Je venais à peine de
peser sur « publier » quand les alertes de mon téléphone
se sont mises tintinnabuler, toutes en même temps. J'avais regardé
distraitement l'écran sur le coup, juste avant qu'il ne s'éteigne,
pour le rallumer immédiatement, incertaine de ce que je venais d'y
lire. Mais les mots étaient bien-là noirs sur blanc :
« Attentat terroriste à Québec, au moins 6 morts dans une
mosquée ». Je m'étais alors exclamée : « ben
voyons ! »
Bien entendu, j'avais
ouvert la télé illico pour syntoniser une chaîne de nouvelles en
continu et me rendre compte que ce n'était que trop vrai. J'étais
atterrée. L'horreur qui frappait sous nos pas, une tuerie sans nom.
Encore, tout près. Racisme, islamophobie, un nouveau djihad dans mon
pays ? J'avais été l'appareil rapidement, peu convaincue de
l'exactitude des informations à ce moment parce que tout était
encore trop vif, trop chaud, trop récent.
J'étais allée me
coucher, la tête pleine de trop de choses. Et mes souvenirs me
ramenaient à l'époque de mon militantisme universitaire, lorsque je
parcourais les routes du Québec avec plein de gens mais surtout une
fidèle compagne au nom et au visage indéniablement arabes, mais que
je ne percevais pas autrement que comme mon amie. Une très bonne
amie. Avec laquelle rire était un battement de cœur aussi régulier
que normal.
Quelques années après
ces événements, elle s'était mariée, par amour, et s'était
établie en France. Et puis le11 septembre 2001 avait frappé. Une
foudre immense. À cette époque, nous correspondions encore un peu.
Elle avait écrit une lettre à plusieurs correspondants, très
belle, très intense sur tout le mal-être et le malaise que les
regards portés sur sa personne, parce qu'elle était ce qu'elle
était avec son bagage héréditaire et religieux. Nous avions été
plusieurs à lui répondre qu'elle aurait été moins ostracisée
ici, dans notre province si accueillante et bienveillante. Et nous
nous étions crus.
Évidemment, on se
mentait. À tout le moins, je
me mentais. Je savais bien que l'intolérance n'était pas loin. Pas
nécessairement la mienne, quoique... j'avais et j'ai toujours des
opinions aussi tranchées que tranchantes sur certains sujets. Mon
féminisme, ma manière très teintée par ma culture de percevoir
l'espace que les femmes devraient occuper et surtout de la manière
dont elle devraient l'occuper, en est un exemple.
J'ai
fait des choix, et mes parents avant moi aussi, qui font de moi une
athée. Je ne comprends pas la croyance dans un dieu, quel qu'il
soit. Cependant, je la respecte, depuis toujours. Tant et aussi
longtemps que cela ne mène pas à l'extrémisme. Et l'islam est loin
d'être le seul terreau de ce dernier.
Alors,
bien entendu, je saigne. Je saigne des blessures infligées à cette
chose que je comprends pas par quelqu'un qui partage les mêmes
racines que moi. Et je cherche, de toutes les forces de mon âme,
laquelle de celles-là, je dois prioritairement panser.
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