dimanche, octobre 30, 2016

Entrées par effraction

Je me rappelle un retour de séjour dans les Laurentides, je devais avoir dix ou onze ans, parce que je dormais déjà dans la grande chambre du rez-de-chaussée, lors duquel on s'était aperçus que nous avions été dévalisés. Ce n'était pas la première fois qu'un tel événement se passait sur la rue, je savais que c'était arrivé un 24 décembre, quelques années plus tôt à l'autre bout de notre tronçon. Si je connaissais les victimes, rien de ce que me amies qui l'avaient vécu avaient pu me raconter ne m'avaient rendu la situation tangible.

Mais ce soir-là, dans la bise hivernale, je ressentais jusque dans mes os, un froid que n'avais jamais perçu jusqu'alors. À cette époque de ma vie, ma maison était le lieu par excellence de ma sécurité. Sauf que la porte du séjour était désormais branlante et il manquait des appareils électroniques ainsi que mon sac de couchage. Je n'avais alors pas compris pourquoi le sac de couchage avait disparu, dans ma très grande innocence. Mes bijoux de pacotilles eux, étaient restés bien à leur place, peut-être en fut-il autrement des bijoux de ma mère, je ne m'en rappelle plus.

Après les événements, il m'avait fallut plusieurs jours pour me remettre à dormir paisiblement. Beaucoup de bruits, parfaitement normaux, me faisaient sursauter une fois que le soir était tombé et on s'entend que la nuit gagne son pari sur le jour très longtemps dans les hivers québécois. Ça ne s'est cependant pas reproduit, pour nous à cette adresse-là. Alors, l'impression d'insécurité s'était graduellement amenuisée jusqu'à devenir le souvenir confus que je narre aujourd'hui.

Je vis dans un quartier haut en couleurs depuis plus de sept ans. Je sais qu'il est arrivé à plusieurs demeures du voisinage d'avoir des visites de dévaliseurs. Juste à la porte d'à côté d'ailleurs, c'est arrivé au moins deux fois en quelque chose comme cinq ans. Ces voisins ont fini par se faire installer un système d'alarme et mon colocataire et moi-même nous sommes toujours félicité d'en avoir un bien actif et largement identifié dans nos fenêtres, ça nous donnait l'impression que nous ne vivrions jamais rien du genre. Et payer un système d'alarme quand on habite au rez-de-chaussée d'un telle quartier, nous apparaissait une sage idée.

Grand bien nous fit de ne jamais avoir eu l'idée saugrenue de le faire désactiver. Cet après-midi quelqu'un a tenté de forcer l'entrée de l'appartement. Mais il s'est fait casser les oreilles par le bruit tonitruant du système. Je ne sais pas combien de temps ça sonne avant de s'arrêter de soi-même, mais ça n'a pas dû être très agréable pour les personnes qui étaient à domicile pendant qu'il se faisait aller les aigus.

Mis à part un penne endommagé, nous nous en tirons avec rien pantoute. Le système a rempli son office de faire déguerpir les intrus avant qu'ils ne puissent mettre un pied dans l'appartement. Ceci dit, je me sens exactement comme dans mon enfance quand j'étais fébrile à l'idée d'aller me coucher. Je sais que je vais avoir toutes les misères du monde à trouver le sommeil quand viendra l'heure de poser ma tête sur l'oreiller.

Je sais que je vais avoir l'envie très forte d'armer le système avant d'aller me coucher, juste pour me rassurer.

J'espère cependant que je ne laisserai pas ce genre de peur prendre le pas sur ma vie.

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jeudi, octobre 27, 2016

Avant la spirale

Sur la table de mélamine que je connais par cœur, au lieu des sempiternelles demandes d'emploi, il y avait un tas d'objets volontairement abandonnés à cet endroit. Deux trousseaux de clefs, deux cartes signifiant l'appartenance à l'entreprise pour laquelle je travaille depuis douze ans que j'ai posés derrière moi pour plonger dans la nouvelle aventure qui m'attend la semaine prochaine.

