dimanche, mars 31, 2019

La société des poètes disparus

J'étais une adolescente romantique et rêveuse. Un peu poète, très drama queen et un brin intense. J'étais donc un public parfait pour Dead poet society qui est sorti en 1989, alors que j'avais 16 ans. Je me souviens qu'au départ je n'avais pas envie d'y aller parce que les gens qui m'en parlaient me disaient tellement que j'aimerais cela que j'avais peur d'être déçue. Alors j'ai longtemps tergiversé avant de finalement m'y rendre, avec ma mère, au Beaubien, si je me souviens bien.

Dire que j'ai été renversée n'exprime pas justement mon état au sortir du cinéma. Ce film m'avait parlé comme si chacune des scènes étaient à moi seule destinée. Je me reconnaissais dans le personnage principal, dans son côté artiste et allumé, et je bénissais le ciel d'avoir des parents qui n'avaient pas prévu, pour aucun de leurs enfants, un chemin à suivre pour leur plus grand bien. Je me sentais libre de choisir ma propre voie et je dirais que je l'ai compris et intégré à cette époque. Ça m'a tellement interpellée que je suis allée le revoir deux fois au cinéma, que je me suis acheté la trame sonore et me suis procuré le livre que j'avais moins aimé parce qu'il s'appelait le cercle des poètes disparus comme en France et qu'il me semblait que c'était un peu moins le film que j'aimais tant.

Je ne sais pas combien de fois je l'ai vu au total, mais il y a certainement quelques dizaines dans le décompte. En français au départ, puis en anglais, parce que je connaissais le film par cœur et que j'espérais améliorer mon anglais par cette pratique. Ça a plutôt bien fonctionné, et aujourd'hui, je peux affirmer que je suis à l'aise en anglais en partie grâce à ce film.

Par conséquent, lorsque j'ai vu qu'on présentait une version théâtrale de ce texte à Denise Pelletier, j'ai toute suite eu envie de voir cette nouvelle version. Avant même que je puisse inviter une amie à m'y accompagner, elle me lançait l'invitation. Alors, nous y sommes allées.

Non, je ne suis pas sortie de la salle bouleversée comme l'adolescente que j'ai été l'avait été par la version filmique de la chose. Mais j'en suis sortie ravie et le cœur content. L'histoire et le texte avaient été scrupuleusement respectés. Je n'en demandais pas davantage. Les acteurs étaient excellents et justes. Je pouvais dire certaines partie du texte avec eux, comme je le fais devant ma télévision si d'aventure il me prend l'idée de revoir le film.

Mais le public cible, lui a réagi comme moi à l'époque. Les adolescents formaient à peu près un tiers du public et on les sentaient vibrer tout autour de nous comme si un fil invisibles les enlaçaient tous. La qualité d'écoute était extraordinaire et respectueuse. Et j'en ai entendu plus d'un pleurer à chaudes larmes aux moments voulus, comme moi autrefois.

C'était une belle soirée, bien nourrissante et j'ai bon espoir que beaucoup de jeunes se questionneront sur le pouvoir et l'importance de leur libre arbitre.

Ça fait rêver.

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dimanche, mars 24, 2019

Gaspiller ma salive (ou pas)

Je ne suis pas une spécialiste des peuples autochtones d'Amérique du Nord, mais disons que ce sujet m'intéresse. Je fréquent, auditivement, Serge Bouchard depuis assez longtemps pour avoir saisi que je n'y connais pas grand chose. Cependant, je peux affirmer que j'en sais sans doute un peu plus que la moyenne des gens sur ces communautés et les difficultés qu'elles traversent encore aujourd'hui à cause de la colonisation blanche dans cette partie du monde.

Par ailleurs, je travaille à un endroit qui me permet de mesurer l'ignorance généralisée concernant ces peuples. Le marché Jean-Talon est un endroit très touristique. Alors bien entendu, il y a un paquet de touristes qui y flânent à la recherche de quelque chose de typiquement québécois. On a bien une table à cet effet dans la librairie, auteurs d'ici, musique d'ici et tout ce que vous voudrez de ce genre là, à condition que la québécitude y soit bien identifiée. C'est ce qui marche, il faut un identifiant visible et facilement compréhensible pour que le touriste moyen l'achète.

