T'es mal prise hein,
jeune femme d'aujourd'hui ? Tu n'as pas très envie de te
déclarer féministe parce que tu te sens jugée par tes pairs,
particulièrement les filles, qui voient en ce mot qu'un moyen de
raccourcir la tête des hommes pour des raisons qui apparaissent
abstraites. Surtout si t'es irrémédiablement hétérosexuelle. Tu
n'y peux rien, ce sont les hommes qui t'attirent et dans cette
sexualité là, ce serait préférable que tu ne sois pas trop
vindicative, du moins c'est ce que tu crois.
Alors, tu te tais, quand
un gars qui te plaisait dans les lumières tamisées du bar, mais
devant lequel tu t'étais sentie mal, très mal, à un contre une.
Parce que c'était ça. Un contre une. Tu es mal prise quand sa
violence t'éclabousse le visage, quand tu as l'impression qu'il se
masturbe sur ton corps, avec ton corps, sans égard à ce que tu
ressens. Malgré toutes les réticences que tu pousses sur la table
de vos ébats, ou plutôt des siens.
T'es mal prise quand tu
n'as pas verrouillé ta porte à double tour et qu'un homme, que tu ne
connais absolument pas s'est assis sur le bord de ton oreiller pour
te dire que tu l'avais aguiché, trois heures plus tôt, au bar où
tu étais passé poser une bise sur la joue d'une amie qui en avait
besoin. Tu ne l'avais même pas vu, ou si tu l'avais aperçu, tu n'y
avais porter aucune importance en supposant que l'inverse avait été
réciproque.
T'es mal prise parce que
les années passant, tu n'as plus aucune espèce d'envie d'être
séduisante, parce que tu vis avec les réminiscences de ce moment où
ton corps n'a pas pu être un rempart suffisant, alors tu l'as
desséché jusqu'à la moelle. Assez pour te promener désormais en
chaise roulante ou avec des béquilles pour soutenir des jambes
chétives. Au moins ce processus aura remplit son premier objectif :
tes règles n'existent pas davantage qu'un enfant qu'on aurait pu
t'imposer.
T'es mal prise parce
qu'au lieu de t'étioler, tu t'es laisser alourdir jusqu'à ne plus
pouvoir percevoir tes propres contours, t'étant laisser couler dans
les couches de graisses juste assez pour ne plus attirer le regard
des prédateurs en quête des plaisirs de celles qui ne veulent pas les
offrir. Mince victoire. À ton entier détriment.
T'es mal prise parce que
quoique tu dises, tu seras jugée, et tu le sais. Les autre femmes te
traiteront de jalouse, les hommes de sorcière, de féministe,
d'hystérique, ou autres qualificatifs déplaisants. T'es mal prise
parce que que quoique tu taises, la chape de ta culpabilité se lovera
autour de toi jusqu'à ce que tu trouves une oreille, une seule, à
laquelle tu puisses confier ton vécu sans jamais être certaine
qu'on te croit.
T'es mal prise parce
qu'il n'y a aucun espèce d'échappatoire à ta réalité : on
t'a trahi dans le plus intime de l'intime, parce que le corps que tu
habites le permet. Et que même intellectuels ne voient pas le mal
que cette violence t'a faite, après tout nous ne vivons pas dans un état en guerre.
T'es mal prise, parce que
si tu commences à te dire que le féminisme, finalement c'est pas si
pire, un millier de trolls vont se manifester sur ton mur, pour te
rappeler à quel point il est facile de saper ta confiance en toi.
T'es mal prise...
J'aimerais te dire que ça va passer, mais je sais pertinemment que
je suis au moins aussi mal prise que toi.
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