Pour l'instant, je ne travaille plus nulle part : pendant quatre jours, je serai complètement indépendante de mes responsabilités ordinaires. Je me situe très exactement entre deux chaises. L'air de rien, me voilà à quelques jours de travailler pour ce que j'ai perçu comme la compétition pendant onze ans. C'est long, dans ma vie professionnelle.

Je laisse équipe que j'ai participé à bâtir. Une équipe que j'aime de tout mon cœur à travers ses individus sinon, dans son entièreté.

Je laisse une connaissance devenue presque instinctive de la mise en marché, d'une clientèle que j'avais l'impression de comprendre dès qu'elle mettait un pied dans le magasin. Je me trompe certainement à cet effet, mais tout de même, je pouvais mettre des produits de l'avant en me trompant très peu souvent. Je pouvais proposer d'autres produits, en me trompant aussi peu souvent. Cinq années passées au même endroit, ça a son lot d'atouts.

Mardi, je me plongerai dans la jungle du montage d'un magasin dont je ne connais rien. Je suis complètement ignorante de la partie phare des produits : je ne connais strictement rien aux instruments. D'accord, j'ai une certaine accointance avec ceux-là depuis ma plus tendre enfance, mais ça demeure très vague. Je sais faire la différence entre un piano et une flûte, mais ça s'arrête à peu près là. Je me sens complètement néophyte D'accord aussi, ce n'est pas le le département dont je serai en charge, n'empêche que...

Je ne connais pas les codes par cœur et j'ignore les classements. J'ai eu beau faire de l'espionnage dans l'intranet de ma future demeure professionnelle, je comprends les méthodes de recherche mais rien à rien à ce que ça veut dire pour la personne qui doit se mouvoir à travers les rangées surchargées de l'époque de l'année qui nous empêche d'avoir une vue d'ensemble sur ce qui est mis en place.

Je ne connais pas l'équipe avec laquelle j'aurai à travailler. Il me faudra lui expliquer mes aspérités : je n'ai pas toujours le tact qui devait s'imposer pour une gestionnaire, je n'ai pas toujours une patience exemplaire : certaines formes d'incompétences m’insupportent et il semblerait que c'est inscrit en lettres capitales sur mon visage. Mais, quand les gens me connaissent, ils savent bien que je suis principalement équitable et que j'ai un talent certain pour mobiliser les troupes, alors ces petits défauts finissent par se fondre dans les vues d'ensemble. Sauf que là, j'ai tout à construire ; ma réputation comprise.

Et plus que tout, je ne connais pas la clientèle : ça me fait peur parce que ça confronte mon sentiment de compétence sur lequel mes réflexes professionnels reposent.

J'ai quatre jours devant moi, quatre jours durant lesquels je serai totalement débranchée et dans un noir certain.

Je compte bien en profiter avant de sombre dans la spirale démente du temps des fêtes et de m'y amuser du mieux que je pourrai.

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dimanche, octobre 23, 2016

Clin d'oeil

Samedi, un peu avant dix-huit heures sur le quai du métro Montmorency, quatre adolescentes que j'estimais être en secondaire deux ou trois, faisaient le pied de grue en attendant le prochain train. Elle semblaient avoir quitter la maison de A pour poursuivre leur fin de semaine dans la maison de B. J'étais frappée par les nombreuses différences qui se dégageaient de leur petit groupe, particulièrement dans leurs physionomies respectives. J'avais l'impression de voir les hormones travailler à des vitesses différentes.

Mais surtout, je me revoyais au même âge, faire exactement la même chose : partir de Laval où nous avions passer le vendredi soir à écouter les derniers vidéos que toutes filles de nos âges se devaient d'avoir vus, pour aller terminer passer la soirée du samedi à Montréal, chez une autre fille du groupe, souvent chez-nous, afin de se dire que nous n'avions pas passer toute la fin de semaine en banlieue, comme si cela aurait risquer de ternir irrémédiablement nos réputations.