Assez souvent, un personnage ou un autre, nous demande quelque chose de canadien ou de québécois et on fini par comprendre qu'on nous parle de quelque chose d'amérindien. On a des ressources: des livres d'auteurs présents ou passés, des musiciens fantastiques, des recueils d'illustrations d'artistes visuels. Bref, du beau matériel. Mais ce n'est absolument pas ce qui est recherché. On veut du gros maudit cliché et, soit-dit-en-passant, de l'inexistant. Ce que ces personnes veulent, ce sont des coiffes en plumes, des tipis miniaturisés, igloos et des cabanes de bois ronds et des villages sans électricité.

Certes, ces réalités on déjà existé, mais ce n'est plus le cas. Pas davantage que l'image de l'Europe du Moyen-Âge n'existe aujourd'hui. Oui, ça fait parti de souvenirs collectifs, mais nous vivons majoritairement à l'ère de l'électricité et des autoroutes. Le reste est pittoresque et réducteur.

Cette semaine, un homme m'a demandé un dictionnaire amérindien/français. Je lui ai répondu que je n'en avais pas en stock et que de toute manière, il lui faudrait être un peu plus précis pour la langue amérindienne. Cet homme était, à l'accent, canadien confirmé. Il m'a regardée comme si je débarquais de Mars avant de me demander : « ils ne parlent pas tous pareil? » J'ai pris une grande respiration pour ne pas laisser transparaître mon indignation dans ma voix avant de lui répondre que non, tous les amérindiens d'Amérique ne parlent pas la même langue.

Il m'a répondu que ce ne devait pas être bien différent d'une langue à l'autre et j'ai rétorqué que ça pouvait sans doute ressembler aux différences entre l'anglais et le français. L'homme est resté bouche-bée pendant quelques secondes avant de me dire :  « Je ne vous crois pas, ça doit bien exister un dictionnaire de français/amérindien, c'est juste que vous ne l'avez pas, alors vous mentez ».

Je n'ai rien ajouté. C'était la deuxième fois dans la même journée qu'un client me disait que je lui mentais. Un moment donné, une fille décide de dépenser sa salive à d'autres escients.

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dimanche, mars 17, 2019

Apnée en casse-tête

Je fais un casse-tête depuis 15 jours. Ça prend toute la place dans mes temps libres. Je ne lis plus, je ne regarde pas la télé, ni des films, je n'envoie pas de messages à personne ni ne téléphone à quiconque. Si, autour de moi, quelqu'un menace de proposer une activité sociale, je m'esquive pour ne pas entendre et ainsi ne pas avoir à refuser. Je fais le minimum viable de ménage et c'est tout juste si je me fais à manger parce que je suis beaucoup trop occupée à faire mon casse-tête.

Il m'a été offert par une amie de ma mère. Un gros maudit casse-tête de 3000 morceaux. Je n'avais jamais relevé un tel défi. Ça me faisait un petit peu peur pour commencer, mais surtout, je n'ai jamais eu l'espace où mener un tel projet dans mes vies antérieur. Je ne me suis pas lancée dans cette aventure sans préparation. La même personne avait aussi fait parvenir jusqu'à moi un 2000 morceaux. Là encore un défi que je n'avais jamais relevé. Cette fois, plus parce que ça ne m'étais jamais passé par l'idée que pour une autre raison. Peut-être aussi est-ce parce que la plupart des casse-têtes de 2000 morceaux que j'ai vu passer dans ma vie, étaient des reproductions de toiles impressionnistes et que ça fait longtemps que j'ai décidé que je n'aimais pas faire ces casse-têtes parce que je n'y performe pas autant qu'avec d'autres types d'images.

Ce qui, en soi est assez étrange. Parce que je ne suis pas particulièrement compétitive dans la vie. Je n'ai pas non plus une ambition galopante. Je dirais que ce qui m'importe c'est d'être bien dans ce que je fais, d'avoir un entourage stimulants et quelques personnes pour m'aimer.

