Ça ne paraît peut-être
pas tous les jours, mais je suis historienne. J'ai un bac ce qui me
permet de m'arroger ce titre. Sans trop le vouloir, j'ai baigné dans
l'histoire socioreligieuse tout au long de mon parcours. J'y revenais
continuellement, sans même m'en rendre compte. Au bout d'un an, j'ai
fini par prendre les cours qui s'inscrivaient directement en ce sens,
dans toutes les directions. Ainsi, j'ai suivi un séminaire sur les
religions animistes de l'Afrique Noire, un autre sur les religions
traditionnelles de l'Asie, quelques cours sur le judaïsme, un paquet
de cours sur l'Islam et une pléthore de cours sur le christianisme.
Si j'ai suivi tant de
cours sur l'histoire de l'Islam c'est, en partie parce que j'étais
fascinée par son expansion fulgurante entre 634 et 751 de notre ère,
quasiment sans violence. À force de taxes et d'impôts rédhibitoires
plutôt qu'à coups d'estoc. Je trouvais cette forme de prédication
et de manière d'occuper, certes par la force, le territoire,
pratiquement rafraîchissante si je comparais avec les pratiques de
mes propres ancêtres qui se tapaient dessus au nom d'un Dieu qui
n'avait jamais rien demandé de tel.
J'étais aussi intéressée
par la relation relativement distante que l'État gardait face à la
religion dans cette partie du monde et aussi le nombre de
connaissances scientifiques, culturelles qui foisonnaient à Bagdad
tandis que l'Europe croupissait dans son Moyen-Âge. Époque durant
laquelle l'éducation était clairsemée, les connaissances dans les
mains de peu de gens, l'alphabétisation élitiste et la pauvreté
galopante.
Pour désennuyer les
noblesses européennes, les empêcher de se pourfendre trop vivement,
il fut décidé d'aller chasser l'infidèle sur ses propres terres.
Au nom de Dieu. Un Dieu d'amour, de pardon, de solidarité et de
partage. Mais au nom de qui on justifiait les hordes d'assassinats
d'innocents pour des questions de politiques intérieures, si je
raccourci un peu le schéma.
Aujourd'hui, je crois que
la situation s'est inversée. Nous, Occidentaux, ne vivons plus au
Moyen-Âge. Nous avons (encore) accès à l'éducation, nous savons
massivement lire et écrire. Nous aimons la recherche, la science,
les découvertes technologiques. Notre rapport à Dieu se fait de
loin en loin. Mais, une partie du monde musulman semble pris quelque
part entre tradition et modernité. Les fous qui nous tombent dessus
à coups de kalachnikov et de ceintures explosives se targuent de
détruire des centres culturels parce que ceux-ci recèlent,
censément, des mensonges, des impiétés.
Aujourd'hui, au nom du
même Dieu, ce sont nos terres qui sont menacées, nos innocents qui
sont exécutés. Ce Dieu d'amour et de pardon qui donne le droit, par
la bouche de certains leaders, de semer la terreur et la désolation.
J'ai peur. Comme beaucoup
d'entre nous, je crois. Mais je ne suis pas tentée par les discours
protectionnistes. Je n'ai pas envie que la Terre soit parsemée de
murs plus hauts et plus longs que nature. Je crois que notre planche
de salut c'est la tendresse, l'écoute, la compréhension, autant que
faire se puisse.
Et par dessus tout
l'éducation sans œillères, celle qui permet les débats et les
échanges sains de points de vue.
Celle qui regarde,
discute, disserte, mais qui ne tue pas.
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