La différence était la longueur du trajet parce que les autobus avaient la fâcheuse habitude de faire le tour du monde pour se rendre à destination tandis que les jeunes filles qui se trémoussaient devant moi n'avaient que trois stations de métro à parcourir en quelque chose comme cinq minutes. D'ailleurs, elles n'étaient pas pressées ; elles avaient longuement hésité avant de monter dans le train, déçues qu'elles étaient que ce ne soit pas un métro Azur. Je pense qu'elles en avaient laissé passer quelques uns juste pour pouvoir raconter qu'elles avaient fait un tour dans un de ces engins, d'une manière dégagée, devant les autres élèves de l'école, le lundi matin.

Quand elles avaient fini par se précipiter dans le wagon que j'occupais, juste avant que les portes ne se ferment, mes souvenirs d'adolescence s'étaient à nouveaux mis à danser devant mes yeux. Parce qu'il n'y avait aucune espèce de forme d'égalité dans leurs relations : je pouvais dire qui étaient la leader, qui la seconde, qui la troisième et qui la faire valoir. J'avais occupé beaucoup de ces rôles à mon époque, rarement, sinon jamais celui de leader cependant. J'ai d'ailleurs appris, il n'y a pas longtemps, qu'un de mes professeurs avait dit à mes parents que je n'avais pas beaucoup l'attitude d'un enfant aîné. Si cela voulait dire d'amener tout le monde à me suivre, en effet, je ne l'avais pas du tout. Je préférais de loin jouer les seconds violons, le leadership, je l'ai développé plus tard.

Je ne fais pas toujours exprès de porter une oreille attentive aux discussions qui m'entourent, dans ce cas précis, j'étais au cœur de leur tempête adolescente. Qui ressemblait en tous points à celles de la mienne. Leurs discussions portaient sur les gars de l'école, des filles qui n'étaient pas leurs amies, des profs qui étaient plus ou moins cool et des films qu'elles écouteraient une fois rendues à destination.

Le plus ironique dans tout cela, c'est que je me suis aperçue qu'elles fréquentaient exactement la même école que moi à leur âge, quand je passais mes fins de semaines entre Laval et Montréal.

Comme si la vie voulait me donner une preuve qu'elle change sans cesse tout en restant immuablement la même.

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mercredi, octobre 19, 2016

Mal prise

T'es mal prise hein, jeune femme d'aujourd'hui ? Tu n'as pas très envie de te déclarer féministe parce que tu te sens jugée par tes pairs, particulièrement les filles, qui voient en ce mot qu'un moyen de raccourcir la tête des hommes pour des raisons qui apparaissent abstraites. Surtout si t'es irrémédiablement hétérosexuelle. Tu n'y peux rien, ce sont les hommes qui t'attirent et dans cette sexualité là, ce serait préférable que tu ne sois pas trop vindicative, du moins c'est ce que tu crois.

Alors, tu te tais, quand un gars qui te plaisait dans les lumières tamisées du bar, mais devant lequel tu t'étais sentie mal, très mal, à un contre une. Parce que c'était ça. Un contre une. Tu es mal prise quand sa violence t'éclabousse le visage, quand tu as l'impression qu'il se masturbe sur ton corps, avec ton corps, sans égard à ce que tu ressens. Malgré toutes les réticences que tu pousses sur la table de vos ébats, ou plutôt des siens.

T'es mal prise quand tu n'as pas verrouillé ta porte à double tour et qu'un homme, que tu ne connais absolument pas s'est assis sur le bord de ton oreiller pour te dire que tu l'avais aguiché, trois heures plus tôt, au bar où tu étais passé poser une bise sur la joue d'une amie qui en avait besoin. Tu ne l'avais même pas vu, ou si tu l'avais aperçu, tu n'y avais porter aucune importance en supposant que l'inverse avait été réciproque.

T'es mal prise parce que les années passant, tu n'as plus aucune espèce d'envie d'être séduisante, parce que tu vis avec les réminiscences de ce moment où ton corps n'a pas pu être un rempart suffisant, alors tu l'as desséché jusqu'à la moelle. Assez pour te promener désormais en chaise roulante ou avec des béquilles pour soutenir des jambes chétives. Au moins ce processus aura remplit son premier objectif : tes règles n'existent pas davantage qu'un enfant qu'on aurait pu t'imposer.

