressent, sans se rendre compte que tout est faux.

Étrangement quand on a peur de perdre, on provoque la ruine. Tandis que lorsqu’on décide de foncer, on gagne le plus souvent. C’est une lutte de tous les instants. Tasser le doute. Même en amitié. Peur de déranger, de prendre trop de place, d’ambitionner sur l’espace qui nous est imparti. Peur que l’Autre cesse de nous aimer.

Il y a des histoires vouées à l’échec et on le sait souvent depuis le début. Pourtant on continue à se taire, jouant la petite bête possessive autour de ce qu’on ne veut pas laisser aller. On s’acharne à conserver le squelette d’une relation qui se putréfie sur elle-même.

Et c’est notre âme qui s’étiole, toujours un peu plus.

lundi, octobre 10, 2005

Le premier café

Comme la plupart des gens, je déteste les réveille-matin. Se faire sortir abruptement du sommeil lorsque celui-ci est profond, ce n’est pas très agréable. Je crois que mon corps réagit à ce désagrément en fonctionnant à l’horloge interne. Il ne m’arrive que rarement d’avoir besoin d’un cadran pour me réveiller. Et lorsque la situation se présente, c’est généralement parce que je dois me lever vraiment trop tôt.

Durant les deux dernières semaines, j’ai eu à me lever entre 6h00 et 6h30 tous les matins pour cause de boulot. En quinze jours, j’ai vu les nuits s’allonger sur les jours et prendre toujours un peu plus d’espace. Se réveiller lorsqu’il fait noir est plus difficile que par temps clair. Pour moi. Malgré tout, mon horloge interne continue à me pointer l’éveil à des heures très matinales. Cela me prendra sans doute un certain temps pour me défaire de l’habitude d’ouvrir mes paupières dès que l’aiguille pointe le 6.

Dans le noir de la nuit qui ne veut pas s’envoler, je n’avais pas envie de me sortir de mes draps. Mon dos me signalait pourtant que je devais m’activer un peu. Lorsque je dépasse le huit heures de sommeil, je suis toute courbaturée comme si j’avais passé la nuit à faire des redressements assis. Alors j’étais là, seule dans mon lit, seule dans ma maison, déstabilisée par le fait que je n’ai RIEN à faire. Pas de course pour arriver à temps au petit déjeuner; pas de téléphone pour confirmer mes réservations; pas de cartes à regarder pour s’assurer des itinéraires. Surtout pas de calculs complexes de kilométrage en fonction de la vitesse réelle du véhicule sur les routes, qui tiennent compte de la vitesse maximale permise dans telle ou telle région, afin de prévoir les pauses de mes voyageurs.

Uniquement moi. Quelques petites responsabilités au passage : le lavage, un rapport à écrire, des magasins à arpenter, un lave-vaisselle à vider. Rien de bien prenant en réalité. J’ai allumé tous les postes de radio de la maison pour me donner l’impression que la vie continuait son cours. Un peu de vie dans le morne d’un matin d’octobre gris et froid.

J’ai constaté une fois de plus que je suis une personne grégaire et que rien ne me plaît davantage que de prendre mon premier café avec une personne appréciée.

dimanche, octobre 09, 2005

Chroniques dans le pot de fleurs

16-Revenir à la maison

Mon petit pou,

Je t’écris dans le train qui me ramène à la maison parce que je m’ennuie beaucoup. Madame Coloc m’a écrit de tu faisais des boutons, que tu me préparais des fleurs pour mon retour. Je viens de passer quinze jours à l’extérieur de la maison et ce fut difficile. Pas tellement parce que le groupe l’était. Non, cette fois, c’était plutôt les circonstances.

Tu sais, je ne suis pas très bonne en anglais. Je ne suis pas mauvaise non plus. Simplement, pas très bonne. Mon chauffeur d’autobus était anglophone alors je devais toujours tout traduire. Et quelque fois, à cause de mon accent, on ne se comprenait pas lui et moi. Petits malentendus de rien qui pèsent au bout du compte. Comme les dernières journées étaient en Ontario en plus, je me sentais très seule et très isolée. Sans compter le fait que j’étais hors des circuits les plus fréquentés donc je n’ai pas rencontré d’amis guides comme moi.

J’ai pris le train pour la première fois depuis mes douze ans. Drôle d’expérience. C’est cahoteux un train entre Toronto et Montréal. Et ça ne va pas très vite non plus. Moi qui suis une dormeuse de transport, je dois avouer que le train ne me fait pas. 6h00 de transport sans dormir. À mes côtés, il y avait ce grand monsieur tout baraqué qui prenait énormément d’espace en dormant (parce qu’il y arrivait lui). Il parlait juste l’anglais. Et mes oreilles étaient bien lassent d’entendre l’anglais justement. Par contre, lui trouvait que mon accent n’était pas difficile à comprendre.

De l’autre côté de l’allée, il y avait une maman et ses deux filles. Je les entendais parler en français et ça me faisait du bien d’entendre le français. J’ai enjambé mon grand dormeur pour aller me joindre à elles. J’ai fait la moitié du voyage avec elles. Des nouvelles amies. J’aime bien me faire des amies comme cela. Nous avons fait des jeux avec des mots, dessiné des princesses et mangé un peu. On s’est raconté des histoires aussi. J’ai trouvé plein de livres à leur suggérer parce que tu sais, elles habitent à Toronto alors, les livres en français sont difficiles à trouver.

Je leur ai parlé de toi aussi. Et elles ont dit qu’elles viendraient lire tes lettres parce qu’elles aiment bien les histoires de plantes. Alors peut-être qu’un jour elles nous écriront un commentaire.

Le train entre en gare, je vais arriver tout bientôt.

Ta maman qui t’aime xxx

dimanche, octobre 02, 2005

En haut de la côte

Sur les rives du Saint-Laurent, alors que nous allions arriver en haut de la côte St-Antoine, j’ai vu le soleil trouer les nuages. Sur l’autre rive, le temps était noir; le ciel si bas qu’il vous donne l’impression que vous pouvez le toucher. Il roulait à côté de nous comme une menace de tempête tandis que nous continuions à avancer le long de la frontière nuageuse, sur la rive ensoleillée.

Lorsque nous avons atteint le sommet de la côte St-Antoine, à ma droite, là ou le fleuve s’allongeait et s’élargissait, les couleurs de l’automne commençaient à flamboyer. Des rouges, des verts, des orangers, des jaunes. Au cœur des arbres, ces maisonnettes aux toits colorés. Le ciel gris et lourd couvait le paysage d’un œil menaçant.

À nos pieds le village de Baie-Saint-Paul, mis en valeur par son écrin de nature; pierre précieuse au milieu d’un paysage bucolique, cependant qu’à notre droite de fins rayons réussissaient à traverser le grondement du ciel en faisant jaillir sur leur passage des arcs-en-ciel pimpants et clairs. Signal, sans doute attendu, pour que les fées dispersent la colère du ciel. Et les trouées qui se multipliaient, laissant voir ça et là, sur la rive opposée, ces taches de soleil joyeuses.

J’ai fermé les yeux, respiré le parfum de cette nature gorgée de pluie. Puis j’ai vu un rayon partir dans tous les sens, comme un follow spot balayant une scène.

Alors j’ai compris que je voyais mon premier ovni.