Mais quand je fais un casse-tête, il faut que je sois efficace. Sinon, j'ai la moitié moins de plaisir. J'aime voir avance le projet. Tellement que peux en faire un de 1000 morceaux, si je l'ai déjà complété au moins une fois auparavant, en moins de 24 heures. Il va donc sans dire que je me suis trouvée complètement inefficace quand j'ai mis 7 jours à faire un 2000 morceaux. J'ai donc été passablement surprise quand ma mère s'est dite impressionnée que je l'ai complété en si peu de temps. Pour moi, il aurait fallut que je le complète en 48 heures étant donné qu'en fait des moitié moins grands en la moitié du temps.

Mais ce n'est pas comme ça que ça marche. Il va donc sans dire que ce n'est pas 72 heures que ça prend pour faire un 3000 morceaux. Je bûche comme une damnée sur ce projet depuis que je l'ai entrepris. Et je sais d'ores et déjà que ce sera ma dernière fois. Parce que si je me sais apte à relever le défi, ne plus avoir de vie sauf des petits morceaux de bonshommes colorés pendant des semaines, c'est un peu trop pour moi.

Et visiblement, je ne suis pas de celles qui peuvent mettre des mois à compléter un projet comme celui-ci. Comme si les pièces entraient dans ma tête pour faire éclater ma cervelle.

Ce qui ne me donne qu'une envie : récupérer ma tête.

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dimanche, mars 10, 2019

Je ne m'ennuie pas

Ça fait maintenant trois mois que je vais à la garderie. J'aime beaucoup ça, parce qu'il y a plein d'amis à la garderie. Pas que je m'ennuie chez-moi; l'ennui, je ne connais pas encore vraiment cela. J'ai tellement de choses à découvrir et évidemment, je veux tout goûter pour commencer. Je trouve que mes parents sont bien fatigants quand ils m'ôtent des choses de la bouche, c'est une si belle manière de connaître mon environnement, mais des fois, je regrette un peu d'avoir goûté parce que ce n'est pas toujours bon. Le citron, par exemple, il est très joli et très tentant avec sa belle couleur jaune, mais il me fait cracher et cracher encore quand je le mets dans ma bouche.

Je ne marche pas encore sur mes deux jambes, en tout cas, pas toute seule. J'ai une voiturette qui m'aide beaucoup et j'adore ça, et aussi bien des paires de bras pour m'aider à avance un peu. Sauf que je suis une championne du quatre pattes. Tellement que j'ai pu montrer à une amie de la garderie comment on fait pour se déplacer vite, vite et rattraper les grands qui marchent sur leurs deux pattes. Je n'aime pas être laissée en arrière, qu'on se le tienne pour dit. Surtout quand mon frère fait quelque chose. Dès qu'il commence un jeu qui bouge et que je le vois, je veux participer. Lui, ne veut pas tout le temps. Même pas souvent. Mais je me dépêche d'arriver dans le jeu et je prends tous ses bonshommes d'une main pour me les mettre dans la bouche. Mes parents m'appellent Godilla. Et mon frère n'est pas content.

J'aime aussi beaucoup faire des culbutes. Je suis très bonne, si on m'aide. Je ne parle pas encore, mais je sais me faire comprendre. Les gestes, c'est très bien. Je peux montrer que je veux faire une culbute, il y a toujours un adulte pour m'aider à la compléter. Je peux aussi faire aller mes doigts vers moi en montrant quelqu'un pour que ce soit clair que je veux jouer avec cette personne-là. Je sais dire non, avec le mot et avec ma tête. Et ça me fait beaucoup rire de faire non. Et je peux faire des câlins. Je suis la meilleure petite fille de mon entourage distributrice de câlins, c'est certain. Et c'est moi qui choisi à qui et quand je les fait. C'est très bien ainsi.

J'ai eu un an cette semaine et j'ai découvert de très belles choses en ayant cet âge. Par exemple que j'aime beaucoup certaines chansons et que je peux commencer à les chanter. Ben, je fais l'air, je ne connais pas encore les mots, sauf que je sais que ça viendra. Mon frère, il les connaît les mots, alors il les chante pendant que je danse à côté de lui, très heureuse qu'on partage une activité.