T'es mal prise parce qu'au lieu de t'étioler, tu t'es laisser alourdir jusqu'à ne plus pouvoir percevoir tes propres contours, t'étant laisser couler dans les couches de graisses juste assez pour ne plus attirer le regard des prédateurs en quête des plaisirs de celles qui ne veulent pas les offrir. Mince victoire. À ton entier détriment.

T'es mal prise parce que quoique tu dises, tu seras jugée, et tu le sais. Les autre femmes te traiteront de jalouse, les hommes de sorcière, de féministe, d'hystérique, ou autres qualificatifs déplaisants. T'es mal prise parce que que quoique tu taises, la chape de ta culpabilité se lovera autour de toi jusqu'à ce que tu trouves une oreille, une seule, à laquelle tu puisses confier ton vécu sans jamais être certaine qu'on te croit.

T'es mal prise parce qu'il n'y a aucun espèce d'échappatoire à ta réalité : on t'a trahi dans le plus intime de l'intime, parce que le corps que tu habites le permet. Et que même intellectuels ne voient pas le mal que cette violence t'a faite, après tout nous ne vivons pas dans un état en guerre.

T'es mal prise, parce que si tu commences à te dire que le féminisme, finalement c'est pas si pire, un millier de trolls vont se manifester sur ton mur, pour te rappeler à quel point il est facile de saper ta confiance en toi.

T'es mal prise... J'aimerais te dire que ça va passer, mais je sais pertinemment que je suis au moins aussi mal prise que toi.

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dimanche, octobre 16, 2016

Objets perdus

Toute personne ayant un jour travaillé avec moi sait que j'ai un problème de clés : je les perds continuellement. Peut importe les dispositifs que j'essaie d'adopter pour ne pas les égarer partout, c'est immanquable, à un moment ou à un autre, je me mets à fouiller frénétiquement sous les feuilles de papiers, dans tous les recoins d'un bureau, dans les bacs à recyclage à la recherche de ce bien sous ma responsabilité. À chaque fois, j'ai des sueurs froides jusqu'à ce que le brillant du métal finisse par me faire de l’œil et je fini par poser ma patte sur le trousseau, immensément rassurée.

Mes histoires de clés volages ne se limitent pas seulement à mon travail cependant. Je n'ai pas tenu le compte du nombre de trousseaux que j'ai égaré dans ma vie, sans doute pas loin de la vingtaine. Les pires moments de mon existence à cet égard, c'était quand je pouvais verrouiller les portes de mon appartement sans mes clés et me rendre compte, en voulant rentrer, qu'elle étaient à l'intérieur. Quand j'habitais seule, ce n'était pas commode, quoiqu'il y avait un double chez le concierge, sauf que celui-ci n'était pas toujours chez lui quand j'en avais besoin.

Tout ça pour dire que j'ai fini par croire qu'il y avait quelque chose dans mon karma au sujet de ces objets qui se dissimulent à ma vue. Combien de fois, après avoir fait refaire tout le trousseau, ne les aie-je pas trouvées dissimulées dans une doublure de manteau lorsqu'elles s'y étaient plongées par le trou d'une poche que j'avais négligé de reprisée ? Je ne saurais dire.

Toujours est-il que je suis rentrée à la maison cette semaine et qu'arrivée devant la porte, je me suis retrouvée devant une porte que je ne pouvais plus ouvrir. Je sais que j'avais mes clés avant de partir du travail, elles n'étaient pas au bon endroit et je les ai volontairement changé de place pour être certaine de ne pas me faire de peur en arrivant chez-moi.

Faut croire que j'aurais dû les laisser là où elles étaient parce que visiblement, je les ai prises dans mes poches pour les mettre dans mon sac-à-main mais que j'ai sérieusement manqué mon coup : elles n'y sont plus.

Par chance, ce soir-là, je voyais de la lumière émaner de la chambre de mon colocataire. J'avais donc une chance de rentrer à bon port sans trop de heurt. Et la porte s'est effectivement ouverte sous un éclat de rire devant ma mine déconfite.

Je suis une étourdie, je l'ai toujours été : je rêvasse dès que j'ai une parcelle de seconde pour le faire. Alors forcément, il y a des détails qui me sortent de la tête. Je perds continuellement mes clés et mes porte-feuille, mais je crois que ce pourrait être bien pire.

Je me rassure en me disant que je ne perds pas la tête, c'est déjà ça de pris.

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jeudi, octobre 13, 2016

Larmes de fond

Lors de ma dernière vraie grosse colère, de celles que je ne contrôle absolument pas, j'ai eu vraiment peur d'avoir mis en jeu beaucoup de choses et de gens qui me sont chers. Je savais depuis longtemps que mon comportement était totalement inacceptable sauf qu'il m'avait fallut, je crois, atteindre le fond de mon marais très personnel pour prendre conscience de tous les effets néfastes que ce comportement avait sur moi.

J'ai donc entrepris de défaire ma mauvaise habitude, mais surtout de comprendre les mécanismes qui la déclenchaient. Ça n'a pas pris beaucoup de temps pour faire un lien qui était sans doute évident : je me choquais pour cacher ma peine.

Bon.

Le problème que je rencontre depuis, c'est que j'ai l'impression d'être une fontaine intarissable. Non, je ne braille pas à gros sanglots. Je ne me liquéfie pas non plus. Mais j'ai la gorge serrée souvent et les larmes aux yeux à des moments importuns.

Moi qui me targuais de ne pas pleurer, je me retrouve continuellement sur le fil du rasoir dans mon quotidien. Ça me déstabilise complètement parce que j'avais érigé un mur solide d'indifférence autour de ma personne. Ça me permettait de prendre les coup de gueule des clients enragés sans trop de dommage. Maintenant, je les prend de plein fouet, larmes incluses, même si je peux encore m'appuyer sur mon orgueil pour ne pas les laisser paraître devant la personne qui ne les mérite pas.

Beaucoup de gens affirment que pleurer n'est pas un signe de faiblesse, mais de force. Je pense qu'il y a du vrai là dedans, sauf que ça n'en demeure pas moins inconfortable. Non, je ne retournerais pas à mes états de colère passés. Ne serait-ce que pour préserver tous les gains que j'ai fais depuis cette absence d'agressivité.

N'empêche que je ne me sens pas toujours à l'aise avec ces émotions qui remontent et m'enveloppent. Cette connaissance de ce qui m'atteint.

Il y a des moments où je préférerais pouvoir me lover encore dans la fausse indifférence dont je faisais preuve. Surtout quand je vois venir certaines tornades émotives.

Un changement drastique dans mon emploi, avec une équipe que je ne connais pas et qui ne me connaît pas davantage, par exemple.

Mais ce n'est pas la seule chose que je vois poindre. Il y a quelque chose qui m'a fait vraiment perdre les pédales il y a un an et demi qui est sur le point de se répéter.

Je me sens fragile, les larmes de fond s'élèvent et menacent de me faire tanguer.

Et j'ai une peur quasi paniquée de déraper.

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dimanche, octobre 09, 2016

Le virage

T'sé quand ta vie est sur point d'effectuer un virage à un angle de 180 ? La plupart du temps, tu ne ne le vois pas venir. C'est une suite de minis événements, de minutes qui s'enchaînent, de gestes auxquels tu n'as même pas particulièrement porté attention. Et un moment donné, tu te retrouves toute seule, devant un précipice que au bout d'un chemin que tu croyais bien balisé.

Tu te savais rendue à relever de nouveaux défis, mais tu les voyais dans une fenêtre très particulière. La prochaine étape était de devenir gérante de succursale dans une petite superficie, histoire de répéter le chemin parcouru en tant que gérante de plancher. Quelque chose de connu, dans l'inconnu.

Sauf que c'est rarement ainsi que les choses se passent. En juillet, tu as appris qu'une succursale de la bannière récemment acquise s'ouvrirait. Tu as mis ton nom comme candidate à la gestion de la succursale, tout en sachant que ce n'était pas à ta mesure, mais avec l'envie dévorante d'avoir une occasion de te présenter comme gestionnaire potentielle de magasin, parce que tu t'y voyais.