Mais surtout, Maman m'a installée à la petite table du salon avec un joli crayon de couleur et du papier. Ça a été une découverte majeure. Je peux mettre la couleur sur le papier. J'adore ça. Et c'est quelque chose que je peux faire toute seule, presque complètement, j'ai juste besoin qu'on m'aide à m'asseoir à la table. Après, je suis partie pour plusieurs minutes de pur bonheur. Et quand je suis fatiguée de dessiner, je peux déchirer le papier, ce qui est tout aussi amusant.

Et à la fin de journée bien remplie comme celle-ci, je tombe de fatigue, bien heureuse de retrouver mon lit dans la chambre que je partage avec mon frère. Je dors alors à poings fermés parce que je sais que demain je serai occupée à découvrir encore tout plein de belles choses que je ne connais pas encore aujourd'hui.

J'aime ma vie.

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dimanche, mars 03, 2019

Retrousser mes souvenirs

Quand j'étais adolescente, la société de mes pairs se divisait en groupuscules qui s'agrégeaient autour de la musique que leur membres écoutaient. Je ne sais pas si c'est la même chose de nos jours, mais à l'époque, on pouvait pratiquement dire en regardant la vêture des uns et des autres à quelles entités ils s'identifiaient. Je ne suis pas musicienne, je ne l'ai jamais été malgré le fait que j'ai été introduite à la musique à un jeune âge. Je sais déchiffrer une partition faire des gammes sur quelques instruments ce qui ne fait pas de moi une musicienne. Ce n'est pas mon talent, et je vis très bien avec cet état de fait.

J'ai bien entendu eu une phase, assez longue, durant laquelle j'écoutais la radio commerciale afin de connaître les chansons à la mode comme tout le monde. Mais je me suis un jour aperçue que ce qui me touche en musique ce sont les textes davantage que les mélodies. Parce que je n'étais pas très bonne en anglais et que ça me prenait toujours un dictionnaire pour décrypter un texte en anglais, je me suis rapidement tournée vers la musique francophone.

Ce choix à lui seul, faisait de moi une bien étrange bibite dans mon milieu. J'avais une planète musicale que j'habitais toute seule, ou presque. Il me fallait par ailleurs me plier aux tendances du moment et accepter d'écouter ce que les autres aimaient que j'ai fini par apprécier, la plupart du temps. Ma seule exception était Harmonium, parce que c'était à peu près la seule musique francophone que mes amis et connaissances acceptaient d'écouter. Alors, pour me faire plaisir, ils mettaient L'Heptade tout le temps. Comme si de un, c'était le seul album d'Harmonium, de deux, la seule musique en français qui soit écoutable.

Fa que par pur esprit de contradiction, j'ai rayé Harmonium de mon vocabulaire et de mon écoute. Je n'ai aucun album d'eux et n'en ai jamais eu. Par conséquent, je n'ai jamais vraiment porté attention à la poésie de Fiori. C'est par hasard, cette semaine, en sortant du boulot que j'ai attrapé un grand entretien entre Monique Giroux et Serge Fiori. Je savais que ça jouerait cette semaine, et je n'avais pas prévu de l'écouter. Mais bon, comme je n'écoute que la radio dans mes trajets, je ne choisi pas toujours ce que j'écoute.

Bref, j'ai été émue et touchée par un grand musicien et un grand parolier dont l'histoire est complexe et très triste parce que quel que soit le succès qu'il ait connu, il ne peut plus pratiquer le métier qui l'anime pour cause d'anxiété. Et pour la première fois de ma vie, j'ai porté attention aux textes des chansons.

Alors, je me suis rendue à l'évidence que mon esprit de contradiction légendaire ne m'avait pas toujours bien servie.

Heureusement, je suis encore assez souple pour accepter mes erreurs, sur quelque sujet que ce soit et grandir en les acceptant.

Aujourd'hui, j'ai lu tous les textes de Fiori en m'abreuvant de sa poésie.

Retrousser ses souvenirs, parfois, ça fait vraiment du bien.

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