Pour un paquet de raisons, en premier lieu le fait que d'ouvrir un magasin est un foutu gros contrat, tu n'as pas été retenue. Tu étais tout à fait d'accord avec cette décision et celui de la personne qui a obtenu le poste. Passer une entrevue ne veut pas nécessairement dire que tu te crois inconditionnellement la meilleure personne pour occuper le poste sur lequel tu as appliqué.

Ce que tu ne pouvais pas prévoir cependant, c'était que ladite entrevue laisserait assez de traces pour qu'on ait envie de t'offrir quelque chose en rapport à cette nouvelle entité. Quelque chose que tu ne pouvais pas refuser. Malgré le fait que tu es heureuse dans ce que tu fais depuis 5 ans dans ta succursale de banlieue. Malgré le fait que tu travaille encore à ce jour avec une équipe du tonnerre qui a quotidiennement gravé son nom sur ton cœur au cours des années.

Et tu t'es retrouvée devant un embranchement. Rester au même endroit, terminer tous les dossiers qui étaient entamés ou opérer le virage qui s'ouvrait devant tes yeux. Au risque de te péter la gueule. Parce que l'air de rien, tu connais tout de l'ancienne réalité, techniquement, elle n'a aucun secret pour toi et accepter l'offre qu'on te fait s'est presque te plonger dans le vide puisque tu ne connaîtras plus rien des classements, des systèmes de paies, de toutes ces petites choses qui te donnent confiance en toi quotidiennement.

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Le premier novembre, ou autour de cette date, je deviendrai gérante de département pour la succursale d'Archambault qui ouvrira au Marché Jean-Talon. La seule chose de mon ancienne vie avec laquelle je pourrai travailler c'est que je connais les politiques de service à la clientèle sur le bout de mes doigts. Connaissance bien mince si on la compare à l'envergure de l'aventure qui s'annonce.

Ma grosse chienne jaune de trouille est solidement assise à mes côtés. Mais j'ai tout de même décidé d'y aller.

J'espère vous y croiser.

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jeudi, octobre 06, 2016

Le troisième angle du voisinage

Je reste au même endroits depuis des années. Le voisinage a toujours été aussi particulier que bruyant. En tout cas, assez pour créer un impact sur mon sommeil. En plus, j'ai parfois l'impression que l'entièreté de ce voisinage se donne la tag pour s'échanger le rôle de l'importun qui raccourcit mes nuits.

Il y a quelques temps, je me suis fait réveiller par un cri tonitruant autour de 4h30 du matin. Un homme hurlait : « t'es où » en parcourant le le parc qui s'étale sous mes fenêtres. Il y avait un mélange de désespoir et de colère dans sa voix. Lorsqu'il avait fini par trouver l'objet de sa quête, ce devait être à sous une des tables à pique-nique qui se dressent juste devant la porte de l'appartement (ben il y a une rue entre les deux, sauf que c'est vraiment tout proche). Je n'ai pas trop compris ce qu'il criait à son interlocuteur, son débit était trop saccadé et sa diction pâteuse à souhait. N'empêche que ce matin-là, je n'ai pas trouvé le moyen de me rendormir, dérangée par la violence qui était contenue dans ce que mes oreilles percevaient. J'étais certaine qu'il y avait un interlocuteur, parce que j'entendais les grondements diffus d'une voix rocailleuse sans être apte à en saisir le contenu.

Et ce matin, c'est revenu. Le même homme hurlait sous mes mes fenêtres. Du moins, je crois que c'est le même homme parce qu'il me semble que c'était la même voix. Il s'adressait sans doute, d'ailleurs à la même personne que la fois précédente parce que le roulement de cailloux des réponses imperceptibles était aussi au rendez-vous. Mais celui dont je décodais les paroles était sans aucun doute beaucoup plus sobre et plus calme. J'ai fini par comprendre les tenants et les aboutissants de la querelle.

En fait, ces deux personnes se partagent un territoire pseudo-habitable du parc longeant la rue que j'habite tandis que d'autres se logent le long de la descente du pont. Il y était question de squatter ces endroits depuis plus longtemps que d'autres d'où les spot du côté moins bruyant du parc en question. Le crieur se targuait d'avoir été le premier à s'installer durablement dans le secteur ce qui lui donnait, selon ses termes le l'avantage du premier choix. Et sa colère était due au fait que l'autre, celui que j'entendais sans le comprendre, avait uriné sur le territoire revendiquer par l'autre.

Bon, je dois admettre que je n'aimerais pas du tout qu'un voisin vienne pisser sur les plancher de ma maison, je le comprenais d'être en furie.

N'empêche que je suis lasse de me faire tirer des bras de Morphée par ces envolées dérangeantes. C'est peut-être pour cela que je me rappelle beaucoup plus souvent de mes rêves ces temps derniers, à force d'être réveillée brutalement en plein milieu de mon sommeil paradoxal.

Mais en même temps, je n'ose pas espérer que la température fasse en sorte que le logement à ciel ouvert qui existe visiblement devant chez moi, ne soit plus praticable, parce qu'alors je sais que je me demanderai où ils sont, ces hommes qui y vivent depuis quatre ou cinq mois. Et que j'aurai peur pour eux qu'ils ne se soient pas trouvé un abris pour affronter l'hiver.

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dimanche, octobre 02, 2016

Tirer le sommeil

Je me suis réveillée ce matin avec un goût de bile au fond de la gorge. Je savais que j'émergeais d'un cauchemar, ma température et les battements effrénés de mon cœur me le confirmaient. Comme c'est souvent le cas en pareille situation, je n'avais que peu de prise sur les lambeaux de mes songes, sauf le désagrément qu'ils m'avaient causé.

Si je me savais dans mon lit, je n'avais plus aucune idée de la date et du jour de la semaine. J'ai d'abord pensé que j'avais oublié de mettre mon réveil et que j'étais largement en retard pour le travail. Mais un bref coup d’œil à la fenêtre dont les rideaux étaient mal tirés m'a vite fait comprendre que c'était impossible. En voulant regarder l'heure à ma montre, je me suis souvenu que je l'avais volontairement laissée sur la vanité de la salle de bain. Afin de ne pas passer la nuit à regarder le temps s'écouler, justement.

Je savais qu'il ne me servirais à rien de regarde mon cadran parce qu'il est en avance de je ne sais pas combien de temps. Petit psycho-truc pour ne pas virer folle à le voir m'indiquer une heure qu'il est largement plus tôt que 6 heures du matin quand je me lève pour aller travailler. Il ne me restait que deux options, s'il me fallait absolument savoir l'heure : me lever pour aller chercher ma montre ou me lever pour aller appuyer sur la touche de mon téléphone.

J'étais encore désorientée par le mauvais rêve qui me revenait peu à peu en mémoire en ressacs confus. Il y avait des dates, plein de dates comme autant d'échéances qui me criaient que je ne les atteindrais jamais. Et la lueur ténue du petit matin qui filtrait dans les interstices des rideaux. J'ai fin par me rappeler que j'avais congé. Mon sens des responsabilités et ma hantise d'arriver en retard où que ce soit se sont immédiatement calmé les nerfs.

Et puis le rêve s'est reformé devant mes yeux comme si je ne m'étais jamais éveillée. J'avais perdu mes mots ! Le cauchemar se résumait à cela. Une semaine sans pouvoir écrire et savoir qu'on en était au vendredi sans que je sache aligner deux mots de suite sur la page. Je voyais la semaine se défaire en heures, en minutes, en secondes en sachant que j'avais omis de mettre mes pensées par écrit et que si je voulais tenir la promesse que je me suis fait il y a presque deux ans j'aurais à produire deux textes à une vitesse folle alors que plus un seul mot ne me venait à l'esprit.

Je me suis levée, frissonnante. Et j'ai passé la journée à regarder la page blanche à me demander si une fois de plus, je pourrais la franchir.

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